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Les sondages politiques ont-ils encore un sens ?

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Nathalie Brion s’interroge quant à la pertinence actuelle des sondages quantitatifs, alors que la société post-moderne est de plus en plus hétérogène…[image:1,l]

A quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, la boussole sondagière s’affole. On finit par se demander si ce ne sont pas les sondeurs qui, finalement, seront les grands perdants de l’élection.

Ecarts et incertitudes des instituts de sondage

Les écarts entre les instituts vont jusqu’à 5 points. Du jamais vu pour un terme aussi proche! François Hollande oscille entre 26,5 et 30% des intentions de vote, Nicolas Sarkozy de 24 à 29%. Jean-Luc Melenchon passe de 12 à 17%. Marine Le Pen naviguant, quant à elle, entre 14 et 17%.

Le plus constant reste encore Jacques Cheminade qui passe allègrement de 0 à 0,5. (En ce qui le concerne, le pronostic peut tenir de l’oracle, le risque n’est pas bien grand, quoique!…) Et François Bayrou de 9,5 à 11. Son apparente stabilité peut surprendre alors qu’on le promeut, tantôt premier ministre de gauche, tantôt premier ministre de droite.

Quant à l’abstention, elle se situerait entre 20 et 26%.  Avec de tels écarts, tout est possible. Les résultats les plus surréalistes,comme les plus attendus. Faut-il en conclure que les sondeurs ont perdu leur boussole, pendant que les politiques ont perdu leur cap ? Il y a un peu de cela.

Les instituts d’analyse quantitative ont-ils encore une pertinence ?

Depuis une dizaine d’années sociologues, politologues et analystes sont nombreux à insister sur les limites des approches quantitatives des sondages. Avec le structuralisme sont nés les panels et les échantillons. On a alors considéré que la société de masse moderne impactait suffisamment l’individu dans son comportement pour qu’un échantillon de 2000 à 2500 personnes soit considéré comme représentatif et donne une vision réaliste du mode de comportement que l’ensemble du pays allait adopter. L’âge, le sexe, la profession « faisant » l’individu, il suffisait de créer un panel selon ces critères pour acquérir une bonne compréhension de la société et de son évolution.

Cela a été sans doute vrai un temp,s mais la société dite « post-moderne » au cœur de laquelle nous évoluons a produit des changements de fond qui rendent ces approches incomplètes, sinon invalides.

Internet, la mondialisation et plus profondément encore, la mutation de la relation à la famille : modification de la place de l’homme, de celle de la femme ; changement dans la hiérarchie familiale entre le rôle du père et celui des enfants, font qu’il ne suffit plus d’être agriculteur pour que cela raconte quoique ce soit sur les goûts culturels, les aspirations spirituelles, les attentes sociales et évidemment les intentions de vote.

Un changement de fond dans les sociétés post-modernes

Peter Sloterdijk, Alain Touraine, Marcel Gauchet, Emmanuel Todd et tant d’autres ont attiré l’attention sur ce changement de nature de nos sociétés modernes. Mais les sociologues opératoires que sont les sondeurs n’en ont pas tous tiré les conséquences.

Celles-ci se font jour, mais nous continuons à mesurer une opinion sur la base d’échantillons qui ne reposent plus sur aucune réalité sociologique. La société civile est désormais inconnue de ceux qui la sondent, et les résultats publiés chaque jour ne traduisent qu’une écume qui change au gré du vent.

Le décalage entre la réalité sociale et le discours politique

Il faut ajouter à cela un contexte de crise profonde, sociale aussi bien qu’économique et environnementale, qu’aucun candidat ne traite réellement. Pas plus sous l’angle du diagnostic, que du projet nous intimant de nous interroger principalement sur la carrière de premier ministrable de François Bayrou et celle d’éditorialiste d’Etienne Mougeotte. Alors que nous voudrions bien comprendre l’avenir de l’Europe, celui de nos enfants, de nos retraites et de nos dettes.

Dimanche prochain tout peut arriver. Lundi, nous aurons oublié les errements des sondages. Mardi nous connaîtrons encore un peu moins notre pays ;

Et lors du second tour, qui sera en mesure d’analyser autrement que par son opinion subjective si notre pays sera au bord de la révolte ou pleine déroute?

Une seule certitude : le 7 mai ne sera pas une journée ensoleillée.

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