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Jean-Marc Ayrault, nouveau Premier ministre

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[image:1,f]Le récit de la conquête du pouvoir par François Hollande rendra très certainement hommage au rôle tenu par Jean-Marc Ayrault à ses côtés. Le maire de Nantes et le nouveau président de la République ne sont pas des amis de trente ans. Mais, il y a 15 ans – après la victoire de la gauche plurielle en juin 1997 –, c’est à eux deux que Lionel Jospin confie les clés du Parti socialiste et celles du groupe parlementaire socialiste à l’Assemblée Nationale. Ils apprennent à se connaître, à travailler ensemble et, rapidement, souvent côte à côte, ils affichent une très grande complicité, notamment lors de leurs conciliabules bihebdomadaires qui ponctuent les séances de questions au gouvernement. Partenaires mais en rien concurrents, la question de savoir qui décide et qui exécute est sans doute tranchée de longue date. Et c’est sans surprise qu’ils figureront à nouveau côte à côte sur la photo du premier gouvernement de la présidence de François Hollande.

Jean-Marc Ayrault n’est pas énarque. Et ils sont, comme naturellement, si nombreux, les énarques, dans les premiers cercles hollandais que cela aura sans doute constitué un atout majeur dans le choix du nouveau Premier ministre. Un atout majeur mais seulement un des nombreux atouts dont pouvait se targuer ce grand élu socialiste dont le parcours rappelle aussi celui d’un de ses prédécesseurs, arrivé à  Matignon après le 10 mai 1981 et la première victoire socialiste à l’élection présidentielle, Pierre Mauroy, l’ancien maire de Lille, Premier ministre de 1981 à 1984.

Dans l’Ouest très catholique pendant les « Trente Glorieuses »

L’enracinement provincial, c’est souvent sur cela que se sont bâties les plus belles carrières ministérielles. Jean-Marc Ayrault est né dans le pays nantais, à Maulévrier, non loin de Cholet dans le Maine-et-Loire, le 25 janvier 1950, d’un père ouvrier agricole et d’une mère couturière.   

D’un milieu modeste, il a une jeunesse ordinaire dans la France des années 50 et 60. Il est envoyé à l’école primaire catholique de son lieu de naissance avant d’aller au lycée public de Cholet. Très tôt, il rejoint le Mouvement rural de la jeunesse chrétienne, une expérience qui marquera son engagement politique puisque, défendant une vision libératrice de la religion, ce mouvement avait adopté quelques éléments de doctrine marxiste. Peut-être que c’est aussi sur ce catholicisme social qu’il s’est trouvé des affinités avec le fils spirituel de Jacques Delors.

Professeur d’allemand

Après Cholet, ce sera l’université de Nantes et sa faculté de lettres. Il est licencié en allemand en 1971, puis passe le CAPES en 1972. Il fait son année de stage au collège de la Trocardière (Salvador-Allende) à Rezé et est nommé professeur à Saint-Herblain au collège de l’Angevinière, en 1973.

Si Georges Pompidou, normalien agrégé, avait enseigné – les lettres classiques au lycée Henri IV pendant la Seconde Guerre Mondiale -, ce n’est que la deuxième fois qu’un ancien professeur certifié accède à la tête du gouvernement. Le premier était justement celui auquel Jean-Marc Ayrault est si fréquemment comparé, Pierre Mauroy, professeur dans l’enseignement technique. Alors que le président François Hollande entend faire de l’éducation sa priorité, l’expérience de Jean-Marc Ayrault lui sera sans doute précieuse…

Et pourtant, happé, tout jeune, par la politique, il n’aura pas enseigné longtemps. Quatre ans à temps plein et quelques années de plus à mi-temps… Une vocation pour une carrière express, comme Pierre Mauroy qui, lui, n’a de la même manière enseigné que 18 mois, en tout et pour tout, au cours de sa vie.

Mais, en l’occurrence, sa maîtrise parfaite de la langue de Goethe a sans doute constitué un facteur non négligeable dans la nomination de Jean-Marc Ayrault. Sur la scène européenne, pouvoir glisser des mots doux à l’oreille d’Angela Merkel ne peut que se révéler précieux lorsqu’il s’agira d’aller plaider pour une relance de la croissance à Berlin.  

La conversion au socialisme

En 1970, Jean-Marc Ayrault quitte le Mouvement rural de la jeunesse chrétienne et s’engage dans les rangs socialistes. Au début de l’année suivante, il a 21 ans et rencontre son premier parrain en politique, Bernard Hazo, membre de la Convention des institutions républicaines de François Mitterrand. C’est dans ce cadre qu’il participe à la préparation du Congrès d’Epinay, en apportant sa voix à la motion « Rassembler à gauche » de Jean Poperen, l’aile gauche du nouveau parti en fondation.

