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Des républicains sceptiques en Pennsylvanie

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James Carville, conseiller politique de Bill Clinton, avait fait parler de lui lorsqu’il avait comparé la Pennsylvanie à « l’état d’Alabama, avec Philadelphie et Pittsburgh sur les côtés ». Sur le papier, Mitt Romney avait quelques soucis à se faire avant le vote.

Les libéraux des grandes villes n’apprécient pas particulièrement Romney et ne lui font pas vraiment confiance non plus. Ces zones urbaines sont aussi habitées par une population noire qui votera massivement pour Barack Obama.

Mais le cœur de la Pennsylvanie ne lui sera pas plus clément. Il est pourtant largement peuplé de conservateurs, qui ont fait du jour de l’ouverture de la chasse un jour férié et qui « s’accrochent aux armes et à la religion », pour reprendre les mots d’Obama, alors candidat à la présidentielle en 2008.

En tout cas, c’est ce qui ressort du dîner que j’ai partagé hier avec un groupe de Républicains. Aucun d’entre eux, que ce soit le dirigeant de compagnie pétrolière, les propriétaires d’une petite entreprise, ou la dame qui travaille dans un haras, ne compte voter pour Romney.

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« C’est qu’il n’a vraiment rien de spécial », marmonne Tara, la passionnée de chevaux.

Cela ne devrait pas être un obstacle insurmontable pour Romney, puisqu’il il est en fait le seul qui se présente vraiment.

L’ancien président de la Chambre des Représentants Newt Gingrich se dit être dans la course pour contribuer au débat conservateur, mais il est plus probable que la raison de son non-abandon réside en fait dans sa quête désespérée de fonds pour pouvoir éponger sa dette de campagne. Plus il aura de délégués, plus il pourra trouver des sponsors. Gingrich s’investit beaucoup dans le petit état du Delaware, qui est aussi un état « winner-take-all », avec 17 délégués à la clé.

Ron Paul, député du Texas, n’a pas vraiment mené campagne en Pennsylvanie car les astres ne jouent pas en sa faveur. Mais il continue de diffuser sa parole libertaire en achetant du temps de parole à la télévision dans le Rhode Island, dans l’espoir d’avoir son mot à dire à la convention de Tampa. Paul, contrairement à Gingrich, n’a pas mené une campagne agressive et n’a pas de dette.

Rick Santorum est toujours techniquement dans la course, bien qu’il ait arrêté sa campagne il y a de ça deux semaines. Selon Will, le dirigeant de compagnie pétrolière, c’est parce que l’ancien sénateur de Pennsylvanie savait qu’il n’allait pas l’emporter sur sa terre natale.

« Tout le monde le détestait » m’a-t-il dit alors que nous dînions dans un petit restaurant italien à une heure de route de Philadelphie. « Plus personne ne voulait de lui en 2006 et il aurait été écrasé cette fois-ci. »

Barack Obama, grandissime favori… des républicains

Ce dîner m’a appris beaucoup de choses, à ma grande surprise. Avec quatre républicains autour de moi, je m’attendais à entendre parler des questions centrales du conservatisme. Mais le vin aidant, et les langues se déliant, j’ai plutôt eu le droit à une diatribe contre le Parti Républicain, et à des prévisions sur les élections présidentielles.

La seule chose sur laquelle ils n’arrivaient pas à s’accorder était de savoir de combien de points Obama allait battre Romney en novembre. Will penchait pour une victoire écrasante, les autres imaginaient un résultat plus serré.

« Je n’aime pas ce que sont devenus les Républicains », m’a dit Will, qui travaille à Pittsburgh dans le pétrole. « Ils ont pris des positions dont on ne peut se sortir, et ils comptent faire en sorte que rien ne bouge. Je ne peux pas les soutenir dans ces conditions. J’ai voté pour Obama en 2008, et je vais le refaire. »

Will le reconnaît, ses clients ne soutiennent pas vraiment Obama ; les magnas du pétrole et le Parti républicain sont indissociables. Mais Obama ne serait, selon lui, pas si nocif pour le milieu des affaires que ce qu’on tend à croire.  Il demande seulement à ce que les rôles soient répartis, selon Will, mais ni les magnats du pétrole ni les républicains sont prêts à se défaire de pouvoirs ou de profits.

« Ils veulent tout pour eux » dit-il. « Ils ne lâcheront rien, et ce n’est pas réaliste. Le Parti Républicain va disparaître s’ils continuent comme ça. »

Tara, son épouse, est d’accord avec lui.

« On reste républicains. On est pour un gouvernement moins présent et un conservatisme fiscal. Mais je ne suis pas d’accord avec le Parti républicain sur le plan social. Pourquoi vouloir un gouvernement qui ne fait pas d’ingérence, mais qu’on autorise à rentrer dans nos chambres ? »

Le repoussoir Santorum

Tara, tout comme les deux autres personnes autour de la table, un couple d’homosexuels qui ont ouvert leur petite entreprise de jardinage, est choquée par la façon dont Santorum a voulu axer sa campagne sur la question de la contraception et de l’avortement.

« Avec l’économie dans cet état, ce n’est vraiment pas la priorité » dit-elle, contrariée. « Pourquoi essayer de détourner l’attention alors qu’il y a d’autres problèmes vraiment importants ? »

Martin, le fleuriste, n’est pas tendre non plus avec l’ancien sénateur de Pennsylvanie. « Imaginez un peu ce qu’on a ressenti… » dit-il, en regardant son compagnon, Steve.

Santorum s’est toujours opposé ouvertement au mariage gay, et il est même contre l’homosexualité en soi. C’est avec joie que Martin revient sur la campagne contre Santorum, qui, en 2003, lui a valu un surnom à la limite d’une l’insulte, toujours très utilisé dans les cercles gay.

La Pennsylvanie, Etat clé

La Pennsylvanie est considérée comme un état clé, qui peut faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre lors de l’élection présidentielle, même si l’Etat a voté pour le Parti démocrate à chaque élection présidentielle depuis 1992. La plupart des sondages penchent eux aussi pour Obama en ce qui concerne les élections au Congrès.

Lundi, à la veille du vote, Romney faisait campagne en Pennsylvanie en compagnie de Marco Rubio, sénateur de la Floride, grand favori au poste de vice-président de Romney, qui doit espérer que les origines cubaines de Rubio encouragent les hispaniques à voter pour lui, et ainsi réduire l’écart de 40 points qui le sépare d’Obama dans les intentions de vote de cette minorité.

Aucun des deux hommes n’ose pourtant s’avancer sur le sujet. Romney dit qu’il est trop tôt pour en parler, et Rubio se refuse à aborder la question.

Il cherche probablement à éviter toute autre maladresse sur le sujet, comme celle qu’il a faite lors d’une interview donnée au National Journal, où il a déclaré : « Dans trois, quatre, cinq, sept ans, si je fais du bon travail en tant que vice-président, non, je veux dire, sénateur, j’aurai l’opportunité d’accomplir beaucoup de choses. »

Rubio insiste désormais qu’il n’est pas en lice pour le poste de vice-président, ce qui pourrait être une mauvaise nouvelle pour Romney, car, d’après mes compagnons de table, le candidat républicain aura bien besoin d’un peu d’aide.

Global Post / Adaptation Amélie Garcia – JOL Press

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