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Souhayr Belhassen: «Pas de démocratie sans égalité des sexes»

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JOL Press : pouvez-vous nous parler de la situation des femmes dans le monde arabe aujourd’hui ? Les femmes sont-elles en danger, prennent elles en main leur destin ?

Souhayr Belhassen : en tant que présidente de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), vous vous doutez bien que nous sommes au cœur des évènements du monde arabe. Que ce soit les révolutions en Tunisie, en Egypte ou en Libye, dans des situations d’évolution comme au Maroc ou en Algérie, et dans des situations de contestations sanglantes en Syrie, à Bahreïn ou au Yémen. Toutes ces situations, nous les avons analysées de façon transversale grâce à nos organisations membres, une trentaine dans la région arabe, et nous avons partagé les constats, les stratégies et surtout les développements futurs.

Dans une publication de la FIDH qui sort aujourd’hui, nous avons pris vingt recommandations pour les pays du monde arabe. Les premières concernent évidemment la démocratie, la liberté et la dignité. Il n’y a pas de démocratie sans égalité entre les sexes. C’est une de nos recommandations fortes. Il faudrait que les réformes institutionnelles et constitutionnelles aillent dans ce sens. Sur le plan du quotidien dans la région, aujourd’hui encore, les femmes restent des citoyennes de seconde zone. La discrimination citoyenne est réelle et les risques de régressions le sont également.

Pensez-vous que la situation des femmes ait régressé ou progressé ces dernières années dans le monde ? 

Souhayr Belhassen : la zone géographique la plus sinistrée est évidemment le monde arabe : enfermement des femmes, citoyennes aux droits souvent bafoués… Mais si on regarde l’Amérique latine où les femmes sont présentes dans les institutions politiques et publiques, la violence reste la même. Une des revendications des femmes dans le monde est de lutter contre la violence qui est malheureusement transversale. Les viols de femmes en République démocratique du Congo sont aussi une tragédie. Ils sont devenus une arme de guerre. La Cour pénale internationale a criminalisé les viols et il faut s’en réjouir. Mais la situation reste dramatique dans les pays en guerre. Et malheureusement il y en a. En Birmanie, par exemple, c’est également un problème majeur, le viol est utilisé contre les femmes.

Cette année, l’ONU a choisi de placer la Journée de la femme sous le signe de la ruralité. La défense des femmes représente-t-elle aussi un enjeu pour le développement ?

Souhayr Belhassen : aujourd’hui, les droits économiques et sociaux sont une priorité, même si on s’est intéressé surtout aux droits politiques et civils. Je voudrais parler de la responsabilité sociale des entreprises qui tendent à s’exporter vers le Sud. Les salaires sont donc plus bas. Nous avons fait par exemple une enquête sur l’importation de main-d’œuvre féminine marocaine et l’exportation des fraises en Espagne, car ce sont des situations sur lesquelles il faut se pencher, si on veut que le développement des femmes suive le développement économique et social.  Ruralité, instauration de droits économiques, égalité des rémunérations … toutes ces questions sont importantes et participent aussi à la défense des femmes.

Selon vous, face aux défis de la mondialisation, le féminisme doit-il évoluer ?

Souhayr Belhassen : il doit certainement évoluer, car tout évolue. On ne peut pas dire d’une cause qu’elle n’évolue pas, elle s’adapte aux situations du monde. Le féminisme a été construit dans le monde occidental et aujourd’hui, il faut s’en féliciter.  Toutefois, les femmes du reste du monde ont des revendications primaires, celles des occidentales correspondent à d’autres étapes. Mais nous nous battons toutes pour une même cause. Et plus on sera solidaires, plus l’universalité des droits et des libertés sera transversale, plus les femmes y gagneront.

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Propos recueillis par Olivia Phélip

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