Site icon La Revue Internationale

Thilo Sarrazin: « L’Europe n’a pas besoin de l’Euro»

dr_oparazzi_photos.jpgdr_oparazzi_photos.jpg

[image:1,l]Depuis mercredi 23 mai, les marchés financiers ont montré une grande fébrilité. Les Bourses européennes ont clôturé en baisse et l’euro a atteint son niveau le plus faible depuis l’été 2010. Un sommet informel a été organisé mercredi soir à Bruxelles au cours duquel les dirigeants européens se sont penchés sur la question urgente de la Grèce – et de son éventuelle sortie de la monnaie unique  de l’Espagne et sur les moyens de relancer l’économie. Mais en Allemagne, certains se demandent si toutes ces questions valent encore la peine, en particulier Thilo Sarrazin du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD).

La polémique « Thilo Sarrazin »

Cet ancien membre de la Banque centrale allemande a déclenché une virulente polémique avec la sortie de son livre « L’Europe n’a pas besoin de l’Euro »Dans son ouvrage, il affirme que son pays est l’otage de la zone euro et surtout la victime d’un « chantage à l’Holocauste ». « Cette politique fait de l’Allemagne l’otage de tous ceux qui, au sein de la zone euro, pourraient avoir, un jour ou l’autre et pour quelque raison que ce soit, besoin d’aide », déclare-t-il. Il soutient que l’euro a été pour l’Allemagne la source d’importants risques financiersL’auteur explique également que le commerce allemand avec les pays extérieurs à la zone euro est plus rentable qu’avec les États membres, et que la création d’une union monétaire sans union politique est vouée à l’échec. 

Mais un passage de l’ouvrage a particulièrement suscité de vives critiques. L’auteur affirme que les partisans allemands des obligations européennes sont « poussés par ce réflexe très allemand selon lequel nous ne pourrions finalement expier l’Holocauste et la Deuxième Guerre mondiale qu’une fois transférés en des mains européennes l’ensemble de nos intérêts et de notre argent ».

Des propos vivement critiqués

Les hommes politiques allemands, tous bords confondus, ont vivement condamné ce lien entre l‘Holocauste et la crise de l’euro. Le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, pense qu’en développant « cette absurdité absolue »Thilo Sarrazin a agi « soit parce qu’il en est convaincu, soit par calcul méprisable ».

Figure de l’opposition, Peer Steinbrück, social-démocrate a participé à un débat avec Thilo Sarrazin dimanche 20 mai, lors duquel il a déclaré que ses propos sur l’Holocauste constituaient une « amnésie historique » et a qualifié son objection à l’union monétaire de « bêtise ». L’ancien ministre des Finances a déclaré que l’introduction de l’euro en Allemagne avait été bénéfique.

L’euro, bénéfique pour l’Allemagne

De nombreux économistes estiment que l’Allemagne a énormément gagné en appartenant à la zone euro. Si elle avait gardé son ancienne monnaie, le deutsche mark, la valeur de la monnaie aurait probablement augmentée, ce qui aurait à son tour porté atteinte à sa compétitivité.

Thilo Sarrazin, un membre embarrassant pour le SPD

Thilo Sarrazin, membre du SPD, devient très gênant pour le parti. Carsten Schneider du SPD a d’ailleurs qualifié le politicien de « nationaliste et réactionnaire ».

Le Parti Vert s’est également exprimé : « Il est pathétique qu’il se serve de l’Holocauste pour assurer la plus grande attention possible à ses thèses sur les euro-obligations », a déclaré l’écologiste Jürgen Trittin, qui estime que dépenser de l’argent pour protéger l’euro a été un « investissement rentable pour l’Allemagne »Thilo Sarrazin savait pertinemment qu’en faisant référence à l’Holocauste, il s’assurerait une publicité pour la parution de son livre. 

Un tollé prévisible mais nuancé

Alors que le livre de Thilo Sarrazin a provoqué un tollé, certains commentateurs ont cependant suggéré une approche plus nuancée du livre « L’Europe n’a pas besoin de l’Euro ». Tout en condamnant ses nombreux commentaires nationalistes, ils trouvent une part de vérité dans l’ouvrage contrairement à ses précédents livres.

En tant qu’expert financier et ancien membre du directoire de la BundesbankThilo Sarrazin est considéré comme expert en la matière: « l’expertise économique de Sarrazin est indiscutable », a commenté la radio Deutchlandfunk, « les questions qu’il pose sont évidentes. Et ce qu’il dit n’est pas banal ».

Même Die Tageszeitungun quotidien allemand orienté à gauche, appelle à la nuance. « Dans son livre, Thilo Sarrazin livre son expérience du monde de la finance pour éclaircir des questions auxquelles personne ne trouve de réponse actuellement ». Mais selon le quotidien, les arguments de Thilo Sarrazin sont également emprunts de « ressentiments, de préjugés et d’une dose considérable de nationalisme ». Le quotidien met en exergue des passages du livre dans lesquels l’auteur donne une vision très controversée de la source des problèmes économiques des pays européens. Non sans rappeler la polémique autour de ses thèses sur l’islam et la place des étrangers en Allemagne dans son précédent ouvrage « L’Allemagne court à sa perte », qui le contraint à démissionner de la Banque centrale allemande.

Un écho préoccupant

Les idées exprimées dans le livre ont été bien reçues par certaines personnes, qui pensent que Thilo Sarrazin a brisé un tabou dans la société allemande

« L’Allemagne court à sa perte » publié en 2010 est devenu un best-seller, livre politique le plus vendu de la décennie en Allemagne, avec 1,3 millions de ventes. Un phénomène que les représentants d’associations soulignent comme étant l’expression d’un racisme sous-jacent dans la société allemande

L’euroscepticisme populiste, véhiculé par ce nouvel ouvrage, pourrait trouver un écho favorable au sein de l’opinion publique. Le parti d’extrême-droite allemandNDP, a réservé un accueil très favorable aux thèses de Thilo Sarrazin sur l’Holocauste. Pourtant, il est peu probable qu’un soutien populaire des idées défendues dans le livre se matérialise directement en votes pour le NPD ou autres groupes islamophobes et eurosceptiques, tels que Pro NRW ou le Parti de la Liberté, calqué sur le parti néerlandais d’extrême-droite de Geert Wilders.

Global Post/ Adaptation Louise Michel D. / JOL Press

Quitter la version mobile