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Que reste-t-il du rêve américain?

[image:1,l]Rob et Marina sont jeunes, extrêmement bien instruits, et ont tous deux un emploi. Ils possèdent une coquette maison dans le centre de Philadelphie, et ont la joie de voir leurs deux adorables enfants exceller à l’école et développer de véritables dons pour la musique. La charmante petite famille vit le parfait rêve américain ! Pas une ombre au tableau, en apparence… Pourtant Rob et Marina,  sont ruinés. Sous peu, ils seront expulsés de leur jolie petite maison. Ils ne sont plus capables d’en payer les traites. Idem pour leurs prêts étudiants , ils n’en ont remboursé que la moitié. 

Il était une fois, Rob et Marina

Leur histoire commence il y a près de 20 ans, en RussieRob, Américain originaire de l’Ohio, vient alors tout juste d’arriver à Moscou pour y étudier la musique et la littérature russe. À l’université, il fait la connaissance de Marina, une jeune femme studieuse et travailleuse, diplômée en littérature anglaise. Ils tombent amoureux, se marient, et, finalement, décident de s’installer aux États-Unis. Des milliers de jeunes couples en ont fait de même. 

Rob et Marina ont de l’ambitionMarina se destine aux relations internationales. Elle s’inscrit en master à l’université de Tufts, dans la prestigieuse «  Fletcher School », puis elle accompagne Rob à l’Université de Duke, en Caroline du Nord. Tous deux en ressortent diplômés en droit. Rob intègre ensuite l’Université de New York, où il se spécialise en droit fiscal. « Un sacré pédigrée » résume Rob, sarcastique.

Leurs diplômes en poche, ils se dirigent vers la Philadelphie, où deux emplois les attendent. Marina occupe un poste faisant appel à ses compétences en droit international, Rob a su exploiter ses nombreux talents, dont sa maîtrise du russe : « J’aidais des oligarques ukrainiens à blanchir de l’argent en investissant dans l’immobilier. C’était vraiment drôle », explique-t-il. En plus d’être « drôle », le travail se révèle plutôt lucratif. Il permet au couple d’acquérir la maison de leurs rêves pour 800 000 dollars… Un rêve qui vire doucement au cauchemar.

Un destin qui bascule

En 2008, le marché s’effondre. Les Ukrainiens ne désirent plus investir dans l’immobilier et Rob finit par perdre son emploi. Au même moment, Marina fait les frais d’un licenciement économique. « En une nuit, nous sommes passés de 300 K par an à 0 », se souvient Rob. « Cela a été plutôt drastique ». Pour couronner le tout, le prix de l’immobilier dégringole. En l’espace de quelques années, leur maison a perdu plus d’un tiers de sa valeur initiale. Elle est aujourd’hui estimée à 500 000 dollars. « Nous vivons au jour le jour », affirme Marina. Rob travaille en intérim pour plusieurs cabinets d’avocats. Sa compagne aimerait pouvoir en faire de même. Mais avant d’accepter un contrat, elle doit s’assurer que ce qu’elle gagnera couvrira au moins les frais de garderie des enfants.

« L’américan dream », un vrai thème de campagne

En cette période d’élection présidentielle, le rêve américain est un thème central de la campagne. Chacun des candidats –il est aujourd’hui presque certain que le président Barack Obama affrontera l’ancien gouverneur du Massachusetts, Mitt Romney, – va devoir réhabiliter l’ « american dream ».

Mitt Romney ne s’est jamais excusé d’être riche. Sa fortune, insiste-t-il, il la doit à son dur labeur. Dans son discours du 24 avril, « une meilleure Amérique commence ce soir », le candidat à l’investiture républicaine a insisté sur ce qui sera, semble-t-il, un thème majeur de sa campagne. « J’aime ce pays, où des gens comme mon père, qui ont grandi dans une famille pauvre et n’ont pas le moindre diplôme universitaire, peuvent réaliser leurs rêves et en arriver à diriger une grande entreprise automobile. Il n’y a qu’en Amérique qu’un homme comme mon père peut devenir gouverneur de l’État, dans lequel il a commencé par vendre de la peinture depuis le coffre de sa voiture ». 

Barack Obama, le 18 avril dernier, dans l’Ohio, a joué la même carte. « Je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Michelle non plus » a-t-il rappelé. « Mais on nous a laissé notre chance ». Sa politique, a-t-il expliqué, donnerait une chance à des millions d’Américains, aujourd’hui sans emplois, et désespérés de ne jamais connaître un meilleur futur. 

La lassitude des citoyens

Ce que ni Mitt Romney ni Barack Obama ne semblent réaliser, c’est que les citoyens américains sont las des promesses. Tout ce qu’ils veulent, c’est une bouée de sauvetage, une  planche de salut à laquelle se raccrocher. Au cours de sa campagne, le Républicain Rick Santorum n’a eu de cesse de souligner que pour connaître la prospérité, il suffisait de « travailler dur, terminer le lycée, et se marier avant d’avoir des enfants ». Ceci garantirait « un revenu supérieur à la moyenne nationale ». Si c’était vrai, Rob et Marina seraient les rois du monde. Au lieu de cela, ils ont été victimes de politiques et de pratiques qu’ils n’auraient pu éviter.

Le rêve américain serait-il canadien ?

Après le fiasco de Wall Street, les banquiers qui ont causé le crash se sont emparés de parachutes dorés et ont disparu au soleil. Entre-temps, les huissiers saisissaient les maisons et biens des gens comme Rob et Marina. À moins d’un miracle, les deux jeunes gens risquent de devoir quitter le pays. Rob possède un passeport canadien, cadeau d’une mère née à Montréal. L’« american dream » pourrait bientôt laisser place à une douce rêverie canadienne. « La sécurité sociale, l’école gratuite, les cours de français de Marina pris en charge… » dit Rob, tout en contemplant son élégant petit jardin. « Tout cela m’irait plutôt bien ! »

Global Post/ Adaptation Anaïs Leleux pour Jol Press

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