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Un lancement réussi pour le missile indien Agni V

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[image:1,l]Un lancement réussi

Le lancement réussi d’un missile nucléaire balistique à longue portée indien, qui permettrait de frapper Pékin, a été présenté comme le dernier signe d’une course à l’armement. Le moyen potentiel de changer la donne dans les relations entre l’Inde et la Chine.

Les experts ajoutent cependant que l’importance de ce tir a été passablement exagérée par les médias alarmistes et nationalistes.

« C’est un programme en cours », ajoute Sumit Ganguly, professeur de Sciences politique de l’université d’Indiana. « Sur le plan diplomatique, c’est une forme de signal lancé aux Chinois. Une manière de leur dire que nous n’allons pas rester les bras croisés, et que nous allons développer nos propres capacités ainsi qu’un moyen de dissuasion crédible. »

Nouveau missile, meilleure portée

Durant la dernière décennie, l’Inde a ouvertement cherché à développer des missiles ayant la capacité d’atteindre la Chine. Cette dernière a en effet ciblé l’Inde avec des armes nucléaires, depuis le début des années 80. Et le test de « Agni IV », d’une portée de 3 400 km, en novembre 2011, avait clairement annoncé les intentions indiennes. Le lancement de « Agni V », le 19 avril 2012 repousse les limites de la portée stratégique de l’Inde. Ce dernier peut désormais toucher une cible située à 5 000 km. Ce n’est cependant pas une grande surprise pour Pékin ou les autres puissances asiatiques.

L’Inde joue la transparence

« L’Inde n’a jamais caché son programme de développement de missile » explique l’ancien secrétaire des Affaires étrangères, Kanwal Sibal, en soulignant la montée en puissance progressive du programme au cours de la dernière décennie. Ce nouveau missile mettra d’ailleurs cinq ans avant de pouvoir être déployé.

Pékin possède d’ores et déjà par ailleurs des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) de plus longue portée. Cette gamme supplémentaire ne présente donc pas une vraie menace dans la région, ou au Pakistan. Et même avec ces nouvelles capacités, l’Inde reste loin derrière la Chine. Que ce soit sur le plan de l’arsenal nucléaire ou des forces armées conventionnelles, où les dépenses extravagantes ressemblent plus à celles des États-Unis.

« La Chine est très en avance sur nous » ajoute Kanwal Sibal« Nous n’avons pas l’intention d’égaler leurs infrastructures à tous les niveaux. Nous n’accélèrerons pas notre programme. Comme je l’ai dit, nous faisons simplement l’acquisition d’une capacité de dissuasion crédible, qui nous manquait jusqu’à présent. »

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L’impact de la dissuasion

La mise à niveau des programmes nucléaires ou des forces militaires permettent de rétablir une certaine égalité. Avec beaucoup moins de troupes et une faible puissance balistique, le Pakistan crée bien plus de tensions avec la Chine que son voisin Indien. La raison ? Un petit animal nerveux est parfois plus dangereux qu’un grand calme. En clair, Islamabad fait plus peur que New Delhi.

Dans ce contexte la crédibilité d’une arme dissuasive indienne est limitée, même si l’Organisation de Recherches en Défense et Développement arrive à déployer son missile dans les années à venir.

La supériorité militaire de la Chine a toujours été l’élément clé de la relation entre les deux pays. Mais le côté imprévisible, ainsi que la propension qu’a la Chine à montrer les dents a finalement décidé les Indiens à s’engager dans ce programme.

En bref, les deux pays ont une doctrine de non recours à l’arme nucléaire, et ni l’un ni l’autre n’attaquera, même avec les forces armées. Toutefois, il n’y a que la Chine pour en être complètement sûre.

Néanmoins, les nouvelles capacités de l’Inde devraient accélérer la mise en place d’un accord de « non ciblage » comme Pékin l’avait fait avec Moscou et les États-Unis en 1990. Cela pourrait également permettre à New Delhi de traiter de questions épineuses avec son voisin chinois. En particulier celle du différend frontalier concernant une partie du Cachemire et de l’Arunachal Pradesh.

« Le Agni V va instaurer une meilleure parité. L’Inde aura plus de respectabilité concernant la résolution de certains conflits géopolitiques » indique Srikanth Kondapalli, professeur d’études chinoises de l’université, Jawahrlal Nehru.
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La Corée du Nord, un cas totalement différent

La réussite du lancement de l’Agni V coïncide avec l’échec de la Corée du Nord à envoyer sa fusée Unha-3, plus tôt ce mois-ci. Jay Carney, le porte-parole de la Maison Blanche en a profité pour souligner que le « dossier indien proposait un contraste frappant avec celui de la Corée du Nord ».

Mais cette réponse en filigrane ne devrait pas atténuer les condamnations américaines à l’égard de Pyongyang, capitale nord-coréenne.
Malgré le refus persistant de l’Inde à signer le pacte de non-prolifération, Washington a voulu faire une distinction claire entre les deux nations. « L’une est quasiment la dernière nation totalitaire sur la planète, l’autre est une démocratie. La Corée du Nord menace tous ses voisins. L’Inde n’a jamais fait cela. C’est une démocratie, une société ouverte. Vous pouvez voir ce qui s’y passe, quelles décisions ont mené à ce programme nucléaire. La Corée du Nord est complètement opaque », explique Sumit Ganguly.

Le lancement de l’Agni V devrait relancer les efforts américains pour inclure l’Inde dans le Régime de Contrôle de la Technologies des missiles (MTCR) ainsi que le groupe des fournisseurs nucléaires. Une mesure qui serait sans doute aussi efficace que le traité de non-prolifération.

Adaptation Henri Lahera pour JOL Press

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