La catastrophe de Fukushima a ébranlé la conscience collective et incité à s’interroger, plus que jamais, sur le recours au nucléaire. Cependant, malgré les dangers qu’une telle énergie représente, son coût reste particulièrement compétitif. Les énergies vertes pourront-elles se substituer au nucléaire ? Le monde scientifique semble partagé.
[image:1,l]Lorsque le Japon a désactivé Hokkaido 3, son dernier réacteur nucléaire, de nombreuses personnes ont poussé un soupir de soulagement. Cependant, l’extinction des réacteurs japonais, exemple également suivi par d’autres pays à travers le monde, soulève des interrogations majeures. Les énergies vertes sont-elles capables de prendre le relais ? Dans le cas contraire, signons- nous l’arrêt de mort de la Terre ? Comment éviterons-nous de nouvelles catastrophes nucléaires ?
Tourner le dos au nucléaire, une attitude qui fait des émules
Au Japon, où 54 réacteurs nucléaires sont désormais inactifs, et ne seront peut-être jamais relancés, l’approvisionnement énergétique représente d’ores et déjà un problème capital. Les Japonais se sont reportés sur une consommation de gaz, charbon ou mazout, ressources utilisées de manière occasionnelles pour pallier un besoin.
Le Japon n’est pas le seul pays à tourner le dos au nucléaire. Dans le sillage de la catastrophe de Fukushima, l’Allemagne, la Belgique et la Suisse ont respectivement annoncé la fermeture de centrales. D’autres pays, comme la Chine et la France, ont considérablement revu à la baisse les projets de construction de nouvelles centrales. [image:2,l]
Le nucléaire, une question qui divise
Les militants « anti-nucléaire » de la première heure, trouvent davantage de soutien auprès de l’opinion publique, désormais consciente des dangers liés à l’exploitation d’une telle énergie. Selon un important sondage datant de novembre dernier, seulement 22% des personnes interrogées à travers le monde, ont convenu que l’énergie nucléaire était relativement sure et que la construction de centrales devait continuer. En revanche, pour les 71% du panel sondé dans les grands pays consommateurs d’énergie nucléaire (États-Unis, l’Allemagne, la France et au Royaume-Uni), il ne fait aucun doute que l’énergie renouvelable pourrait remplacer le charbon et le nucléaire au cours des deux prochaines décennies.
[image:3,l]Les experts en énergie sont tout aussi divisés, explique Anthony Froggat, consultant en Politiques énergétiques et « Senior Research Fellow au Think-Tank de London Chatham House ». « C’est à la fois un choix économique, énergétique mais aussi un choix sociétal, car certaines personnes ne veulent pas d’un champ d’éoliennes près de chez elles », explique-t-il.
Le nucléaire, un rempart contre l’accélération du réchauffement climatique
Le groupe d’experts intergouvernementaux sur les changements climatiques soutient que près de 80% de l’approvisionnement énergétique du monde pourrait être satisfait par les énergies renouvelables d’ici 2050. Un scénario qui place les énergies nucléaires et fossiles sur le banc.
L’Agence International de l’Énergie (AIE) voit le nucléaire comme un élément crucial, car les énergies solaires, géothermiques, hydroélectriques ne sont pas encore suffisamment développées pour répondre aux objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone.
Un peu plus tôt cette année, Fatih Birol, économiste en chef de l’AIE a averti que si le nucléaire était évincé, une dépendance aux énergies fossiles qui en résulterait, pourrait dangereusement augmenter la température de la planète. Bien plus que les deux degrés anticipés…
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Un héritage désastreux
Richard H. Jones, le vice-président de l’AIE a exhorté les gouvernements à agir pour éviter un accroissement des émissions de CO2 d’ici à 2050. Selon les estimations, la température ambiante augmenterait de six degrés, entraînant de dévastatrices conséquences sur le plan écologique, si les nations poursuivent un tel rythme. « Une telle décision va plonger les générations futures dans d’importantes difficultés économiques, environnementales et énergétiques. Un héritage qu’aucun d’entre vous ne souhaite laisser à ses enfants » a-t-il annoncé devant un parterre de ministres de l’Énergie, réunis à Londres.
La crise économique fausse la donne
L’AIE estime que les gouvernements ne parviennent pas à investir suffisamment pour encourager le développement des nouvelles technologies vertes ou encore à améliorer les techniques de stockage permettant de réduire les émissions de CO2. L’agence affirme que la crise économique est en partie responsable, en raison des multiples coupes budgétaires rendant l’allocation de subventions impossible. L’économie s’invite dans débat sur le nucléaire et fausse la donne. Ainsi, les entreprises européennes d’énergies renouvelables ont souffert de la réduction des subventions gouvernementales et la concurrence de la Chine.
Le secteur de l’énergie renouvelable ne parvient pas à décoller
Certains détracteurs critiquent ouvertement l’énergie renouvelable qu’ils jugent peu fiable et inefficace, trop chère et estiment que ses inconvénients surpassent largement les avantages qu’elle promet. Il y a également eu les faillites, qui ont entaché le secteur solaire et éolien. Beaucoup d’entreprises, qui retiraient un bénéfice léger de leurs investissements ont, à la fois, été frappé par une féroce concurrence mais aussi l’arrêt des subventions. Un double coup dur pour de nombreuses sociétés.
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Rupesh Madlani, un analyste des « technologies propres » travaillant pour Barclays, a expliqué les problèmes traversés par ces entreprises. Le bond de la demande prévu pour 2008 semble avoir été sacrifié sur l’autel de la crise. Les commandes ont peu à peu été annulées ou impossible à honorer, conduisant inévitablement à la faillite de nombreuses entreprises, contraintes à mettre la clé sous la porte. « Je crois que nous entamons le long chemin d’une période de restructuration afin de rétablir un équilibre plus stable entre l’offre et la demande », a-t-il déclaré.
Des exemples encourageants
Certains politiciens ont d’ailleurs condamné les objectifs d’émissions, trop exigeants et difficiles à satisfaire pour leur économie déjà accablée. George Osborne, le ministre des Finances de Grande-Bretagne a récemment déclaré que « les initiatives vertes allaient mettre le pays en faillite ». On trouve cependant des arguments des deux côtés de la balance puisque d’autres pensent que si les forces du marché renouvelable sont bien déployées, une solution est envisageable.
« L’Allemagne représente un cas d’étude intéressant » déclare Anthony Froggat. Elle a d’ores et déjà installé des panneaux solaires capables de générer une impressionnante quantité d’énergie de sept gigawatts. Cette source d’énergie renouvelable produit aujourd’hui plus d’énergie que son secteur nucléaire en déclin.
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Que faire des énergies renouvelables ?
La dépendance allemande à ses centrales traditionnelles devrait encore générer 300 millions de tonnes supplémentaires de dioxyde de carbone d’ici à 2020. Plus que les émissions annuelles de l’Italie et l’Espagne réunies. Le pays devra donc compter sur l’amélioration des habitudes de consommation de ses citoyens pour remplir ses objectifs d’émissions. Encore une autre variable dans l’équation de l’environnement.
« Tout cela semble suggérer que personne ne sait vraiment dans quelle mesure nous serons aptes à nous appuyer sur les énergies renouvelables au détriment de l’énergie nucléaire ou des combustibles fossiles. C’est probablement parce que personne ne le sait précisément » ajoute Anthony Froggat. « Beaucoup de gens évoquent un scénario avec un monde qui utiliserait 100% d’énergies renouvelables, mais quel que soit ce chiffre, il y aura toujours un argument pour le remettre en cause ».
Global Post /Adaptation Henri Lahera / JOL Press