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Le groupuscule islamique Boko Haram met le pays à feu et à sang

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[image:1,l] Au moins 9 personnes sont mortes dans les attentats à la bombe qui ont visé, fin avril, à Abuja et Kaduna, les bureaux du journal This Day. Plusieurs autres ont été grièvement blessées.

La vidéo, postée sur Internet par les islamistes de Boko Haram, montre qu’un individu, caméra à la main, a tout simplement attendu que les bureaux explosent.

Sur Youtube, le groupe a promis qu’il attaquerait « prochainement » sept autres journaux nigérians, et les bureaux de Voice of America à Hausa. Quatre autres médias, dont l’antenne locale de Radio France International (RFI), sont également menacésSahara Reporters, également dans la ligne de mire des terroristes, propose sur son site une traduction de la vidéo. « Ces médias ont, à de nombreuses reprises, offensé l’Islam, et nous n’avons pas le pouvoir de leur pardonner »  peut-on y lire. « Nous nous vengerons d’eux, par la grâce de Dieu ».

« On n’est pas en sécurité au Nigéria »

Cette nouvelle vague d’attentats meurtriers a obligé le président Goodluck Jonathan à trouver un moyen de canaliser la violence. « Le gouvernement commence à être sous pression. Les citoyens l’urgent de faire quelque chose pour régler problème » affirme Abubakar Umar Kari, analyste politique à l’Université d’Abuja« Le Nigérian moyen en a tellement « marre » qu’il a littéralement abandonné. »

Cette colère des Nigérians, las des violences, est perceptible. Plusieurs centaines d’entre eux ont couru, le jour de l’explosion, jusqu’aux bureaux détruits de la rédaction de This Day. Ils hurlaient contre les forces de l’ordre, demandant à ce que le gouvernement intervienne enfin pour mettre un terme aux violences. « Vous êtes journaliste ? » a demandé l’un d’eux à un homme qui passait devant lui avec un calepin. « Dites-leur qu’on n’est pas en sécurité au Nigéria » a-t-il dit. « On n’est pas en sécurité au Nigéria ».

This Day et d’autres journaux ont aussi été attaqués au Nord, dans la ville de Kaduna. D’après l’ONG Human Rights Watch, la secte Boko Haram est responsable, depuis début 2012, de la mort de 450 personnes.

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Reprendre les négociations ?

Le président Goodluck Jonathan fait tout ce qui est en son pouvoir pour montrer, qu’en ces temps de crise, il maintient toujours un certain contrôle. Samedi 28 avril, il s’est rendu sur le site du journal attaqué, à Abuja, affirmant aux journalistes que les terroristes qui s’en étaient pris à This DayThe Moment  et The Sun n’en avaient pas seulement contre le Nigeria, mais contre le monde entier. Quand il lui a été demandé s’il ne devrait pas reprendre les négociations avec les islamistes, avortées en mars dernier, le président a esquivé. « Ceux qui disent que nous devrions dialoguer ont raison » a-t-il admis. « Mais ceux qui disent que nous ne devrions pas, ont également raison. Quand vous avez une situation terroriste, vous devez envisager les deux options ». La plupart des Nigérians veulent une réponse plus claire que celle, hésitante, fournie par le président. Ils estiment que le gouvernement a échoué à stopper les assauts de Boko Haram. Si les forces de sécurité ne peuvent pas les arrêter par la force, disent-il, il est temps pour le gouvernement de découvrir ce que le groupe veut, et de négocier.

« Ils devraient s’asseoir avec ces gens et leur demander : « Qu’est-ce que vous voulez ? Qu’est-ce que vous reprochez à la population Nigériane et au gouvernement ? » estime Abdulmalik Jega, en charge d’un immeuble situé à Abuja, tout près du lieu de l’explosion.

Des motivations floues

Le groupuscule Boko Haram affirme qu’il veut l’établissement de la charia, la loi islamique, au Nigéria, et la libération des membres de l’organisation, toujours emprisonnés. Pour nombre d’observateurs, les réelles intentions du groupuscule restent floues.

La secte a causé la mort de plus de 1000 personnes depuis 2009. En janvier 2012, des attaques coordonnées à Kano ont fait près de 200 morts. Elles ont aussi paralysé l’économie de cette agglomération, deuxième plus grande ville du pays.

Le « parti pris » des médias nigérians

Boko Haram a affirmé au quotidien nigérian Premium Times que les attaques des journaux étaient une réponse à « ce qui est mal rapporté ». Un porte-parole de la secte, qui s’est présenté sous le nom d’Abul Qaqa, s’est plaint du fait que les médias avaient reproché aux groupes des attaques qu’ils n’ont pas revendiquées. Il affirme également qu’une vidéo postée par le groupe le mois dernier, sur Youtube a été mal traduite.

Abdul Qaqa a également reproché aux médias d’avoir annoncé sa capture, alors que, insiste-t-il, « c’est quelqu’un d’autre qui a été fait prisonnier ». « Nous avons demandé aux reporters et aux médias d’être professionnels et objectifs. Il y a une guerre entre nous et le gouvernement du Nigéria. Malheureusement, les médias ont choisi de prendre parti. »

Abubakar Umar Kari, l’universitaire, est certain que les attaques vont refroidir les journalistes nigérians et qu’ils n’oseront plus critiquer ou commenter les actions de Boko Haram. Pourtant, pense-t-il, la prochaine cible de la secte pourrait se trouver n’importe où.

« Il n’y a pas une organisation ou un groupe qui puisse dire qu’il ne risque rien » estime-t-il. « Et c’est ce qu’il y a de plus effrayant avec eux, ils sont capables de tout ».

Les chrétiens dans le viseur

Le dernier weekend d’avril, les terroristes se sont attaqués à des églises chrétiennes. À Kano, au nord du pays, seize personnes ont été tuées dimanche 29 avril, après que des bombes aient été larguées pendant un office religieux qui se tenait sur le campus de l’université. Des hommes ont ensuite ouvert le feu sur ceux qui tentaient de s’échapper, avant de s’enfuir sur des deux-roues, selon la police.

Personne n’a revendiqué cette attaque, pas plus que celle visant, plus tard dans la journée, un commissaire de police. Il semble cependant que Boko Haram soit mêlé à cette affaire. Au Noël dernier, des dizaines de personnes ont été tuées au cours d’attaques visant les églises de la capitale. L’année d’avant, les attaques menées contre les églises de Jos avait entraîné la mort de 86 personnes.  

Une menace qui plane sur le continent

Le problème de la violence pourrait bien dépasser les frontières nigérianes. Selon la BBC, le président tchadien Idriss Deby considère que les activités de Boko Haram menacent de déstabiliser l’Afrique de l’Ouest. Il appelle de tous ses vœux à la création d’une « force conjointe de dissuasion » visant à « éradiquer » le groupe.

Global post/ adaptation Anaïs Leleux pour Jol press

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