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« La BCE m’a tué »…

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Christian Ciganer-Albeniz évoque les dangers que la politique d’austérité imposée par la Banque Centrale Européenne fait courir à l’ensemble de la zone euro. Il milite pour une décentralisation des structures financières européennes, mieux à même d’accompagner sur le terrain les mesures de relance économique. 

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En cette période marquée par les passations de pouvoirs qui suivent nos dernières échéances électorales, force est de constater que les diktats de la Banque Centrale Européenne ont largement contribué au départ de 11 et bientôt 12 Chefs de Gouvernements Européens. Au-delà de l’opinion que chacun d’entre nous peut avoir de Nicolas Sarkozy, il est aujourd’hui un fait : le Président de la République sortant vient de rejoindre la longue liste des victimes de cette doctrine d’austérité érigée en dogme, qui a été imposée par la BCE à nos Etats Européens.

Les incohérences de la BCE

François Hollande, avec succès, a su fort habilement mettre en exergue les incohérences d’un système qui prête aux banques à 1% pour que celles-ci acquièrent, lorsqu’elles le font, de la dette publique, en pratiquant des taux allant de 1,40% à 30% (la Grèce) suivant les cas à des pays déjà très endettés, qui connaissent des difficultés et, auxquels il est imposé en contrepartie des plans drastiques d’austérité .

Nous sommes sous le règne du Roi Ubu, germanique d’origine, dont l’obsession est de préserver son intégrité financière nationale, en permettant le renforcement du secteur financier européen par la reconstitution de ses fonds propres grâce à ce que les spécialistes appellent « la transformation ».

Les risques liés à l’augmentation de la masse monétaire

A aucun moment, ne se pose la question du bien-fondé de cette augmentation massive de la masse monétaire en circulation, qui pourrait contribuer au redémarrage de l’inflation, puisque les bénéficiaires n’en sont pas les Etats, mais les Institutions financières.

Peut-on considérer que l’accroissement de la bulle spéculative liée à l’injection massive de capitaux est aujourd’hui moins dangereux, que le soutien à des économies européennes qui traversent une crise sans précédent ? La découverte du scandale de JP Morgan, il y a quelques jours encore, démontre l’absurdité de ce raisonnement. Face aux résultats de cette politique, nous sommes en droit de rester interrogatifs.

Les effets pervers d’une réduction drastique des déficits publics

La question que l’on doit se poser, est la pertinence de cette stratégie de réduction drastique des déficits publics, au moment où l’on constate que ces mesures génèrent une spirale dévastatrice sur l’économie des pays concernés.

La Grèce va enregistrer pour le sixième trimestre de suite une récession de 6,8 %, l’Italie de 0,8% et l’Espagne de 0,4% pour la même période du premier trimestre 2012, alors que ces Pays tentent de retrouver le chemin de l’orthodoxie budgétaire.

Qui s’est posé la question de savoir l’impact sur les déficits publics des pays concernés d’un coût de la dette à 1% en lieu et place des taux pratiqués par les marchés actuellement ? Lorsque l’on sait que le service de la dette est pour la France le second poste de dépenses budgétaires, il est facile d’imaginer les marges de manœuvre qui pourraient résulter d’une division par deux au minimum des intérêts réglés annuellement…

De l’efficacité des plans de relance pour la croissance 

Le simple bon sens serait que les pays, se voyant octroyés des prêts longs termes (12 – 15 ans) par la BCE à 1%, s’engagent à affecter le différentiel du coût de leur dette pour une part substantielle à des plans de relance et, la part résiduelle à la réduction de leur endettement dans le cadre d’un pacte de stabilité révisé.

Les capacités financières ainsi dégagées pourraient contribuer au redémarrage de la croissance de notre économie, sans alourdir les déficits publics : mais, est-ce trop demander à nos brillants technocrates que d’accepter de remettre en cause les fondements mêmes de la pensée unique qui nous ont conduits au chaos ?

Cette situation justifie, si besoin est, l’urgente nécessité de réfléchir aux solutions alternatives qui devront inévitablement être mises en place, pour éviter de plonger l’Europe dans un cyclone, qui reléguera la crise financière de 2008 au rang de simple coup de vent.

Bien évidemment, nous sommes tous d’accord pour dire que les dérives de nos finances publiques ne sont plus acceptables, mais que dire de ces mesures d’austérités qui, loin de combattre les déséquilibres qu’ils sont censés juguler, les accroissent par la simple, mais inéluctable réduction des recettes liées à la consommation ? Et si le raisonnement était juste, et que les hypothèses de base étaient fausses ?

Crise des Finances publiques ou crise de la Finance ?

Sommes-nous face à une crise des Finances Publiques ou face à une crise de la Finance en général et des Banques en particulier ?

En voulant lutter contre les risques systémiques qui ont suivi une dérégulation trop rapide et débridée, les autorités nationales et européennes ont poussé à la concentration du secteur bancaire, sans se préoccuper au préalable de savoir ce qui se cachait au fond des tiroirs.

L’exemple du Japon et sa stagflation endémique

L’exemple du Japon qui n’arrive pas à sortir de la stagflation depuis plus d’une quinzaine d’années, aurait dû alerter nos responsables politiques. Le gouvernement Nippon n’a jamais pris les mesures indispensables au nettoyage de toutes les créances pourries, qui se trouvent encore aujourd’hui dans le bilan des principaux établissements financiers du pays.

Le résultat est connu : une économie atone, un taux d’épargne parmi le plus élevé des Pays Développés, une croissance qui reste parmi les plus basses du continent Asiatique, un déficit public considérable qui n’est possible que parce que l’épargne japonaise en assure le financement de la dette qui atteint aujourd’hui 230% du PIB.

Comme je l’ai si souvent écrit, nous sommes passés d’une économie de capitaux à une économie de flux et, notre seul objectif doit être d’en faciliter la circulation, pour qu’elles puissent irriguer très largement le tissu industriel et commercial et redonner confiance aux populations.

Les excès de l’ultra-concentration bancaire

Lorsque Jean-Claude Trichet a lancé un vaste programme de concentration, dont l’objectif principal était la disparition de tous les petits établissements financiers, une machine infernale s’est mise en mouvement, dont nous avons vu en 2008 les ravages et qui, par les plans de sauvetage qui furent mis en place sans contrepartie, se trouve aujourd’hui renforcée.

De plus, nous avons vu émerger un oligopole bancaire dont la défaillance, par son ampleur, submergerait d’une manière irréversible les économies des Pays dans lesquels elles sont implantées.

Pour une décentralisation des structures financières

Comme dans le cadre de régionalisation voulue par nos élus, nous devons aujourd’hui tendre vers la mise en place de la décentralisation de nos structures financières européennes, en faisant de nos régions, comme c’est le cas avec succès en Allemagne, les moteurs de notre économie nationale. Au plus près des préoccupations du terrain, nos élus nous semblent aujourd’hui les plus à même de comprendre et de promouvoir nos petites et moyennes entreprises si nécessaires à notre croissance et si méprisées par les autorités nationales.

Faisons en sorte qu’à l’occasion de la prochaine échéance électorale, nous portions à l’Assemblée Nationale des élus dignes de confiance, dont la mission principale sera de créer le consensus autour d’un projet d’avenir qui redonne espoir à nos concitoyens.

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