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L’heure du choix dans le « village gaulois »

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La loi interdit aux médias de rendre public sondages et estimations depuis plus de 24 heures et cela jusqu’à 20 heures ce dimanche. Alors, Bruno Jeudy, dans le Journal du Dimanche, a recours à l’anecdote. Il raconte que Najat Vallaud-Belkacem, « sans perdre son sourire, la porte-parole du candidat socialiste, a exprimé un léger doute en découvrant hier à Paris un sondage confidentiel de l’IFOP. » Info ou intox, l’écart se serait resserré dans la toute dernière ligne droite de cette campagne et, finalement, il devrait être moins large qu’annoncé par les sondages, au cours des deux semaines qui ont suivi le 1er tour.

Il ne manquerait plus que ça… un résultat « too close to call » – trop serré pour se prononcer -, quelques dizaines de milliers de voix séparant un candidat de l’autre, le doute de malversations, une succession de contestations. Bref, un « remake » en version française de la présidentielle américaine de 2000 et de la victoire étriquée de George W. Bush sur laquelle plane à jamais les suspicions les plus fortes.

Du calme, du calme… Quoi qu’il en soit, ce ne saurait être le scénario le plus probable. Mais, le simple fait de l’évoquer, ici ou ailleurs, est une illustration supplémentaire de cette sorte de frénésie qui envahit la France à l’heure du rendez-vous présidentiel. Elle en dit long sur l’âme – le vague à l’âme -de la France et des Français. Elle est aussi touchante que frustrante, rassurante que problématique, symptomatique.

Et on refait le match…

Si rien n’est joué, nous dit-on et dirons-nous, la perspective d’une élection de François Hollande ne saurait être exclue comme probable. Cette victoire est dans tous les esprits depuis plusieurs semaines, dans l’esprit de tous ceux qui l’espèrent, comme de tous ceux qui la redoutent. Mais, il est frappant de constater à quel point cette perspective réveille un autre souvenir, une autre victoire, une autre défaite : 1981 et son 10 mai. Faut-il y voir un effet collectif de la frappante, troublante, ressemblance entre François Hollande et le premier – et dernier – président socialiste, un François déjà, Mitterrand ? Pas seulement. Il semblerait que, confrontés à une crise sans précédent, dans un monde toujours plus vaste, toujours plus sibyllin qui leur échappe, certains Français – tant de Français – jugent rassurant d’imaginer que l’histoire se répète – pour le meilleur ou pour le pire.

Pourtant, 2012 n’est pas 1981. Le Mur de Berlin est tombé, l’empire soviétique avec lui et, pas plus d’ailleurs que ce ne fut le cas le 11 mai 1981, les chars de l’Armée rouge ne défileront pas sur les Champs-Elysées le 7 mai 2012. Idem, le « mur de l’argent » ne s’élèvera pas contre un nouveau pouvoir de gauche et – in fine – rares seront les prétendus privilégiés qui voteront avec leur pied et opteront pour l’exil. S’il y a une chose que l’histoire a apprise à la France au cours des trente dernières années, c’est que l’alternance est possible, qu’elle est aussi parfois souhaitable – comme une respiration indispensable pour une démocratie apaisée.

Cette obsession de l’Histoire a placé sur cette campagne électorale une atmosphère délétère. Elle s’appuie sur une méconnaissance de la réalité historique et une incompréhension des circonstances présentes. Si François Hollande n’a pas de couteaux entre les dents, s’il n’est ni Lénine, ni Staline, Nicolas Sarkozy n’est pas davantage Laval, Franco ou Mussolini. Incroyable, intolérable, la façon dont ont été galvaudées ces comparaisons historiques. Où est le respect pour tous ceux qui ont vécu et souffert sous le joug des uns comme des autres ? Dans notre époque du « toujours plus », de la « mise en scène permanente », il faudrait en plus s’imaginer revivre les luttes d’antan pour mettre un peu de piquant dans de tristes – et mécaniques – existences…

L’heure du « vrai-faux » choix

Depuis 8 heures ce matin et hier déjà dans les DOM-TOM et à l’étranger, les Français font leur choix. Il y a, à n’en pas douter, un choix à faire, entre des programmes, entre des méthodes, entre des équipes et deux personnalités. Ce choix, dans un sens comme dans l’autre, est respectable. Mais, avant de sur-jouer la scène de la guerre civile, celle d’une France coupée en deux, peut-être serait-il opportun de se souvenir que ce choix est un « vrai-faux » choix pour deux raisons au moins…

Tout d’abord, les deux finalistes de cette présidentielle, héritiers et représentants des deux seules familles politiques s’étant succédées à la tête du pays, sont sans doute d’accord sur l’essentiel. Ni l’un, ni l’autre ne prétend rompre avec les fondamentaux de la politique française, l’appartenance à la zone euro et à l’Union européenne, l’intégration à l’économie mondiale, l’influence sur la scène diplomatique. Parmi leurs adversaires du premier tour, plusieurs appelaient à la « rupture », à la révolution nationale, citoyenne ou prolétarienne. Marine Le Pen mais aussi Jean-Luc Mélenchon ont réalisé des scores considérables – et l’addition, politiquement incorrecte de leurs voix à celles d’autres « petits candidats » trotskystes ou souverainistes, ferait presque une « demi-France ». Mais, cette fois-ci encore, ceux-ci ont été battus et leurs révolutions attendront.

Ensuite, il est dommage qu’aucun candidat sérieux n’ait su, ou pu, franchement – et sans chercher nécessairement à en tirer un profit électoraliste immédiat – dire la réalité aux Français. La réalité – sans entrer dans le détail ici – est que la situation est grave, que la responsabilité est collective et que, surtout, les marges de manœuvre sont infimes et dépendent de nombreux facteurs qui dépassent largement le seul cadre national : la capacité de l’Europe à retrouver le chemin de la croissance, la bienveillance relative, ou la maitrise des marchés financiers, en priorité…

Un « village gaulois » dans le « village global »

A la lecture de la presse internationale au cours de ces derniers mois, on a trouvé souvent l’évocation des racines gauloises de la France, si ce n’est des Français. Oui, chez nos ancêtres les Gaulois, si l’on en croit, en tout cas, la bande-dessinée… on aimait la bagarre, indispensable préalable au banquet final. A l’occasion de cette campagne présidentielle de 2012, les Français ont tenu à s’offrir une belle bagarre. C’est gratuit. Mais, très vite, dès le lundi 7 mai lorsque, notamment, l’Agence France-Trésor ira emprunter 7 milliards d’euros sur les marchés obligataires, c’est la réalité qui viendra s’inviter au banquet final. A la mélodie surannée du « village gaulois » viendra se substituer celle moins douce du « village global ».

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