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Les indigènes s’insurgent contre un projet d’autoroute

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La route de la discorde

Le Congrès Péruvien envisage d’adopter un projet de construction d’une route traversant la forêt amazonienne, qui abrite aujourd’hui des dernières tribus indigènes, ayant échappé à l’influence de la mondialisation.

Cette autoroute très controversée couperait une réserve indigène ainsi qu’un parc naturel, dans le département d’Ucayali et Madre de Dios, situés au sud du Pérou, à la frontière brésilienne. Elle relierait les villes de Puerto Esperanza et d’Inapari.

Les groupes environnementaux et défenseurs des populations autochtones s’opposent farouchement à ce projet, craignant qu’il charrie son lot de bucherons illégaux, de braconniers et aux « squatteurs » divers, qui pourraient dévaster la forêt tropicale et nuire aux communautés qui y vivent. « Cette route n’est pas illégale, mais cela va à l’encontre des lois péruviennes qui protègent les populations isolés, ainsi que des lois environnementales », explique Rebecca Spooner, de Survival International, un groupe britannique qui soutient les peuples indigènes à travers le monde.

Un projet de loi passé inaperçu

« Déclarer officiellement que la route est une nécessité nationale, c’est exploiter une faille juridique pour contourner les protections mises en place dans les parcs et les réserves nationales, qui stipulent qu’aucune route ne devrait y être construite. »[image:3,l]

Ce projet de loi semble avoir de réelles chances d’aboutir. Il a été signé par 30 des 130 membres de la Chambre unique du Congrès péruvien, dont Rolando Reategui, le porte-parole du parti d’opposition de droite, Fujimorista. Le deuxième plus grand parti, disposant de 37 sièges. Le projet de loi rédigé en avril, n’a cependant pas était relayé par les médias nationaux, demeurant ainsi invisible aux yeux de la communauté internationale. Un phénomène courant au Pérou, favorisé par une absence de transparence au sein du Congrès. « Cela souligne une nouvelle fois le manque de respect envers la culture, les droits et les souhaits exprimés par la population indigène de l’Amazonie péruvienne », a déclaré Roger Muro, avocat de la FECONAPU, la fédération indigène locale.

Des autochtones bien décidés à se défendre

La population locale est par ailleurs, à 90%, issue de ces communautés indiennes, et s’oppose fermement à la construction de cette route. Toutefois, le texte de loi affirme qu’aucune réponse à la pauvreté de ces communautés ne peut être apportée, si aucun accès à leur lieu de vie n’est prévu. L’axe routier critiqué propose un début de solution. Actuellement, seules des voies fluviales et aériennes dotées de pistes d’atterrissage de fortune, garantissent l’accès à ces régions reculées.

Le texte explique que cette région, peuplée de 5 000 personnes (en excluant les tribus isolées) souffre d’un taux de mortalité infantile atteignant les 32%. L’analphabétisme est lui estimé à 34%. Le projet de loi critique les groupes écologistes et les accuse de ne pas reconnaître que « dans ce monde, il existe des parcs nationaux comme celui de Yellowstone…qui sont traversés par des autoroutes et qui permettent le passage de millions de visiteurs ».
[image:2,l]Le projet de loi insiste également sur la nécessité d’ouvrir ce nouveau tracé afin de « consolider » la zone frontalière avec le Brésil. Le texte affirme que de nombreuses familles locales préfèrent traverser la frontière pour donner naissance à leurs enfants sur le sol brésilien. Cela leur permettrait un meilleur accès à certaines prestations sociales que la nationalité brésilienne peut offrir, y compris l’accès aux écoles et aux hôpitaux.
L’initiative d’un missionnaire espagnol

À l’origine de ce projet de loi, un homme : le Père Miguel Piovesan, un missionnaire espagnol qui travaille dans la région depuis plus d’une décennie. Le religieux, convaincu du bienfondé de son combat pour l’adoption de cette nouvelle route, rétorque aux détracteurs :

« Est-ce que le possible impact d’une connexion entre les terres est pire que l’effet de l’isolement actuel sur ces populations ? »

De nombreuses communautés autochtones rejettent cet argument, et se demandent si cette intégration aux agglomérations urbaines u Pérou est souhaitable. « Personne ne peut nous obliger à nous rapprocher du reste du Pérou » a déclaré Alfredo del Aguila de la réserve des indigènes Purus, au journal italien la Republica. En plus de cette réserve, la route diviserait le parc national de l’Alto Purus, qui est le plus grand du Pérou.
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Si le Congrès approuvait la loi autorisant la construction de cette route, il violerait également une nouvelle loi, qui stipule que toute communauté autochtone doit être consultée avant qu’un quelconque projet d’infrastructure soit envisagé sur ses terres. Cette mesure a été signé par le président Ollanta Humala l’an dernier, dans le lieu hautement symbolique de Bagua, une ville située au nord de l’Amazonie péruvienne.

Des affrontements mémorables

En 2009, plus de trente agents de police et de manifestants ont trouvé la mort lors d’affrontements dans cette même ville. Les manifestants s’étaient alors opposés aux mesures proposées par le prédécesseur du président Ollanta HumalaAlan Garcia. Ce dernier avait fait valoir une plus grande ouverture des terres indigènes aux bûcherons et aux compagnies pétrolières.
Stephen Corry
, le directeur de l’association « Survival International » décrit le projet de route comme « suspect » et a laissé entendre qu’il ne profiterait qu’aux bûcherons et autres. Il en résulterait un saccage de la forêt tropicale à de simples fins économiques.

« Cette attitude de dire « nous savons ce qui est le mieux pour vous » n’est pas seulement condescendante. Elle est mortelle, comme le furent les 500 années de colonialisme, où l’on a pu voir ce que le « développement des terres autochtones » a donné », a-t-il dénoncé dans un communiqué.
[image:5,l]Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les autorités péruviennes tentent de contourner les réglementations destinées à protéger les réserves et parcs d’Amazonie, au nom du développement économique.

En 2007, le gouvernement Garcia avait lancé l’idée d’un vaste élagage de plus de 516 000 hectares du parc national de Bahuaja Sonene, afin de permettre un forage de gaz dans la région. Ils ont rapidement été forcés de renoncer à cette entreprise après une vague de protestations à l’échelle international. La menace de rompre des accords bilatéraux et des tractations naissantes avec les États-Unis, soucieux de la sauvegarde de l’environnement, ont probablement pesé dans cette décision d’abandonner l’exploitation des richesses de l’Amazonie. Si de nouvelles voix s’élèvent pour défendre la cause de ces communautés indigènes et préserver leur habitat, peut-être parviendront- ils à lever cette menace grandissante.

Global Post / Adaptation Henri Lahera / JOL Press

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