Après un passage à la Jeunesse socialiste, Jean-Marc Ayrault entre en janvier 1972 dans la section de Saint-Herblain du Parti socialiste. Assez vite, il en devient secrétaire-adjoint, puis secrétaire en 1974. Dans la France de l’après 1968, place aux jeunes ! En 5 ans, de 1972 à 1977, les adhérents passent d’une vingtaine à une centaine de membres.  

Maire de Saint-Herblain et baron socialiste

Candidat aux élections cantonales de 1976, Jean-Marc Ayrault est élu dans le canton de Saint-Herblain-Indre. Un an plus tard, il devient avec 56% des voix maire de Saint-Herblain, ce qui fait de lui le plus jeune maire d’une commune de France de plus de 30 000 habitants – à 27 ans. Il aurait même pu devenir plus jeune député de France… Alors qu’il a été investi par les militants, François Mitterrand, personnellement, impose un autre candidat pour des raisons d’équilibres entre « ex » de la SFIO et nouveaux socialistes.

Élu au bureau exécutif national du PS en 1979, il grimpe aussi dans la hiérarchie du parti.

Sur le pont de Nantes…

Ambitieux, Jean-Marc Ayrault l’est. De ces ambitions qui forgent le destin des grands élus locaux. En 1989, la ville de Nantes – dont le maire RPR Michel Chauty ne se représente pas – est un objectif du Parti socialiste, il le fait sien. Pari gagné. À 39 ans, celui qui est déjà député de Loire-Atlantique, est élu au premier tour avec 50,19% des voix. Une première victoire qui sera suivie par trois autres en 1995, 2001 et 2008. Une fois à Matignon, il devra s’attendre à se défaire de ses fonctions.

À la tête d’une grande ville, il a pu développer ses compétences de management d’équipe et de gestion de projets. Autant de précieux arguments pour un Premier ministre. C’est son parcours à Nantes qui lui vaut  d’être qualifié de « Pierre Mauroy de François Hollande ». À travers eux, a été promue la tradition du socialisme municipal, qui s’appuie avec tant d’efficacité sur les corps intermédiaires, la vie associative, les relais sociaux. Cette tradition, on la retrouve aussi qui s’exprime, depuis plus récemment, à la tête des départements et des régions de France. Élu local, il cherchera sans doute à mobiliser toutes les énergies aux quatre coins du pays.

« Une bonne connaissance du Parlement » 

Élu député à la proportionnelle en 1986, Jean-Marc Ayrault s’arroge la troisième circonscription de Loire-Atlantique, qui deviendra son fief, en juin 1988. Depuis lors, il a été régulièrement réélu, résistant même à la « vague bleue » de 1993.

En 1997, c’est à lui que Lionel Jospin songe pour la présidence du groupe parlementaire, une tâche stratégique en période de cohabitation et avec une majorité plurielle. Après des débuts un peu difficiles, comme lorsque le vote du PACS doit être reporté, faute de suffisamment de députés socialistes présents dans l’hémicycle, son partenariat avec François Hollande trouvera toute son efficacité. Il connaît parfaitement les rouages de la mécanique parlementaire et saura en user face à une opposition, qu’on annonce, revigorée.

Un allié fidèle de François Hollande

Pendant onze ans, de 1997 à 2008, Jean-Marc Ayrault gérera donc les troupes parlementaires du premier secrétaire François Hollande. Sur ces onze ans, d’abord, cinq années dans la majorité. Si ni l’un, ni l’autre n’ont occupé de portefeuilles ministériels, ils ont été associés ès-qualité aux décisions gouvernementales par le Premier ministre Lionel Jospin.

Ensuite, pendant six ans d’opposition – et dix années au total -, les deux hommes ont collaboré dans l’opposition. Après que ce dernier ait quitté la rue de Solferino, Jean-Marc Ayrault s’est montré d’une fidélité à toutes épreuves et, très vite, il s’est engagé à ses côtés dans la bataille présidentielle et dans les primaires citoyennes d’abord – comme il l’avait tout autant fait en 2007, derrière Ségolène Royal.

Tout au long de la campagne, il a martelé la bonne parole hollandaise, détaillant les premières mesures du quinquennat. Il connaît la partition et il lui appartient, désormais, une fois qu’il aura constitué son équipe, de la mettre en musique.

On dit souvent que c’est la fonction qui fait l’homme. Il découvrira assez vite, comme tous ses prédécesseurs, que la vie à Matignon n’a rien d’une sinécure. Ces derniers jours, les attaques dont il a été l’objet – rappelant une condamnation pour favoritisme en 1997 dans le cadre de l’attribution, dans ses fonctions de maire, d’un marché public d’impression – ont montré que Jean-Marc Ayrault était sur le point de changer de statut… et qu’il était attendu au tournant. 

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