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Norbert Wagner: Paris et Berlin, contraints à s’entendre

[image:1,f] La confrontation entre François Hollande et Angela Merkel aura-t-elle lieu ? Le débat entre l’austérité et la relance par l’investissement débouchera-t-il sur un bras de fer entre les exécutifs des deux rives du Rhin ? Pas encore investi, le président élu entre de plein pied sur la scène européenne. Qu’en pense le docteur Norbert Wagner, directeur du bureau parisien de la Fondation Konrad Adenauer. Entretien.

JOL Press : Des grands travaux financés, comment ? Par des euro-obligations, des « Project bonds » ?

Dr Norbert Wagner : L’Allemagne est farouchement opposée à toutes formes d’euro-obligations, comme à toutes formes de mutualisation de la dette à l’échelle européenne. Ces grands travaux pourraient être financés à travers les moyens existants de la Banque européenne d’investissement ou encore par l’affectation de ressources disponibles à travers les Fonds structurels européens.

Les réformes structurelles finissent par porter leurs fruits

JOL Press : Il semblerait que les cures de rigueur imposées aux pays européens les plus endettés se traduisent plutôt par une récession. Une récession qui nuit d’ailleurs aux exportations de l’Allemagne vers la zone euro…

Dr Norbert Wagner : Les réformes structurelles évoquées peuvent, dans un premier temps, donner l’impression de détériorer des situations déjà dégradées mais c’est le temps qu’elles soient digérées et commencent à produire leurs véritables effets bénéfiques. Une fois mises en œuvre, elles produisent de la croissance et créent de l’emploi.

Ce que traverse l’Italie, l’Allemagne l’a connu il y a environ dix ans. Lorsque les réformes structurelles ont été engagées, le chômage a d’abord augmenté, la croissance s’est rétractée, et puis ensuite la tendance s’est inversée. De sorte que, même aux pires moments de la crise, en 2008 et 2009, nos performances de croissance sont restées honorables.

Partager les fruits de la croissance

JOL Press : Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, s’est déclaré en faveur d’augmentations de salaires en Allemagne. Comment expliquer ce revirement ?

Dr Norbert Wagner : Oui, vous auriez aussi pu mentionner la déclaration de la Bundesbank acceptant qu’il y ait davantage d’inflation dans le pays pour aider nos voisins européens…

Mon point de vue personnel est que l’État, le gouvernement n’ont pas à se mêler des négociations entre partenaires sociaux. Un ministre devrait à mon avis s’abstenir de dire s’il faut, ou non, augmenter les salaires. Pour autant, il est indéniable que, dans des secteurs ayant connu une forte période de croissance, comme la métallurgie au cours des dernières années, il existe des marges de manœuvre pouvant permettre d’augmenter les salaires. Parce que, justement, les réformes structurelles ont fait effet.

L’Allemagne et les Allemands tiennent plus que tout à la construction européenne

JOL Press : Comment réagit l’opinion publique allemande à la situation que traverse l’Europe ?

 Dr Norbert Wagner : L’opinion publique allemande est inquiète. Inquiète car elle craint que le contribuable allemand ne paie la facture des programmes de sauvetage engagés, en Grèce notamment.

C’est dans ce contexte qu’il faut replacer l’annonce par le ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle de la suspense des versements des tranches d’aides tant que la Grèce n’aura pas engagé toutes les réformes structurelles auxquelles son gouvernement s’était engagé.

JOL Press : Observe-t-on en Allemagne la montée d’un sentiment anti-européen ?

Dr Norbert Wagner : Non, on ne peut pas dire cela. La coopération européenne est inscrite dans les gênes de la République fédérale et, quelles que soient les circonstances, les Allemands ont pleinement conscience des intérêts qu’a l’Allemagne dans la construction européenne.

Ceci dit, cela n’empêche d’admettre lucidement que des erreurs ont été commises lors de la création de l’euro. Par exemple, on se rend compte maintenant qu’il ne fallait sans doute pas y intégrer aussi rapidement la Grèce. C’est indiscutable.

Angela Merkel en capitaine confiance

JOL Press : C’est le discours que tient Angela Merkel. Lui permet-il de maintenir sa position politique dans la perspective des prochaines élections fédérales – prévue à l’automne 2013 – malgré un contexte très difficile – on l’a vu en France – pour les gouvernants en place ?

Dr Norbert Wagner : Les sondages le montrent, Angela Merkel bénéficie du soutien de l’opinion publique, qui partage ses positions, sa fermeté, sa gestion de la crise de l’euro, de la crise grecque, son opposition aux euro-obligations et sa détermination à réduire la dette et à assainir les finances publics en Allemagne et dans le reste de la zone euro. Le sentiment majoritaire est qu’elle gère bien une situation très difficile.

Angela Merkel et François Hollande n’ont d’autre choix que de s’entendre

JOL Press : L’histoire des relations franco-allemandes a été marquée par des couples exécutifs soudés, et peut-être d’autant plus soudés qu’ils n’appartenaient pas au même bord politique. Est-ce que cela peut-être un atout pour Angela Merkel et François Hollande ?

Dr Norbert Wagner : Difficile sur une base aussi étroite d’en tirer des conséquences et d’établir une éventuelle théorie. Il est vrai qu’Helmut Schmidt et Valéry Giscard d’EstaingHelmut Kohl et François MitterrandGerhard Schroeder et Jacques Chirac n’étaient pas du même bord, mais Angela Merkel et Nicolas Sarkozy l’étaient comme, bien avant eux, Konrad Adenauer et Charles de Gaulle et l’on ne peut pas dire que cela ne fonctionnait pas.

Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui, au-delà des clivages partisans, les dirigeants en Allemagne comme en France savent qu’il est indispensable pour nos deux pays de travailler ensemble. Paris et Berlin sont contraints à s’entendre.   

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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Dr Norbert Wagner est le directeur du bureau parisien de la Fondation Konrad Adenauer. Liberté, justice et solidarité sont les principes fondamentaux qui guident le travail de la Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS). La KAS est une fondation politique proche de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (Christlich Demokratische Union Deutschlands, CDU). En tant que cofondateur de la CDU et premier chancelier fédéral allemand, Konrad Adenauer (1876-1967) a uni les traditions chrétiennes-sociales, conservatrices et libérales. Son nom est associé à la reconstruction démocratique de l’Allemagne, à l’ancrage du pays, en matière de politique étrangère, dans une communauté de valeurs transatlantique, ainsi qu’à la vision d’une entente européenne et à l’orientation vers l’économie sociale de marché. Veiller à la préservation de son héritage spirituel reste pour nous à la fois une mission et un engagement.

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