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San Judas Tadeo, l’apôtre des déshérités

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[image:1,l]Chaque 28 du mois, sur la place Hidalgo de Mexico, les fidèles s’entassent dans l’église catholique pour célébrer une messe en l’honneur de San Judas Tadeo (Jude ou Juda Thaddée en français), saint patron des causes perdues. La cérémonie se déroule de l’aube jusqu’à tard dans la nuit. Ceux qui ne peuvent pas rentrer dans l’église écoutent les prières à l’extérieur grâce à des haut-parleurs installés sur le parvis.

Le fidèle compagnon des causes perdues

Le même jour, une foule incroyable de Mexicains affluent à travers les rues ou en métro jusqu’à l’église, portant cérémonieusement dans leurs bras des statues de San Judas Tadeo, ou bien des portraits du saint, pour les faire bénir. Vision étonnante d’une rivière de San Judas Tadeo, représenté avec une toge verte, une flamme sur la tête, et la figure du Christ sur sa poitrine, et paré de petits colliers de perles colorées. 

Selon les Evangiles, San Judas Tadeo était l’un de ses douze apôtres du Christ. Il fut martyrisé puis décapité en Perse (ou en Arménie) vers l’an 62. Traditionnellement vénéré, dans les pays catholiques, comme le saint des causes perdues, il est devenu récemment, au Mexique, la figure de prédilection pour les couches les plus défavorisées de la population. Maladies incurables, chômage, toxicomanie, pauvreté, prison : on dit le saint généreux et sensible aux prières des malheureux, capable de réaliser des miracles

Des catholiques aux junkies

Parmi la foule au crépuscule, Daniel, 27 ans et vendeur de bière, lutte pour transporter une statue grandeur nature de San Judas Tadeo à travers la cohorte des restaurants ambulants et fidèles en procession. Il explique sa dévotion en bégayant nerveusement : « San Judas m’a accordé des faveurs, donc je suis venu ici. Il m’assure un travail, une bonne santé. C’est pour cela que je l’amène ici, pour le remercier ». Son ami, Jésus, qui comme Daniel a demandé à être identifié seulement par son prénom, confie devoir beaucoup au saint qu’il adore chaque mois depuis six ans : « Je me droguais, je volais, j’étais sur le mauvais chemin. Mais j’ai changé grâce à San Judas. A deux ou trois reprises, il a accompli les requêtes que je lui avais adressées ».

[image:2,s]« Lors du service, on peut voir des chrétiens, des catholiques dévoués, et des personnes qui participent très sérieusement à la vie civique », a déclaré le père José de Jésus Aguilar, directeur de la radio et de la télévision pour l’archidiocèse du Mexique. « Nous pouvons également voir des groupes plus en marge, pas vraiment catholiques, qui utilisent le symbole de San Judas pour accomplir plusieurs sortes d’actes qui sont totalement contraires à la notion de foi, comme les vols, attaques, l’utilisation de drogue, toutes sortes de choses ». Une pratique qui n’est pas isolée.

Le culte de Santa Muerte

Le culte de San Judas ressemble à s’y méprendre à celui de Santa Muerte, à quelques exceptions près. Santa Muerte est vénérée par trois millions de personnes, généralement des narcotrafiquants, des criminels, des toxicomanes, par toutes personnes dont la vie est souvent mise en danger. Pourtant, parmi eux, il n’est pas rare de retrouver des familles de la classe ouvrière.

Tout comme  pour San Judas, les personnes viennent vers Santa Muerte pour chercher la protection, la santé et la sécurité de l’emploi. Mais alors que le culte de Santa Muerte est considéré comme satanique et donc condamné par l’Eglise, celui de San Judas est accepté comme partie intégrante de la culture religieuse du Mexique

San Judas plus fort que le pape

Le pape Benoît XVI viendra en visite au Mexique du 23 au 26 mars, mais évitera la capitale, bien trop libérale par rapport au reste du pays. La légalisation du mariage homosexuel et l’avortement à Mexico font partie des raisons qui ont poussé le pape à choisir la pittoresque ville de Guanajuato pour sa visite, à quelques heures de la capitale. Le Mexique, qui a l’une des plus grandes populations catholiques du monde, attend la visite du pape comme un évènement très important.

Mais tout le monde n’est pas de cet avis. Heriberto Cenovía et sa femme Bellarmina Velasco viennent, depuis leur rencontre il y a maintenant huit ans, presque tous les 28 du mois rendre hommage à San Judas. Ils tiennent un stand de fruits dans le centre des Abastos, l’un des grands marchés de la ville. « Beaucoup de jeunes viennent ici pour se droguer et voir des miracles se produire » a confié Cenovía, ajoutant que cela ne le dérangeait pas. « Nous ne venons pas ici pour chercher des grâces spéciales, mais pour rendre hommage à San Judas, et lui demander de veiller sur notre famille. » Beaucoup de jeunes assistent à la messe pour San Judas Tadeo alors qu’ils font l’impasse sur la messe dominicale. 

Interrogé à propos de la visite du pape, Cenovia sourit et déclare : « C’est bien qu’il vienne ». Mais pour Cenovía et sa femme, leur vraie allégeance religieuse se fera deux jours après la visite du pape, le 28 mars, dans l’église où ils rendront hommage à San Judas Tadeo.

Adaptation GlobalPost / Sabrina Alili pour JOL Press

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