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La banane, un nouveau marché en expansion

[image:1,l]En Ouganda, les bananes sont des denrées précieuses. Dans cet État de l’Afrique de l’Est, dont la population s’élève à 33 millions d’habitants, la consommation individuelle moyenne de bananes est estimée à 300 kilos par an, soit le taux le plus élevé au niveau mondial. Différentes variétés du fruit sont cultivées ici, dont la banane « dessert exotique », « la plantain », qui se mange cuite, ainsi que « la Cavendish », plus courante en Europe et aux États-Unis. Les Ougandais brassent même la banane pour obtenir de la bière ou du gin. Mais parmi les 153 variétés cultivées en Ouganda, la préférée des autochtones n’est autre que la matooke, un type de banane plantain à la forme large, consommé encore vert et dur, qui, une fois cuit et écrasé, ressemblerait à s’y méprendre à une purée de pommes de terre.

Le gouvernement soutient la farine de banane

Un projet soutenu par le gouvernement vise à exporter la culture du fruit au-delà des frontières ougandaises. Le PIBID, en charge du développement industriel de la banane, a transformé la fameuse matooke en farine sans gluten, et s’apprête à la commercialiser à l’échelle mondiale.

Avec un PIB de 13 milliards d’euros, l’économie du pays africain repose essentiellement sur l’agriculture, et son principal produit exporté est le café. L’Ouganda produit 8,45 millions de tonnes de bananes chaque année, se plaçant ainsi comme le plus grand producteur de ce fruit dans le monde, après l’Inde. Pourtant, il ne se situe qu’en 40ème position sur le classement des plus gros exportateurs de bananes. Ce rang s’explique en partie en raison de la courte durée de conservation du fruit et de la distance qui sépare l’Ouganda des marchés des pays développés, selon les experts locaux.

Une avancée technologique et commerciale ?

La « farine tooke », comme elle a été nommée, a quant à elle une plus longue durée de conservation. Si le produit séduit, l’Ouganda pourrait bientôt accroître son exportation de bananes. Extraite à partir de « bananes matooke », qui seraient perdues en raison de l’absence de structures de stockage, la « farine tooke » peut être utilisée en cuisine, se substituant à la traditionnelle farine de blé.

L’idée de cette farine peu conventionnelle germe dans l’esprit de Florence Isabirye Muranga, directrice du PIBID, et également pasteur à l’église Ougandaise de St Andrew, à Bukoto.  Cette femme a consacré près de 20 ans de recherches sur la matooke. Alors qu’elle vivait en Allemagne, Florence Isabirye Muranga s’est plongée dans l’étude des différentes méthodes d’exploitation du fruit, après avoir constaté, en Europe, la diversité des produits dérivés à partir d’aliments de base tels que la pomme de terre.

Vers une diversification de l’alimentation

« Je me suis rendue compte que nous ne tirions pas assez partie de nos productions locales », dit-elle. « La pomme de terre n’est pas de que la pomme de terre, c’est des flocons de purée, de la soupe, des sauces. » Entourée de chercheurs, plusieurs années lui ont été nécessaires pour parvenir à obtenir de la farine. Le long processus comprend une phase de séchage spécifique suivie d’une mouture à l’aide d’un moulin.

La Matook fait son entrée dans les salons internationaux

Utiliser la matooke issue de petites plantations pour obtenir cette farine pourrait permettre de multiplier par huit les revenus des producteurs locaux, selon les objectifs du PIBID. La production de la farine est pour l’instant effectuée à petite échelle, assez pour permettre de la présenter sur de nombreux salons internationaux. Une usine qui permettrait d’accélérer la cadence est actuellement en construction et ouvrira ses portes au mois d’octobre. Le groupe reçoit déjà des commandes des États-Unis et du Japon.

Une solution contre la maladie cœliaque et la malnutrition

« Ils sont surtout intéressés par le fait que le produit soit sans gluten, parce que beaucoup de personnes y sont allergiques. Nous orientons donc notre démarche commerciale dans le sens : un produit sans gluten à utiliser dans les soupes, les sauces, ou en pâtisserie » commente Florence Isabirye Muranga.

En Ouganda, 2 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique, selon le ministre de l’Agriculture. La « farine matooke », riche en fibres et en féculents, pourrait aider à combattre ces carences : des enfants nourris de bouillie faite à partir de cette farine prendraient plus de poids que ceux nourris au maïs, selon des études effectuées par le PIBID. En Ouganda, l’importance de la matooke dans l’alimentation générale est incontestable (le mot matooke signifie même « nourriture » dans le dialecte local). Cependant, Jolly Gonahasa, chargée du développement du produit, insiste sur le fait que c’est un produit que beaucoup devront apprendre à apprécier. Pour de nombreux étrangers, la préparation issue de cette farine serait insipide. C’est pourquoi le PIBID s’efforce à encourager les consommateurs du monde entier à incorporer la « farine tooke » dans des préparations qu’ils aiment d’ores et déjà.

La matooke à toutes les sauces

Jolly Gonahasa y voit la clé du succès : sur son bureau, des paquets colorés de « farine tooke » et un livre de recettes pour préparer ratatouille, muffins et croissants… à base de matooke. Il existe même des cookies en forme d’étoile à base de « farine tooke », dont l’arôme de banane vient légèrement titiller les papilles. Jolly Gonahasa présente également toute une gamme de préparations salées, comme des croquettes au matooke fourrées à l’oignon, aux poivrons verts et aux carottes, pour concurrencer les croquettes de pomme de terre. À deux reprises, l’entreprise gouvernementale a sponsorisé des concours de chefs à Kampala, dans le but de créer de nouvelles recettes à partir de la farine. Henry Omusugu a été le grand vainqueur de la compétition de 2011. Assis sur un somptueux canapé du prestigieux hôtel Serena, et vêtu de son uniforme de chef et de sa toque, il explique en détail le menu qui lui a permis de remporter la victoire : des sushis à la crevette et au matooke, de la crème de matooke, du poulet teriyaky accompagné de croquettes au matooke, et pour le dessert, un kusamochi (gelée de marante) au matooke et sa sauce aux airelles. Henry Omusugu utilise la « farine tooke » dans les menus qu’il concocte pour les banquets de l’hôtel. Les clients sont enthousiastes et ravis, dit-il. « L’intérêt pour la matooke vient autant des locaux que des étrangers : ils posent beaucoup de questions sur la farine, ils veulent savoir quels procédés permettent de l’obtenir, » indique le chef. « Ils demandent si le produit est disponible, s’ils peuvent se le procurer », poursuit-il, plaçant la farine sous de bons augures.

Global Post / Adaptation Amélie Garcia – JOL Press 

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