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Autour de Fukushima, la vie reprend lentement son cours

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[image:1,l]Plus d’un an après la fusion du cœur du réacteur de la centrale de Fukushima Daiichi, plusieurs centaines de résidents chassés par le danger radioactif ont fait un retour, un peu inquiet, dans leurs maisons de Kawauchi.

Les habitants du village et de deux autres endroits, situés à la bordure de la zone d’exclusion de 20 kilomètres autour de la centrale, ont donc été autorisés à revenir. Une décision prise après que le gouvernement ait levé l’ordre d’évacuation des points à risque, où le taux de radiation est descendu à un niveau jugé sans danger.

Alors qu’une poignée d’enfants retournaient à l’école lors d’une cérémonie pleine d’émotion, les responsables locaux entamaient le premier chapitre de l’après Fukushima.

« À un moment, nous avons pensé que nous ne pourrions jamais revenir à nos anciennes vies, et qu’il faudrait passer à autre chose » a déclaré Yoshinobu Ishii, chef de la commission locale de l’éducation, aux parents et enfants présents. « Nous ne sommes que quelques-uns aujourd’hui et je sais que vos amis, qui sont encore dans des logements temporaires vous manquent. Ces choses prennent du temps. Et rappelez-vous, l’ensemble du Japon veut que nous réussissions » a-t-il ajouté.

Un enthousiasme à modérer

En théorie, 16 000 personnes sont en mesure de revenir sur plus de 100 000 qui ont été poussées à déménager. Seuls ceux dont les maisons ont été décontaminées peuvent y passer la nuit.

Les dizaines de milliers d’autres personnes ayant vécu près de la centrale, devront probablement patienter des décennies ayant d’imaginer revenir dans la zone touchée durement par le rayonnement radioactif.

Kawauchi, dont la partie Est est encore située dans la zone d’interdiction, a été la première ville à reprendre ses activités quotidiennes et offrir un service public comme la réouverture des bureaux de poste du village, de la clinique ou encore des écoles.
Le maire, Yuko Endo, a d’ailleurs fait l’éloge du courage des enfants pendant la catastrophe : « Vous avez vécu un moment difficile en tant que réfugiés. Mais maintenant, vous allez pouvoir vous concentrer sur les choses qui comptent, comme l’école et la maison ».

Lever l’ordre d’évacuation sous certaines conditions

Le gouvernement a décidé de lever l’ordre d’évacuation dans certains quartiers après avoir déterminé les zones d’habitation où le rayonnement atmosphérique est inférieur à 20 milisieverts (mSv) par an, bien que cela représente vingt fois l’exposition normale.

Les résidents dans les zones où cette donnée oscille entre 20 et 50 mSv bénéficient désormais d’un accès illimité pendant la journée, même si elles ne sont pas autorisées à passer la nuit. Les personnes vivant dans des endroits où l’exposition est supérieure à 50 mSv par an ne seront pas autorisées à revenir avant une durée d’au moins cinq ans.
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Le défi du maire

Le village de Tamura a également levé son ordre d’évacuation, comme l’a fait Minamisoma, où de nombreux résidents de la zone côtière, qui vient de rouvrir, ont perdu leurs maisons lors du tsunami. L’approvisionnement en électricité, en gaz et en eau courante n’est pas encore rétabli.

Le maire Yuko Endo, a rappelé sa détermination et a insisté sur son nouveau combat : faire tout ce qui est en son pouvoir pour que Kawauchi ne devienne pas une autre Pripyat (la ville déserte près de la centrale nucléaire de Tchernobyl). Il espère rendre à la population son niveau d’avant la catastrophe d’ici deux ou trois ans.

Mais sur les 2 856 personnes qui vivaient dans ce village, seules 500 sont revenues, jusqu’à présent. Les écoles locales auraient dû avoir environ 200 élèves au printemps, mais ils ne sont actuellement qu’une trentaine.

Une insupportable attente

Environ 75 000 personnes, vivant dans huit autres villes situées dans ou autour de la zone d’évacuation, font face à une attente plus importante, et ne savent toujours pas s’ils pourront revenir un jour.

