Les Lillois l’imaginaient déjà à Matignon. Ou du moins à la tête d’un « super ministère » regroupant l’Éducation, la Recherche, la Culture et la Jeunesse. Raté… Jean-Marc Ayrault nommé Premier ministre, Martine Aubry aurait, selon Le Monde, refusé d’entrer au gouvernement, quel que soit le portefeuille qui lui aurait été confié.
[image:1,l]« La Dame des 35 heures ». Le surnom lui colle encore à la peau. « Voilà quelqu’un qui a, à son actif, un certain nombre de bévues et un certain nombre d’erreurs manifestes : Demandez aux Français sur les 35 heures si cela leur a rapporté beaucoup » s’exclamait, en juin 2011, Jacques Myard, député UMP. La carrière de Martine Aubry ne saurait pourtant se résumer aux 35 heures. D’autant que l’idée de cette mesure phare du gouvernement Jospin, c’est, en réalité, à Dominique Strauss-Kahn qu’il faut l’imputer.
Sa carrière politique, la fille de Jacques Delors la commence très jeune. Née le 8 août 1950 à Paris, Martine Aubry, diplômée de Sciences-Po Paris, sort de l’ENA en 1975. Nommée administratrice civile au ministère du Travail et des Affaires sociales, elle est, en 1980, détachée au Conseil d’État.
En 1981, les choses sérieuses commencent. Jean Auroux, ministre du Travail, cherche un énarque de gauche pour l’assister. Il remarque Martine Aubry, seule, à l’époque, à « avoir le profil ». La jeune femme tait sa filiation à Jacques Delors, ministre de l’Économie et des Finances, et est embauchée. « Je n’ai su que plus tard, par l’un de mes collaborateurs, qui elle était », racontera Jean Auroux.
L’expérience du terrain
En 1989, Martine Aubry, qui souhaite s’ouvrir au monde de l’entreprise, répond à l’offre faite par Jacques Gandois d’occuper le poste de directrice adjointe de Péchiney. Elle participe à l’ouverture d’une usine à Dunkerque, en fait fermer une autre à Noguères. Une expérience qui lui vaut, en 1991, d’être nommé ministre du Travail par Edith Cresson.
Pendant la campagne présidentielle de 1995, Martine Aubry s’impose. Les militants scandent son nom, meeting après meeting. Et Lionel Jospin, qui comprend qu’elle est devenue incontournable, lui propose à son tour le ministère du Travail. Martine Aubry accepte. Mais prévient : elle ne revient pas à l’Hôtel du Châtelet « pour ranger les chômeurs par ordre de taille ».
[image:2,l]
Un refus de tout sacrifier à la politique
Douze ans plus tard, la maire de Lille, devenue première secrétaire du PS, se résout à faire ce à quoi son père avait renoncé en 1995 : briguer l’Élysée. Pas qu’elle le veuille vraiment. Mais puisqu’il le faut… « J’ai toujours pris mes responsabilités, les Français le savent et je les prendrai. Ils savent qu’ils peuvent me faire confiance », explique-t-elle au moment de se lancer dans la course aux primaires socialistes. Ce « manque d’envie », cette volonté farouche de ne pas tout sacrifier à la politique, ses adversaires, Ségolène Royal en tête, en ont fait sa principale faiblesse. C’est pourtant là son plus bel atout. Martine Aubry n’est pas un robot politique. Forte d’une véritable capacité d’abstraction, elle a su cultiver son jardin secret, préserver jalousement sa vie de famille… et rester connectée au monde réel.
Réussir à changer les choses
Rigolote… Stuart Seide, qui a repris le Théâtre du Nord à Lille dit d’elle qu’elle a un « incroyable sens du fun ». Une qualité parmi d’autres. Selon la journaliste Isabelle Giordano, qui lui a consacré un livre, Martine Aubry a, « dans sa manière de faire de la politique, une volonté de se situer au-dessus des petits débats, des petites phrases politiciennes ou des diktats médiatiques. Elle essaye d’être au-dessus de la mêlée. »
« Est-ce bon ou mauvais pour la France ? : Voilà son moteur ! Martine est une femme d’État » explique l’ancienne ministre socialiste Marylise Lebranchu. Martine l’exigeante a, de son propre aveux, « horreur de ne pas réussir à changer les choses ». Une détermination qui se traduit par des heures et des heures de ce que la « Merkel de gauche » qualifie de « travail d’enfer ». «Tu ne peux jamais la prendre en défaut sur le contenu. C’est rassurant », confiait, en octobre dernier, l’un de ses collaborateurs à Libération. Un tempérament et une ténacité qui n’auront pas suffit à rassurer François Hollande. Du moins pas au point de lui laisser les rênes du gouvernement. « François Hollande a fait un choix politique en ne me nommant pas à Matignon, je n’allais pas entrer dans je ne sais quelle négociation sur un ministère de je ne sais quoi» a expliqué, au Monde, Martine Aubry, rappelant qu’elle avait été «Numéro 2 du gouvernement Jospin» . Vous avez dit exigeante?