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Le « nous contre eux » d’Obama relance la lutte des classes

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Le défi de Barack Obama

Au cours d’un déjeuner partagé avec mon ami, un avocat de Boston de renom, le vendredi 11 mai dernier, nous n’avons pas pu nous empêcher d’aborder l’élection présidentielle américaine et parier sur les chances de succès des candidats. Mon interlocuteur s’est largement impliqué dans la campagne de Barack Obama, à travers des dons importants, notamment. Le présenter comme un ardent partisan du président, ne serait pas usurper. Le doute n’est plus permis lorsqu’on l’écoute deviser sur le rival du président Obama, le candidat républicain Mitt Romney. « C’est peut-être le seul de ces clowns qui sait faire ses lacets, mais ca ne fait pas de lui un bon candidat pour autant », a-t-il déclaré entre deux bouchées de son « fish and chips », dans un bistro de la gare de Boston. Bien qu’il veuille absolument voir Barack Obama briguer un second mandat, l’avocat n’est pas optimiste sur les chances du démocrate.

« En considérant l’état actuel de l’économieBarack Obama est en réel danger. Sa seule manière de remporter la victoire à l’élection présidentielle est d’orienter la campagne sur la lutte des classes, nous contre eux ! Mais je crains qu’il ait bien trop de dignité pour adopter une telle démarche. » Et si la fin justifiait les moyens ?

Mitt Romney, ce « vautour capitaliste »

Lundi 7 mai, les dirigeants de la campagne d’Obama ont publié une vidéo explosive qui dépeint Mitt Romney comme « un vautour capitaliste par excellence [une expression que Newt Gingrich avait aussi évoqué, ndlr]un millionnaire sans âme qui ne s’intéresse qu’à son profit et ne se soucie pas des petites gens. »
Un spot publicitaire d’une durée de deux minutes sera diffusé dans le Colorado, l’Iowa, l’Ohio et la Virginie. Une version de six minutes est disponible en ligne.

L’exemple de GTS Steel : des ouvriers racontent leur descente en enfer

La vidéo évoque l’histoire de la liquidation en 1993 de GTS Steel, une acierie du Kansas, dans le Missouri, qui a été l’une des premières « victimes » de Bain CapitalMitt Romney est le fondateur et le directeur en chef de cette société, qui a fait, en grande partie, sa fortune.

Comme les travailleurs l’expliquent dans la vidéo, l’usine était un modèle de qualité et d’efficacité jusqu’à ce que des ouvriers dits « vampires » arrivent.
[image:2,l]En peu de temps, la GTS Steel croule sous les dettes et doit mettre la clé sous la porte. Les salariés ont tout perdu, leurs pensions ont été considérablement réduites et ils ont perdu leurs assurances-vie. « J’étais dévasté » déclaré Joe Soptic, un employé de l’usine pour laquelle il a sacrifié 30 ans de sa vie, également un personnage central de la vidéo.

Le témoignage le plus poignant, reste probablement celui de David Foster, syndicaliste qui a tenté de négocier avec Bain Capital « Les fonds d’investissements ne sont pas de mauvaises choses en soi. Mais ce que Bain Capital a fait n’était pas du capitalisme… C’était de la mauvaise gestion. C’était accabler une entreprise de dettes et en retirer des bénéfices immédiats pour soi-même. L’Amérique n’a pas besoin de ça ».

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Des témoignages à charge

Le message est très clair : Mitt Romney n’est pas celui qu’il faut. La séquence poursuit et retourne toujours plus le couteau dans la plaie. « Ces gars là avaient plus d’argent qu’ils ne pouvaient en dépenser » ajoute Joe Soptic« Mais, ils n’en avaient jamais assez pour se soucier des gens qui leur en faisaient gagner ».
David Foster ne mâche pas ses mots, non plus : « Lorsque qu’agir ainsi devient un modèle de business, de manière délibérée, quand il s’agit d’une stratégie réfléchie, de prendre la valeur d’une entreprise en blessant une autre, et d’en parler comme si c’était l’âme du capitalisme, et littéralement l’âme de l’Amérique, rien n’est plus offensant pour moi »Voilà comment « la lutte des classes » est de nouveau relancée aux États-Unis.

Coups pour coups, une stratégie encore plus agressive

« Barack Obama doit jouer sur le “ nous contre eux ” », explique mon ami avocat. « Les Républicains ont peur de cette stratégie car ils se savent vulnérables. »
Le spot a été critiqué par le camp Romney, qui l’a étiqueté comme la vision du libéralisme erronée de ObamaAndrea Saul, la porte-parole de Mitt Romney a envoyé un e-mail de campagne pour contrer l’annonce et détourner l’attention : « Nous nous félicitons de la tentative des dirigeants de la campagne Obama de reparler d’un retour à l’emploi après l’échec sur leurs propres dossiers » annonce t-elle dans son mémo.
[image:4,l]« Le président Barack Obama aura à répondre à de nombreuses questions concernant le financement de son administration afin de remercier ses contributeurs, ou pour de mauvaises idées comme Solyndra [création « d’emplois verts », qui n’a pas fonctionné, ndlr]. 23 millions d’Américains ont encore du mal à trouver un emploi. »

 

Une campagne jugée inique et injuste

Un ancien fonctionnaire de l’administration Obama a désigné l’annonce comme « injuste ». Steve Rattner, le « tsar de l’automobile » qui a contribué à forger un plan de relance de Chrysler et General Motors en 2009, a déclaré au cours d’une matinale de MSNBC que le spot de campagne représentait mal Mitt Romney, Bain Capital et globalement le capitalisme.
« Je pense que le spot télévisé est injuste. Mitt Romney a commis une erreur en affirmant qu’il avait créé 100 000 emplois. La rôle de Bain Capital n’était pas de créer des emplois, mais de rapporter du profit à ses investisseurs… Une mission bien remplie. Il a agi dans les règles, et de façon très responsable. »
Concernant les ouvriers de l’aciérie : « Choisir, en exemple, quelqu’un qui a perdu son emploi, était-ce vraiment judicieux ? Malheureusement, cela fait partie du capitalisme, et cela fait partie de la vie. Je ne pense pas que Bain Capital ait quelque chose à se reprocher », explique Justin Rattner, accessoirement un investisseur privé et un banquier pour un fonds d’investissement.

Il est encore trop tôt pour prévoir l’impact de cette campagne, ni même de savoir si une telle stratégie fonctionnera. Cependant, une chose reste pour l’instant incontestable : le camp Obama s’empresse de monter des barricades et s’apprête à mener un âpre combat. 

Global Post /Adaptation Henri Lahera / JOL Press

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