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Camp de Yida: zone de tous les dangers pour les femmes

[image:1,f]Suite à un afflux de réfugiés soudanaisle camp de Yida, dans le Sud du pays, qui n’est rien de plus qu’une étendue d’herbe rassemblant quelques huttes, a vu déferlé une population qui fait aujourd’hui de lui un sanctuaire pour près de 30 000 personnes.

La plupart d’entre eux se sont enfuis pour échapper au conflit entre l’armée soudanaise et les rebelles noubas dans la République du Soudan. Mais une vingtaine de kilomètres seulement séparent le camp de la frontière, où les affrontements continuent de faire rage. La violence appartient au quotidien...

Une angoisse constante

Au camp, les détonations des armes à feu se font entendre presque chaque soir, et nous sommes souvent réveillés par le bruit des avions soudanais qui larguent des bombes au loin.

Certains jours, les bombardements aériens sont si près que l’on peut ressentir le soufflr de l’explosion, et nous courons dans les bunkers pour nous protéger. D’autres fois, des avions Antonov passent juste au-dessus du camp. J’observe le réflexe qu’ont les enfants dès qu’ils entendent une bombe tomber : ils courent le plus vite possible et le plus loin possible de leur maison, le regard effrayé, sans se retourner. Les femmes ont tendance à ne pas s’enfuir, à aider ceux qui ne peuvent pas partir.

Les femmes premières victimes des violences

Les femmes et les jeunes filles me disent que le camp de Yida est bien plus sûr pour elles que leur village dans les Monts Nouba, où les neufs mois d’affrontements féroces ont semé peur et chaos et où les agressions sexuelles sont devenues monnaie courante. Bien qu’un sentiment de relative sécurité règne à Yida, ce camp de réfugiés est loin d’être un havre de paix.

Ma présence ici ces derniers mois, alors que nous cherchons à aider les femmes et les jeunes filles à travers l’International Rescue Committee, m’a permis d’entendre de nombreux récits qui me font apprécier la force et la résilience de ces femmes.

Enlèvements, viols, agressions, de terribles témoignages

Certaines ont été violées, devant des membres de leur famille par des hommes armés dans les monts du Kordofan du Sud. Des femmes ont été attaquées à multiples reprises alors qu’elles tentaient d’échapper à la violence, parfois « enlevées » pendant des mois, voire pour toujours.

Une femme m’a dit que sa sœur avait été enlevée par des soldats« On ne sait toujours pas où elle est » m’a-t-elle confié.

Malheureusement, la violence qu’elles cherchaient à fuir en Kordofan du Sud les a suivi jusqu’au Soudan du Sud. À Yida, les femmes et les jeunes filles encourent un grand danger, à l’instar de cette jeune fille de 19 ans que j’ai rencontrée la semaine dernière. J’avais été appelée à la clinique où elle avait été transportée par des gens qui l’avaient retrouvée sur le bord d’une route près du camp. Tout laissait à penser qu’elle avait été violée : signes de traumatisme, incapacité à parler, traces d’agression. Elle ne se rappelait de rien…

Des jeunes filles terrorisées

Les adolescentes du camp Yida avouent vivre dans une peur constante d’une agression, que ce soit lors des trajets pour aller chercher du bois ou aller au marché.

« On ne peut pas se déplacer seules », explique une jeune fille de 15 ans. « Les militaires nous attendent. Si une fille est toute seule, ils l’attrapent. Ces hommes veulent des filles. »

Et des jeunes filles, il y en a beaucoup ici. Plus de 500 ont quitté leur école du Kordofan du Sud. Elles sont venues accompagnées de leurs enseignants, sans aucun membre de leur famille. La communauté de réfugiés de Yida a établi trois campements uniquement pour les jeunes filles seules. Malgré cette bonne intention, les risques qu’elles encourent à l’intérieur de ces « refuges » sont immenses. Elles sont beaucoup trop nombreuses, il n’y a pas assez de nourriture, un seul lit pour 100 filles, pas de barrière et pas un seul garde. Elles ont l’impression d’y être en sécurité, mais ce n’est pas le cas.

Des femmes battues « encore plus qu’avant »

Quant aux femmes qui se sont réfugiées au camp, elles l’ont fait pour échapper à la violence qui sévissait dans les Monts Nouba, sans se douter que cela n’allait qu’empirer dans leur maison. Les femmes mariées soulignent que depuis leur arrivée à Yida, leurs époux les battent encore plus qu’avant. Selon l’une de ces victimes : « Les femmes mariées se font taper dessus tout le temps. Si tu es mariée, tu es tapée. Tout le monde se fait taper ».

Je suis aussi choquée qu’attristée de voir que ces femmes ne trouvent pas anormal d’être battues, mais qu’elles constatent seulement que la fréquence des coups a augmenté depuis leur arrivée au camp.

Le courage dans l’épreuve

Ce sont pourtant ces femmes qui ont marché pendant des kilomètres afin d’atteindre le Soudan du Sud, tout en protégeant leurs enfants et transportant, à bout de bras, tout ce que la famille possédait. Une fois sur place, ces mêmes femmes ont construit des abris à partir de matériaux trouvés par leurs soins et sont, chaque jour, parties à la recherche de nourriture et d’eau pour mari et enfants. Ce sont à nouveau ces même femmes qui ont ratissé un andain de buisson de près de deux kilomètres de long pour dessiner une piste d’atterrissage permettant l’arrivée de nourriture par voie aérienne.

Il est triste de constater que ces femmes considèrent qu’un endroit où elles risquent de se faire violer à chaque fois qu’elles vont au marché ou taper à chaque fois qu’elles rentrent chez elle, est plus sûr que l’endroit d’où elles viennent.

Global Post / Adaptation Amélie Garcia / JOL Press

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