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La fin du couple «Merkozy»?

[image:1,l]Cela aura été une belle histoire. Le « Merkozy », c’est pourtant bien fini.

Le vieux couple européen traverse des difficultés, qu’il aura du mal à surmonter. Entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, le charme s’est brisé. À tout jamais. Même une providentielle victoire à la présidentielle ne saura renouer un tel lien. Non, plus rien ne sera jamais pareil.

Quand la campagne de Nicolas Sarkozy a pris un tournant populiste, Angela Merkel n’a pas caché sa surprise. Soit, la vie est aussi faite de déceptions. Mais ce que la chancelière allemande aura du mal à pardonner au président français, c’est qu’il ait rompu la promesse faite de ne pas remettre en cause l’indépendance de la Banque centrale européenne. En politique, comme en amour, tout est question de confiance. 

Il était une fois, Nicolas et Angela

Quand ils font connaissance, il y a 5 ans, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel n’accrochent pas. Il n’a pas grand-chose à lui dire, lui, le président bling-bling, à cette Allemande discrète qui continue, Dieu seul sait pourquoi, à se rendre au supermarché. Mais petit à petit, entre les deux dirigeants, la glace se met à fondre.

À l’époque, Angela Merkel recherche un allié. Elle ne supporte plus d’entendre dire que, dans la zone euro, c’est l’Allemagne qui prend toutes les décisions. Cela tombe bien. Nicolas Sarkozy, lui, ne serait pas opposé à ce que la France pèse un peu plus sur la politique européenne.

Le « Merkozy » était promis à un bel avenir. Ils auraient pu couler de longs jours heureux, si seulement Nicolas Sarkozy avait daigné s’impliquer. Comme dans toute rupture, il y a toujours un responsable à blâmer. Dans cette affaire, c’est indubitablement le président français.

L’erreur d’Angela

Leur histoire, Angela Merkel l’a vécue tout son être. Pour Nicolas Sarkozy, elle a couru des risques, notamment en soutenant publiquement sa candidature alors que tous le lui déconseillaient.

Oui, Angela Merkel a commis une erreur. « En France, le public n’a pas apprécié qu’elle interfère dans la campagne électorale, alors que c’était un problème français » résume Ulrich Pfeil, professeur d’histoire allemande, à l’Université de Metz.

Les Allemands non plus n’ont pas vu son intervention d’un bon œil. « Voulez-vous vraiment de cet homme, Madame Merkel ? » titrait récemment l’hebdomadaire Die Zeit, inquiet de la tournure nationaliste que prenait la candidature du dirigeant français.

A présent, Nicolas Sarkozy s’attaque à la sacro-sainte indépendance de la Banque centrale européenne (BCE). En décembre 2011, les deux dirigeants s’étaient pourtant juré de s’abstenir de tout commentaire susceptible de remettre en cause le fonctionnement de la BCE. L’indépendance de l’institution européenne, l’Allemagne y tient. Elle a particulièrement insisté sur ce point au moment d’abandonner son précieux deutschemark pour la monnaie commune. 

L’inconstance de Nicolas

« Si la Banque centrale ne soutient pas la croissance, nous n’aurons pas assez de croissance » avait déclaré, dimanche 15 avril, Nicolas Sarkozy aux 100 000 sympathisants venus l’écouter place de la Concorde, à Paris« Il ne doit pas y avoir de sujets tabous, il ne doit pas y avoir de débats interdits. » Pourtant, en se prononçant aussi ouvertement sur la position à adopter vis-à-vis de la BCE, Nicolas Sarkozy a semble-t-il franchi un point de non-retour. « Merkozy s’est suicidé ce dimanche, place de la Concorde », a écrit le quotidien économique français, La Tribune, en réaction à ces propos. « On le savait du reste en mauvaise santé depuis plusieurs semaines. »

La réponse de Berlin au commentaire de Nicolas Sarkozy sur la BCE ne s’est pas fait attendre: « La position allemande sur la BCE et sur son rôle indépendant est connue et elle est également connue à Paris, elle est inchangée depuis longtemps » a déclaré Steffen Seibert, le porte-parole d’Angela Merkel, lors d’un point presse. 

D’une certaine façon, Nicolas Sarkozy a marché dans les pas de François Hollande. Vendredi 20 avril, à l’antenne de la radio Europe 1, le candidat socialiste s’est déclaré en faveur d’une baisse des taux de la Banque centrale européenne. Une mesure qui, selon lui, permettrait de soutenir la croissance.

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De désaccords en désaccords

Les relations fusionnelles s’accompagnent bien souvent de leurs lots d’étincelles. C’est bien connu, pas de passions sans crises passagères. Les Merkozy n’échappent pas à cette règle. Les deux dirigeants ont construit leur idylle en dépassant les moments de désaccords. En 2007, déjà, ils avaient défendu des positions différentes quant à la Banque Centrale Européenne. Aujourd’hui, c’est différent. La BCE se concentre sur l’inflation. C’est acquis, gravé dans la roche. Quand Nicolas Sarkozy affirme le contraire, c’est par pure démagogie. D’autant que tout changement du mode de fonctionnement de la BCE nécessiterait un accord unanime de l’Union européenne. Autant dire que cela n’arrivera pas. 

« Il n’y a pas que les Allemands qu’il faudrait convaincre –et vous n’allez pas les convaincre-, il y a aussi les Néerlandais et les Finnois, et tous les membres de l’Union européenne qui ne font pas partie de la zone euro » explique Sebastian Dullien, professeur d’économie internationale à Berlin. « Légalement, la BCE est probablement la banque centrale la plus protégée au monde.» 

Une entente apparente

Pour l’universitaire, il ne faut néanmoins pas réduire les problèmes du couple Merkozy à la seule question de la BCE. Leur relation souffrait de nombreuses mésententes… Seulement, ils n’ont jamais rien laissé transparaître. « Ils sont passés d’un point où leur entente était tout juste cordiale au point de collaborer main dans la main » estime-t-il. « Toutefois, je ne pense pas qu’ils aient été aussi proches que l’image renvoyée par les médias ».

Soucieux de préserver les apparences, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont tout fait pour que les observateurs croient à un double leadership. Ils ont joué ce jeu à la perfection, même lorsqu’il a été question du pacte fiscal. Le dirigeant français avait alors davantage agi par pragmatisme que par conviction. « Je pense que Sarkozy a joué le jeu d’Angela Merkel parce qu’il voulait protéger le triple A avant l’élection » poursuit Sebastian Dullien

Et François dans tout ça?

En réalité, si Angela Merkel a soutenu la candidature de Nicolas Sarkozy, c’est qu’elle redoute que François Hollande ne cherche à renégocier le pacte fiscal.

Alors que la victoire de François Hollande semble de plus en plus acquise, la chancelière allemande n’a eu d’autre choix que d’établir des contacts avec les conseillers du candidat socialiste. 

« Angela Merkel commence à se faire à l’idée que, si elle reste chancelière, elle aura affaire à François Hollande pour les cinq années futures » indique Ulrich Pfeil, confiant à l’idée que, malgré leurs différences, le socialiste et la chrétienne-démocrate sauront collaborer. « Ils adopteront rapidement une position commune. Il le faudra bien… »

Global Post/Adaptation Anaïs Leleux-JOL Press

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