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Elysée 2012: rendez-vous manqué avec la politique 2.0

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Les candidats à l’élection présidentielle française ont nettement minoré l’importance des réseaux sociaux dans le partage d’information. En sous-estimant l’impact de l’interactivité, ils se sont coupés d’une population qu’ils souhaitaient rallier à leur cause –les indécis, les désintéressés de la politique. #Radiolondres a été l’épiphénomène caractéristique de ce malentendu : le rendez-vous manqué des candidats avec la politique 2.0.

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La France est en pleine période électorale, et malgré les meetings, les affiches et les slogans, malgré les phrases vâchardes et les invectives de plateau, le cœur n’y est pas. Les chiffres du premier tour de l’élection présidentielle montrent avant tout la remise en cause de la classe politique traditionnelle.

La désaffection de la moitié des Français

De fait, comme le constate Christian Ciganer-Albeniz dans son blog : «  Le constat est sans appel, plus d’un français sur deux, si l’on totalise les voix de l’extrême gauche, de l’extrême droite et les abstentionnistes, ont manifesté dans les urnes leur rejet d’une gouvernance qu’il ne comprenne plus et qui les a méprisés depuis trop longtemps pour ne pas être sanctionnée. » >>lire le post de Christian Ciganer-Albeniz

Plus d’un Français sur deux, cela veut dire une France coupée entre ceux qui croient encore au jeu politique classique et ceux qui n’y croient plus. Comment en est-on arrivés à une telle remise en cause? Certes, il existe un contexte de crise exceptionnelle, et la montée d’une inquiétude forte alimentée par les extrémistes qui n’ont comme seul but que la démagogie irréaliste. Mais cette explication n’est pas suffisante. Les politiques, même ceux qui prônent le «  changement maintenant » ont oublié d’y ajouter, «  tout de suite. ». Un besoin urgent de changement dans le mode d’exercice du pouvoir, changement dans le jeu démocratique, qui s’impose aujourd’hui et qui pourtant a été occulté, nié.

Le déni du pouvoir numérique

Il semble que les politiques qui n’ont pourtant jamais autant investi dans leur image et leur stratégie de communication se sont trompés de campagne, en oubliant une évolution majeure de la société : la transformation numérique et la création des réseaux sociaux. Les manifestations d’Anonymous, comme l’avait analysé Nathalie Brion dans son blog étaient déjà annonciateurs d’une révolte échappant à tous les canaux traditionnels. L’importance majeure de ces nouveaux réseaux dans les modes d’échange a été largement sous-estimée par les politiques. Ceux-ci ont pensé qu’il suffisait d’ouvrir une page Facebook et de demander à quelques stagiaires de poster un tweet de temps à autre pour faire illusion. Grave erreur, en sous-estimant le pouvoir des communautés numériques, les candidats se sont coupés des jeunes, la génération Y comme l’appelle Nathalie Brion,  et ont raté le rendez-vous de l’interactivité. >>lire le post de Nathalie Brion

La transformation du « contrat de communication »

De la même manière que la presse écrite a pendant des années méprisé et sous-estimé, non seulement l’importance grandissante d’Internet dans le monde de l’Information, mais aussi et surtout ce qu’Internet changeait dans le contrat de lecture entre les médias et leurs lecteurs, de même les politiques se sont privés d’une chance pour aller à la rencontre de leurs électeurs par ce nouveau « média ». Car il s’agit bien de rencontre : dans les réseaux sociaux, chacun peut s’exprimer et cela peut aller très vite. C’est un peu comme si le dialogue faisait tache d’huile. Las, la campagne de l’Elysée 2012 a agi de façon unilatérale. Coupés d’une multitude de communautés, handicapés de l’interactivité, les candidats se sont figés dans un rôle doctrinal, qui semble de plus en plus éloigné de ce qu’attendent leurs concitoyens.  Avec pour seul objet de fascination, la télévision : mais ce qui faisait moderne il y a quelques années est aujourd’hui singulièrement dépassé, tant la télévision oblige au formatage. Alors, pour faire un peu léger, quelques clips ont été lancés comme des gadgets « marketés ». A leurs côtés les commentaires et les tweets se sont échangés, sans que nul n’ait songé à y répondre, singulière conception du web-management ! >>lire notre article sur les tweets et les clips de la campagne

[image:2,l]A quand un programme électoral en tweets ?

A quand une conférence de presse sur Twitter ? Un programme électoral en 10 tweets ? Un livre  paru en 2010 avait essayé de contracter les grands romans de la littérature en tweets ( La Twittérature d’Alexander Aciman, Emettt RensinEditions Saint Simon) ). Ce qui avait semblé une « potacherie » d’étudiants d’Harvard avait pourtant signé un manifeste culturel de la part des digital natives. Derrière l’exercice de style se cachait bien une tentative de synthèse, une pensée de la « compression »... et de l’humour. Oser résumer Proust en quelques hashtags, n’était-ce pas la plus grande des provocations ? Alors, pourquoi ne pas mettre les candidats à une élection au défi des idées politiques en mode résumé ? Evidemment raconter son projet en quelques tweets, cela peut manquer de grands élans, c’est communiquer à l’arête, cela ne pardonne pas et peut coûter cher en dérapages inopportuns. C’est une gymnastique de la réponse au tac au tac, du jeu de mots qui rebondit, un art du direct. Mais cela peut rapporter «  gros » en audience et en impact.

La télé de Papy face au phénomène #RadioLondres

#Radiolondres a été l’épiphénomène caractéristique qui a fonctionné autant comme catalyseur, que comme témoin d’une fracture de plus en plus grande entre les politiques et la population, principalement celle des jeunes. Nous avons tout de suite compris qu’il se passait quelque chose d’unique, quand des milliers d’internautes ont pris d’assaut cette discussion sur Twitter lancée par Guillaume Champeau, fondateur du site d’actualité numérique, Numérama, afin de contourner le Code électoral et l’interdiction de publier les résultats du premier tour avant 20 heures  >>lire notre article sur Radiolondres

Comme le souligne Jean-Michel Billault, nous sommes ici face à un clivage entre « la France 1.0 que l’on voit sur nos télés traditionnelles, et la France 2.0 qui s’en donne à cœur joie en créant des startups pour mettre en œuvre l’économie numérique, et en se défoulant sur #RadioLondres. » >>lire le post de Jean-Michel Billaut

Le bal des fausses promesses

Ceux qui croient encore qu’on « attrape les électeurs avec le miel des fausses promesses » ont cherché  et chercheront encore à agiter les grandes peurs ou les rêves inaccessibles. Pour autant, la moitié des Français a compris que nul ne s’adressait à elle. Comme le disait Lacan, l’amour revient à « offrir ce qu’on n’a pas à celui qui n’en veut pas ». Cette phrase n’a jamais été aussi juste en ce qui concerne la politique dans la France de 2012.  

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