Le week-end dernier, Goshi Hosono, le ministre de l’Environnement, a reconnu que l’ordonnance de non-entrée pour les communautés les plus proches de la centrale de Fukushima pourrait être maintenue durant des années. Plus tôt, Tatsuo Hirano, le ministre en charge de la reconstruction après le tsunami, a sous-entendu qu’une « zone tampon » permanente pourrait être créée autour de l’installation en raison de la menace persistante de fuites d’eau radioactive.

Des zones condamnées

Un récent rapport du gouvernement estime que dans certaines zones (incluant les villes de Futaba et Okuma, à trois km de la centrale), l’exposition au rayonnement dépasserait encore les 100 mSv, en mars 2017. Un niveau de radioactivité tel qu’il induirait indubitablement un risque de cancer mortel, selon le Comité Scientifique des Nations Unies sur les effets du rayonnement. Même après 20 ans, certaines régions dépasseront toujours la limite de 20 mSv.

Tournés vers le futur

Malgré ces terribles constats, les résidents qui ont opté pour un retour, ont également choisi de ne pas mentionner l’accident de la centrale. Au centre communautaire de Kawauchi, où les professeurs et fonctionnaires retenaient leurs larmes en s’adressant aux enfants, présents pour la réouverture de l’école, les habitants ont décidé de regarder vers un avenir optimiste.
« J’ai juré que je vous attendrai. Etre expulsé de chez vous a été très dur, mais vous êtes de retour, prêts à commencer un nouveau chapitre de vos vies. Ne vous inquiétez plus, les professeurs sont là pour prendre soin de vous » a déclaré Toshihiko Takahama, le principal d’un des collèges ouverts.
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Une décision difficile

Les pensées des enfants allaient à leurs amis, qui ont commencé une vie ailleurs. Ceux dont les parents pas été convaincus par les discours optimistes des dirigeants, à ceux qui ont fait le choix de la prudence ou qui craignent toujours cette menace invisible qui plane sur leur avenir.
« Près de la moitié de mes amis vivent encore un peu partout au Japon», explique Haruna Endo.  Le petit écolier de 12 ans, a regagné les bancs de sa classe le mois dernier. « Mais je veux profiter de l’école avec ceux d’entre nous qui sont là. Je ne suis pas du tout inquiet pour ma santé. »
Les avis sont divisés parmi les parents qui avaient décidé de revenir après plus d’un an dans un logement temporaire. Ils étaient relogés, dans certains cas, à des centaines de kilomètres de Fukushima. « Nous sommes allés à la préfecture de Ehime [au Sud-ouest du Japon, ndlr] et les enfants ont fait l’objet de moqueries, principalement en raison de leur accent », a déclaré Koji Nishiyama, un fonctionnaire du gouvernement local, père de quatre enfants. « Je suis heureux de pouvoir être enfin chez moi et que les enfants puissent retrouver leur école. »

Convaincre les derniers sceptiques 

Nishiyama a assuré ne pas être inquiet quant aux taux de radioactivité. Les zones devant les écoles ont été mesurées le jour de la rentrée des classes, et indiquaient des taux compris entre 0,114 et 0,16 mSv, donc inférieurs au 0,23 mSv considéré comme sûr par le gouvernement. «  J’étais même plus inquiet quand nos enfants vivaient dans un logement temporaire et qu’ils ne pouvaient pas mener une vie normale. » Mais Hirotaka Suzuki, dont le fils de 12 ans, Hideyoshi débute au collège est plus réservé à ce sujet. « Je ne suis pas encore sur d’avoir fait la bonne chose… »

Maintenant qu’il a réussi à persuader environ un sixième de la population de regagner la région désertée, le maire Yuko Endo doit redoubler d’efforts pour convaincre les derniers sceptiques. Un défi de taille pour ce maire. Les exploitations agricoles ont été mises entre parenthèses en raison du danger nucléaire, la plupart des magasins et restaurants sont scellés, les champs sont envahis de mauvaises herbes… Le temps semble s’être arrêté dans ce village depuis la catastrophe. Pourtant, le maire résolument optimiste se dit « content que certaines personnes aient décidé de revenir ». Yuko Endo, reste toutefois lucide. Malgré tous les efforts, il craint que « la vie ici ne [soit] plus jamais la même. »

Global Post / Adaptation Henri Lahera pour JOL Press

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