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Un an après, Fukushima est toujours dans la tourmente

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Une visite sur la scène du pire accident nucléaire qu’ait connu le Japon, presqu’un an après que l’île ait été frappée par un séisme et un tsunami d’une rare puissance, est une étude pleine de contrastes.

Lente reconstruction

Partout ailleurs, le long de la vaste côté touchée par le tsunami du 11 mars, des signes de progrès sont palpables. Près de la totalité des 23 millions de tonnes de gravats ont été enlevées, ne reste plus que la reconstruction.

Mais à Fukushima, c’est comme si le nettoyage venait de commencer. En fait, tout le monde est à l’œuvre, mais dans l’ombre, à l’intérieur des réacteurs où le combustible fondu demeure dans un état imprécis et dans un endroit qui reste un mystère.

La force destructrice qui a conduit à l’effondrement des trois réacteurs saute aux yeux ce de petit groupe de journalistes, autorisé par Tokyo Electric Power (Tepco), à entrer dans la zone d’exclusion de 20 kilomètres imposée autour de la centrale après l’explosion du premier réacteur le 12 mars 2011.

No man’s land

Dans la ville de Naraha, la plupart des bâtiments sont sortis indemnes su séisme, mais les rues sont désertes. Nous passons devant une épicerie. Les étagères sont intactes. Sur le parking, des voitures ont été abandonnées dans la panique.

Pendant le rapide voyage entre l’usine et J.Village, un complexe d’entraînement de football transformé en base logistique pour le nettoyage de Fukushima, des moniteurs nous informent de la présence de l’ennemi invisible, les rayonnements, qui ont poussé 80 000 personnes à quitter leur maison.

Les niveaux de radiations s’élèvent et redescendent, ils montent en flèche à Okuma, un village agricole à deux kilomètres de l’usine, qui pourrait rester inhabitable pendant des décennies.

L’abandon de communautés entières est assez troublant, mais ce n’est rien par rapport à l’observation, de près, des réacteurs endommagés de Fukushima Daiichi.

Une centrale d’acier et de débris

Un premier est enveloppé dans une couverture vinyle, un autre semble en partie intact. Les réacteurs 3 et 4 ne sont qu’un tas de d’acier et de débris.

Cette zone de basse altitude près de la côte est de loin la partie la plus dangereuse du site. De forts niveaux de radiations ont entravé le travail pour nettoyer l’épave et inspecter l’état du combustible fondu. La veille de notre visite, un robot envoyé dans le réacteur 2 a trouvé 200 milisieverts par heure à certains endroits.

Les réacteurs proches de l’océan ont été des cibles faciles pour la vague de 14 mètres qui s’est abattue sur le mur de protection de l’usine. Sur la route qui longe la côte, des sacs remplis de gravats servent de renforcement de fortune, de l’autre côté, les entrailles des bâtiments qui abritent les turbines des réacteurs sont exposées au grand jour.

Mais ce fouillis apparent ne raconte que la moitié de l’histoire. De l’extérieur, c’est le chaos total, mais à l’intérieur, le combustible nucléaire est gardé au frais par d’importantes quantités d’eau, qui sont ensuite stockées dans des réservoirs installés dans chaque espace de libre sur le site, avant d’être décontaminés et envoyés de nouveau dans les réacteurs.

La gestion de l’eau est essentielle pour éviter au combustible de chauffer et d’entraîner une catastrophe nucléaire en chaîne, explique Katsuhiko Iwaki, directeur adjoint du centre de stabilisation de Fukushima Daiichi.

La capacité actuelle de 165 000 tonnes d’eau atteindra ses limites en avril, dit-il, ajoutant que Tepco est en train d’aménager de l’espace pour un renfort de quelques dizaines de milliers de tonnes d’eau supplémentaire.

Des employés qui risquent leur vie

Travailler à proximité des réacteurs endommagés est toujours très dangereux. « La plupart des employés ici ne travaillent que deux heures le matin et deux heures l’après-midi » explique Katsuhiko Iwaki.

« Mais il y a certaines zones ou les radiations sont tellement fortes qu’ils ne peuvent rester que deux ou trois minutes. C’est juste assez pour brancher un tuyau avant que leurs alarmes leur signalent de partir. »

Satoshi Tarumi, dont le travail consiste à surveiller la santé des employés, est arrivé à l’usine trois jours après le tsunami. Les conditions se considérablement améliorées depuis, et malgré son jeune âge, il a 33 ans, il n’a pas peur pour sa santé.

« En tant que membre de l’équipe de Fukushima Daiichi, je me sens en partie responsable de ce qui s’est passé, c’est pourquoi je veux être impliqué. » explique Satoshi Tarumi. « Mes niveaux d’exposition sont toujours en dessous de la limite légale, et je ne vois aucun problèmes à travailler ici. »

 « C’est au gouvernement de prendre une décision concernant l’énergie nucléaire. Je suis juste ici pour faire de mon mieux pour stabiliser l’usine. »

Rien n’est hors de danger

Au sommet de l’opération Fukushima Daiichi, Takeshi Takahashi, un homme d’aspect très sérieux, parlant peu, est devenu directeur de l’usine l’année dernière en succédant à son prédécesseur, Masao Yoshida, parti en retraite anticipée.

Takeshi Takahashi confirme que la situation sur le terrain est encore fragile. « Nous devons éviter de nouveaux rejets importants de matières radioactives comme ceux que nous avons vu après l’accident. »

« Nous avons atteint l’arrêt à froid (un état stable durant lequel la température des réacteurs reste en dessous du point d’ébullition) en décembre, mais nous devons nous assurer de continuer à améliorer la situation car nous ne pouvons toujours pas dire avec certitude que les installations sur le site sont totalement hors de danger. »

Ces installations sont contrôlées jours et nuits par une équipe de 700 personnes installées dans la salle de contrôle d’urgence. Divisés en sections en fonction de leurs spécialités, ils sont en relations directes avec les hommes sur le terrain et le siège de Tepco à Tokyo grâce à deux écrans géants. Le long des murs, des messages de soutien aux employés sont affichés, un grand drapeau japonais trône, il porte la mention « espoir » en gros caractères.

Certaines zones pourraient devenir habitables dans quelques mois

Takeshi Takahashi ne fait aucune tentative pour contourner une question portant sur la conduite de Tepco lors des premiers jours de la crise, lorsque l’information était rare et parfois contradictoire. Sa priorité, dit-il, était de permettre à de nombreuses personnes de rentrer chez elles.

« Nous entendons souvent dire que nous n’avons pas communiqué correctement, et j’en suis vraiment désolé » ajoute-t-il. « Nous n’avons jamais voulu supprimer l’information, mais tout a été très chaotique ici, après l’accident et nous avons eu tendance à négliger l’information. »

« Je voudrais présenter mes excuses pour toutes les préoccupations que nous avons causé aux populations locales. Nous avons besoin de rétablir la situation ici pour apporter du confort et du soulagement aux populations locales. »

Certains rapports suggèrent que les niveaux de radiations dans certaines zones proches de la zone d’évacuation sont assez bas pour permettre le retour d’un petit nombre d’habitants dans les mois qui viennent.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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