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Elysée 2012: le regard d’Aske Munck, journaliste danois

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JOL Press : Selon vous, l’intérêt que vos médias nationaux portent à la prochaine élection présidentielle française est-il supérieur, inférieur ou égal à celui observé lors des précédentes éditions ? 

Aske Munck : L’intérêt est presque aussi grand que lors des élections précédentes. La perspective désormais très probable d’avoir un chef d’état socialiste ou social-démocrate – disons les choses telles qu’elles sont – rend les élections encore plus intéressantes, et rappelle l’alternance à gauche que nous avons nous–mêmes connue au Danemark, il y a peu de temps. Bizarrement, les élections françaises ne suscitent pas tant d’articles que ça. Et même si l’impact réel des élections américaines sera moindre que les élections françaises, en raison de la place centrale qu’a toujours eue la France au sein de l’Union européenne, la course à la Maison Blanche suscite plus d’analyses et de reportages.

JOL Press : quels sont selon vous les principaux problèmes auxquels devra se confronter le prochain président de la France : la lutte contre le déficit, la sécurité, l’immigration ?

Aske Munck : Le déficit et la crise économique sont, sans aucun doute, les soucis principaux de la France. L’immigration clandestine et la sécurité sont des sujets d’importance mais servent plutôt comme un épouvantail agité par la droite pour attirer les votes du Front National. La menace de Nicolas Sarkozy de forcer une modification des accords Schengen en est l’exemple le plus flagrant, car une révision de ces accords est déjà en train d’être négociée.

Un regard acerbe sur les pratiques politiques françaises

JOL Press : dans votre pays quel regard porte-t-on sur les cinq années de pouvoir du président Nicolas Sarkozy ?

Aske Munck : Difficile à dire. Le bilan de Sarkozy n’est pas sans ambiguïtés. Les Danois n’ont guère apprécié son arrogance vis à vis du premier ministre Helle Thorning-Schmidt pendant le sommet européen (hiver 2011) où Sarkozy a carrément dit: « Vous êtes nouvelle, et vous êtes un petit pays », confirmant ainsi encore une fois le stéréotype de l’arrogance diplomatique française.

Or, le plus grave a été les scandales qui ont éclaté autour du président, comme le Karachigate ou bien les affaires Bettencourt ou Kadhafi qui concernent le financement de sa campagne de 2007 et qui sont encore plus graves, car très récents. Tout cela aurait immédiatement entraîné la chute de quelque candidat que ce soit au Danemark.

En même temps nous regardons d’un œil méfiant les abus du pouvoir, dont ont été coupables des hommes très proches du chef de l’état, comme le dirigeant du DCRI, Bernard Squarcini, qui a illégalement demandé les fadettes des journalistes du Monde et Médiapart, qui écrivaient sur l’affaire Bettencourt. Cela montre un mépris surprenant et horrifiant pour les droits fondamentaux de la part des plus hautes autorités de l’état. Pourtant un mépris, dont Bernard Squarcini s’est défendu sans honte dans Le Point. Car, apparemment, la renommée d’un potentiel premier ministre (Éric Woerth) prévalait à ses yeux sur le respect pour la démocratie.

En rajoutant à cela le copinage entre Sarkozy et les plus grands fabricants d’armes du pays, qui sont aussi les propriétaires des plus grands relais médiatiques du pays (TF1, Le Figaro, Paris Match etc.), on arrive presque à une image qui rappelle les pires républiques bananières. Car les abus de pouvoir vis à vis des médias et des journalistes sont légion.

Méfiance à l’égard de l’Homme providentiel « à la française »

JOL Press : Quelle opinion a votre pays sur son principal challenger, François Hollande ?

Aske Munck : Les Danois ne connaissent pas très bien François Hollande, mais le fait qu’il ne soit pas le fameux homme providentiel Français et pas non plus un homme tranchant pourrait s’avérer un avantage dans l’Union européenne à 27 où la capacité d’obtenir des compromis est de plus en plus importante.

JOL Press : Votre pays craint-il une montée des extrémismes en France : extrémisme incarné principalement par Marine Le Pen, mais aussi par Jean-Luc Mélenchon ?

Aske Munck : Ayant connu plus d’une décennie de gouvernement de droite alliée à l’extrême-droite (Dansk Folkeparti), les 15% dans les sondages dont peut se vanter le Front National ne nous choquent pas tellement. La percée de l’extrême gauche est plutôt intéressante comme phénomène politique, car la France reste un des derniers pays de l’Europe où cette fraction a survécu à la fin de la guerre froide. Cependant, le soutien à M. Mélenchon paraît plus lié à son enthousiasme et son franc-parler qu’à son programme politique et reflète surtout l’incapacité des deux candidats principaux à répondre aux peurs des électeurs pour leur avenir dans une France qui subit les ravages de la mondialisation.

L’impact sur les relations internationales

JOL Press : Le résultat de cette élection est-il présenté comme susceptible de modifier (et si oui, de quelle manière) les relations entre votre pays, le Danemark, et la France ?

Aske Munck : Les relations entre la France et le Danemark pourraient s’améliorer dans le cas où François Hollande l’emporte, ne serait-ce que par le fait que c’est un social-démocrate avec un caractère beaucoup moins arrogant que Nicolas Sarkozy.

JOL Press : Quel pourrait être l’impact de cette élection sur le fonctionnement de l’Union européenne ?

Aske Munck : A l’échelle européenne, François Hollande aurait peut-être plus d’écho, notamment puisqu’il sera moins susceptible de mettre en avant la grandeur et le rang de la France et moins soucieux des sondages et de sa propre image.

En revanche reste à voir comment se joueront les négociations sur l’addendum ‘croissance’ au pacte financier de l‘UE que souhaite Hollande… Pour cela il va falloir se mettre d’accord avec Angela Merkel, ce qui n’est pas évident.

JOL Press : Quels effets pourrait avoir cette élection sur les dossiers diplomatiques internationaux ?

Aske Munck : Quant aux relations internationales, dans leur ensemble, c’est difficile à dire. Nicolas Sarkozy n’avait pas non plus d’expérience internationale quand il s’est installé à l’Élysée. Hollande est un homme très intelligent et expérimenté qui est entouré par des hommes très compétents, et je ne vois donc pas pourquoi il ne saurait pas se débrouiller au moins aussi bien que Sarkozy, qui a – faut-il le rappeler? – fini par laisser à un moment sa politique étrangère aux mains du jet-setter philosophe Bernard Henri-Lévy après un Printemps arabe en Tunisie et en Egypte complètement raté par la France.  

Nicolas Sarkozy, d’une courte tête

JOL Press : Qui, selon vous, remportera cette élection ?

Aske Munck : Mon pronostic, c’est que Nicolas Sarkozy va l’emporter avec la plus petite marge jamais observée dans l’histoire de la 5e République. Un psychodrame, très français.

[image:2,s]Entretien avec Aske Munck, correspondant à Paris de l’hebdomadaire politique Weekendavisen.

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press.

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