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Raphaël H.Cohen: «L’innovation, clé de la croissance»

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JOL Press : vous êtes un spécialiste des questions d’innovation. Pensez-vous que le dynamisme de l’innovation est un gage de bonne santé économique ?

Raphaël H. Cohen : Sans l’ombre d’un doute. L’innovation prépare un futur à l’entreprise, tandis que sa capacité à innover reflète son agilité et sa capacité d’adaptation, toutes deux gages de survie. En phase avec le Darwinisme, le futur appartient à ceux qui seront capables de s’adapter, donc aux plus agiles. C’est la raison pour laquelle l’objectif prioritaire de toutes les formations en entreprise que j’organise est de développer l’agilité des collaborateurs et des organisations.

Nombreux sont ceux qui pensent que l’innovation, née d’une initiative individuelle, est suivie d’un parcours du combattant. Quels sont les meilleurs moyens selon vous pour y parvenir ? Rechercher des soutiens auprès des banques ou des institutions publiques ? 

Raphaël H. Cohen : Le parcours du combattant est souvent dû à une analyse incomplète des facteurs-clés de succès. J’observe qu’une analyse fine en amont permet, non seulement de présenter aux financiers un Dossier d’opportunité beaucoup plus convaincant, mais aide aussi à mieux identifier les facteurs-clés de succès. C’est précisément pour rendre le parcours du combattant moins douloureux que j’ai conçu le Modèle IpOp. Il guide les porteurs de projets à travers un questionnement pragmatique qui réduit les risques d’échec pour aboutir à un plan d’action réaliste, susceptible de convaincre les partenaires. Ce questionnement conduit parfois à chercher des alliances ou des soutiens comme ceux que vous mentionnez.

Le véritable enjeu de l’innovation ne se trouve-t-il pas aussi dans les processus internes aux entreprises elles-mêmes ? Comment stimuler l’esprit de recherche et de curiosité des collaborateurs et surtout l’accompagner ?

Raphaël H. Cohen : Étant constamment confronté à cette question, j’ai développé différentes approches qui donnent des résultats mesurables très concrets. Comme il y a beaucoup à dire et que la place est ici malheureusement limitée, je suggère la lecture du chapitre 17 de mon dernier livre « Winning Opportunities, proven tools for converting your projects into success (without a business plan) », qui est consacré à cette question. Ce livre, qui explique aussi le Modèle IpOp, peut être téléchargé gratuitement sur mon site (formats : PDF, Kindle, iPad/iPhone, ePub).

Quelle place les banques peuvent-elles jouer dans ces processus innovants ? Seriez-vous favorable à la création d’institutions interbancaires spécialement dédiées à l’Innovation ? Ou pensez-vous que la diversité des sources d’aide est souhaitable ?

Raphaël H. Cohen : Faisant partie du Conseil d’administration d’une banque depuis plus de 20 ans, je suis arrivé à la conviction que le soutien à l’innovation et aux start-ups ne se marie plus favorablement avec le métier de banquier, à qui on demande de plus en plus de réduire la prise de risques. Soutenir des jeunes pousses demande d’autres compétences que celles requises pour financer des entreprises établies. Le soutien des start-ups peut se faire à l’aide de mécanismes beaucoup plus efficaces. J’en ai vu qui donnent des excellents résultats.

La culture de l’innovation, ne devrait-elle pas trouver sa source dès les études supérieures, dans la plupart des cursus avec des enseignements spécifiques ?

Raphaël H. Cohen : Pourquoi attendre les études supérieures ? La capacité à identifier des opportunités et à innover devrait être encouragée et stimulée dès l’école primaire. C’est d’ailleurs le cas au Canada. Il faut une approche appropriée pour chaque phase de scolarité. Une chose est certaine et je l’ai mesurée : chaque fois que j’enseigne le mode d’emploi pour identifier et saisir des opportunités, cela conduit un pourcentage important des participants à en chercher et surtout à les exploiter. Cela démontre que beaucoup n’ont jusqu’à présent rien fait, car ils ne savaient simplement pas comment s’y prendre. Les outils, tels que le Modèle IpOp, agissent comme un catalyseur qui active la capacité d’entreprendre aussi bien chez son employeur que comme indépendant.

J’en profite pour souligner qu’innovation ne rime pas nécessairement avec technologie. Il existe de nombreuses innovations sans base technologiques qui ont été des succès phénoménaux (voir chapitre 2 de mon livre). Celles-ci démontrent que l’innovation est à la portée de tout le monde. C’est une raison supplémentaire de ne pas cantonner l’enseignement de l’innovation aux études supérieures.

Vous êtes Suisse et intervenez comme conseiller auprès de nombreuses entreprises. Quels sont selon vous les pays qui favorisent le mieux l’innovation ? 

Raphaël H. Cohen : Israël est incontestablement un modèle où des approches innovantes ont fait leurs preuves. Ce n’est pas par hasard que de nombreuses innovations ont été développées dans ce petit pays de 7 millions d’habitants. En misant sur l’innovation et le high-tech, Israël a un taux de croissance largement supérieur à celui de l’Europe. Le Canada et Singapour ont aussi des systèmes dynamiques. Comme la Chine investit massivement dans l’innovation et la recherche, je pense qu’elle va nous surprendre…

Et ceux qui ont le moins de « créativité industrielle » ?

Raphaël H. Cohen : Faire preuve de créativité industrielle ne suffit pas, il faut aussi et surtout être capable de les exploiter commercialement. La Suisse a une créativité remarquable, alors qu’elle est malheureusement beaucoup moins performante au niveau de la commercialisation à grande échelle. J’ai aussi le sentiment attristé que la France sous-exploite largement son potentiel d’innovation. Cela se traduit par une désindustrialisation et des suppressions d’emplois. Quelle tristesse !

Propos recueillis par Olivia Phélip

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