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Un plan pour 17 millions d’emplois d’ici 2020

[image:1,l]Le paquet de propositions faites par la Commission européenne en faveur d’une « sortie de crise créatrice d’emplois » a été conçu pour prendre à contre-pied les critiques selon lesquelles la cure d’austérité imposée par l’UE après trois années de crise de la dette détruit les perspectives de croissance et contribue à l’augmentation du chômage.

La Commission a un plan…

Parmi les dispositions, figure un appel aux gouvernements pour qu’ils substituent aux charges sociales sur le travail, qui découragent les embauches de salariés, des taxes sur la valeur ajoutée renforcées et de nouveaux impôts sur la pollution. Le secteur du développement durable, la santé et les technologies de l’information sont présentés comme les principaux gisements d’emplois et les rapporteurs incitent à encourager la formation dans ces domaines.

« Les niveaux actuels de chômage sont inacceptables, » estime Laszlo Andor, le commissaire européen chargé de l’emploi et des affaires sociales, chargé de présenter le nouveau plan. « Si nous souhaitons rétablir la croissance… l’Union européenne a besoin un marché du travail dynamique et intégré. »

Difficile de plaire à tout le monde

Dans une Union à 27 membres, difficile de satisfaire tout le monde, en particulier alors que la France est en pleine fièvre électorale… « Ce cocktail explosif de mesures ultra-libérales… révèle le véritable visage de l’Europe à la botte de Bruxelles : une machine à détruire les peuples et les modèles sociaux, » a fulminé Marine Le Pen, la candidate d’extrême-droite, à la présidentielle.

Marine Le Pen a été scandalisée par le fait que l’autorité communautaire prône l’ouverture des marchés du travail nationaux à l’ensemble des citoyens européens. Elle a prédit une invasion de la France par de la main d’œuvre bulgare et roumaine – nationalités objets de toutes les obsessions au sein de la droite européenne.

Pour une plus grande mobilité géographique « à l’américaine »

L’ouverture du marché européen du travail pour favoriser la recherche transfrontalière d’emploi est un des principaux ressorts du plan.

Les Européens sont de plus en plus mobiles : on estime qu’il y a environ 400 000 Français travaillant au Royaume-Uni – une réalité que feint d’ignorer la très anti-immigration Marine Le Pen.

Pourtant, seuls 3% des citoyens européens en âge de travailler sont expatriés dans un autre pays de l’Union. Leur réticence à la mobilité géographique – à la différence des Américains – est perçue comme un handicap majeur pour l’économie européenne.

Le problème apparaît d’autant plus aigu compte tenu des niveaux record de chômage atteints dans des pays comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal alors qu’il y aurait, selon les estimations, 4 millions d’emplois à pourvoir dans l’UE – en particulier en Allemagne ou dans d’autres pays du Nord de l’Europe.

Vers un marché unique du travail

Dans son programme, la Commission appelle à l’adoption de nouvelles règles facilitant le transfert des droits à la retraite des salariés transfrontaliers, simplifiant les questions fiscales, permettant l’exportation des droits au chômage. Parmi les objectifs, figure aussi le développement d’EURES, un portail pan-européen de recherche d’emplois.

Il devrait y avoir une plus grande reconnaissance des qualifications nationales et les professions soumises à un numerus clausus – des chauffeurs de taxi aux guides touristiques en Italie – devraient être davantage ouvertes.

La remise en cause des professions réglementées, un sujet explosif

« Un certain nombre de professions sont protégées pour différentes raisons et un grand nombre d’entre elles ne tiennent plus debout au XXIème siècle, » a déclaré le commissaire Laszlo Andor lors d’une conférence de presse, organisée au Parlement européen de Strasbourg, en France. « Si nous avons un marché unique des biens et services, nous devons aussi avoir un seul et même marché du travail. »

Ces chauffeurs de taxi italiens ont manifesté violemment contre les tentatives du gouvernement de Rome de remettre en cause leurs emplois protégés. En France, de tels débats rouvrent systématiquement la polémique sur la main d’œuvre étrangère – symbolisée par le plombier polonais – qui a suscité une vague de sentiment anti-européen au milieu des années 2000.

Le salaire minimum en ligne de mire

Au cours de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle des 22 avril et 6 mai, Marine Le Pen s’est retrouvée sur le même terrain que des représentants de la gauche de la gauche pour accuser la Commission de chercher à remettre en cause le salaire minimal mensuel, un pilier du modèle français – 1 398 euros à ce jour en France, contre 748 euros en Espagne, 138 euros en Bulgarie, une disposition inexistante en Allemagne, en Italie et en Suède.

Bruxelles a fermement démenti les rumeurs émanant de France selon lesquelles la Commission chercherait à instaurer un salaire minimum européen, rappelant que cela relevait des gouvernements nationaux.

Quoi qu’il en soit, le plan affirme bien que le niveau du salaire minimum devrait être adapté plus fréquemment pour prendre en considération la conjoncture économique et il suggère aussi que le salaire minimum pourrait varier d’un travail à un autre – une hérésie pour la gauche française.

Un plan qui pourrait faciliter la tâche d’un président Hollande

Le candidat socialiste, François Hollande, favori du scrutin à venir, pourrait tirer un certain confort de l’appel lancé par le commissaire Laszlo Andor en faveur d’une plus grande supervision par Bruxelles des efforts nationaux en faveur de la création d’emplois. François Hollande a plaidé en faveur d’une renégociation des récents traités européens imposant un strict contrôle budgétaire aux États membres pour y introduire des objectifs de croissance et d’emploi.  

Les dirigeants des 27 doivent discuter de ces plans lors du Sommet européen de juin. D’ici là, François Hollande pourrait être président de la République.

2020, c’est loin…

Les représentants du centre-droit et du centre-gauche au Parlement européen ont accueilli avec un certain scepticisme la plupart de ces mesures, même si, forcément, l’objectif de créer 17 millions d’emplois d’ici à 2020 ne peut être que saluer.

La véritable crainte est qu’un plan à si long terme soit d’un faible secours pour des pays qui bataillent pour survivre à la crise de la dette.

GlobalPost / Adaptation Franck Guillory pour JOL Press

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