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2 députés Front National: qu’est-ce que ça change?

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[image:1,l]14 ans. Cela fait 14 ans que le Front National n’a pas eu de représentants à l’Assemblée nationale. Un bail qui marque d’autant plus l’importance de l’événement que constituent les élections de Gilbert Collard et de Marion Maréchal-Le Pen, petite fille de Jean-Marie Le Pen, au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, sur leur propre nom et seuls contre tous. Après un net recul à partir de 2007, le parti d’extrême droite est, de nouveau, sur une pente ascendante. Le score exceptionnellement haut de Marine Le Pen, le 22 avril dernier, au premier tour de l’élection présidentielle, le laissait présager, la bonne tenue de nombreux candidats FN et leurs capacités de nuisance semblent indiquer qu’une nouvelle étape a été franchie.

Si cette « victoire » s’inscrit dans un contexte de crise, favorable à la montée des extrêmes à travers toute l’Europe, elle doit aussi beaucoup à la stratégie « bleu-marine » de dédiabolisation du Front National, mise en oeuvre par Marine Le Pen.

Un « énorme succès » pour Marine Le Pen

Le Front National ne sera représenté que par deux députés à l’assemblée nationale et sa présidente, Marine Le Pen, se voit privée de son siège de député. C’est peu et c’est beaucoup. D’ailleurs, passé la déception de sa propre défaite étriquée – de 118 voix environ -, l’architecte du mouvement « bleu-marine », Marine Le Pen, elle-même, a qualifié les résultats de ces législatives 2012 d’« un énorme succès ».

De fait, si les résultats à l’issue du second tour des élections législatives ne semblent pas favorables au parti d’extrême droite, ils signent sa réapparition sur le devant de la scène politique, et plus encore son implantation, sans précédents historiques, dans certains bastions. Localement, le Front National apparaît encore plus fort qu’il ne pouvait l’être jusqu’au début des années 2000 dans ses fiefs méridionaux de la région PACA. Du jamais vu… il parvient désormais à franchir allégrement la barre des 50%.  Ainsi, si Marine Le Pen voit lui échapper le siège de député du Pas-de-Calais, elle réalise plus de 55% à Hénin-Beaumont, la ville-centre de sa circonscription. Cela promet bien des surprises lors des prochaines élections municipales, prévues en 2014. Comme l’élection à la mairie de Steeve Briois, le lieutenant mariniste dans cette ville, devenue symbôle.

Un pouvoir de nuisance plus qu’un pouvoir d’action

L’arrivée de Gilbert Collard et Marion Maréchal Le Pen marque le retour du Front National à l’Assemblée nationale. Avec seulement deux députés – et éventuellement le soutien d’un ancien élu FN, Jacques Bompard, maire d’Orange, élu sous l’étiquette « Ligue du Sud » -, le parti ne bénéficiera que d’une faible visibilité. Il ne pourra pas constituer de groupe et son pouvoir d’action sera donc restreint. Restreint, mais bien réel. L’ancien avocat, Gilbert Collard, l’a affirmé : « j’aurais une mission de casse-couille démocratique ». Autrement dit, si le Front National ne peut avoir d’action directe sur le fonctionnement de l’institution il pourra influer et tenter d’orienter les débats.

Les lois du scrutin majoritaire ne sont pas favorables au Front National

Par ailleurs, Marion Maréchal Le Pen, désormais plus jeune députée de la Ve république à seulement 22 ans, est dotée d’un fort potentiel médiatique. Les médias étrangers sont fascinés par l’émergence d’une troisième génération de Le Pen et le parti pourrait trouvé dans l’Assemblée nationale une caisse de résonnance. Si la vague bleu-marine n’a pas eu d’ampleur comparable à celle de son succès lors de l’élection présidentielle, ce n’est qu’en raison des lois du scrutin majoritaire. Le Front National ayant recueilli 13,77 % des suffrages au second tour des élections législatives, il pourrait avoir 79 députés, si, par exemple, le scrutin était à la proportionnelle intégrale. Et l’Assemblée nationale n’aurait sans doute pas de majorité stable…

Un bouleversement de la perception du FN

Nuançons. Les résultats des scrutins sont favorables au FN, au sens où ils suggèrent une croissance de son électorat, mais la place du Front National dans la vie politique française à l’issu de ceux-ci ne s’en retrouve pas bouleversée. Nous sommes loin de 1986 où le parti avait pu obtenir 35 députés dans l’hémicycle et constituer un groupe parlementaire – grâce à la proportionnelle mitterrandienne. Et la situation actuelle pourrait davantage rappeler 1997, élections anticipées lors desquelles l’extrême droite française n’avait obtenu qu’un seul député, Jean-Marie Le Chevalier, alors maire de Toulon. En réalité, le contexte et les perspectives sont bien différentes.

A regarder le résultat en détail des circonscriptions où un candidat FN participait au second tour, on constate l’ampleur de l’implantation de ces derniers – et, surtout, phénomène nouveu, leurs capacités à augmenter leurs scores entre le premier et le second tour, signe qu’ils bénéficient désormais, dans des proportions non négligeables de report de voix. Le signe que certains électeurs UMP n’hésitent plus à voter FN face à un candidat de gauche. De la même manière, il est probable aussi que certains électeurs mécontents passent de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, d’un tour à l’autre.

La Nouvelle Extrême-Droite, même recette, nouvelle façade

Son renouveau, le Front National le doit à Marine Le Pen et au rassemblement bleu-marine dont elle est la figure de proue. Depuis le 16 janvier 2011 et son élection à la tête du parti, elle a su moderniser le FN et le dédiaboliser aux yeux d’une partie de l’électorat. Une stratégie qui a déjà fait ces preuves à l’étranger appliquée aux partis de la Nouvelle Extrême-droite (NED) à laquelle appartient aujourd’hui le FN. Le parti rejoint les mouvements d’extrême droite européens ayant obtenu une représentation parlementaire : le SVP en Suisse, le FPÖ en Autriche, le PVV aux Pays Bas… La recette reste la même : refus de l’ordre établi, refus des thèses libérales, xénophobie, islamophobie, mais la façade est rénovée et se veut politiquement correcte. Plus encore que de l’extrême-droite de la seconde moitié du XXème siècle aux relents fascistes ou plutôt néo-fascistes, ces partis inventent un nouveau positionnement, un populisme qui surfe sur la crise économique, financière, morale et politique que traverse le Vieux continent.

2017, une plus grande place pour le Front National

Si le résultat de ces législatives ne donne pas au Front National le pouvoir et la liberté d’action qu’aurait pu lui conférer son score du premier tour de l’élection présidentielle, il confirme néanmoins la renaissance du mouvement en France après une érosion apparente de son socle électorale en 2007 (10,44 % des suffrages lors du 1er tour de l’élection présidentielle) et d’importantes difficultés financières en 2008. Le changement de leadership, couplé à un contexte qui lui semble favorable, a permis de donner une nouvelle impulsion à l’extrême droite française. Les élections de cette année pourraient suggérer, au moins, une place plus importante du FN dans la vie politique française en 2017. D’autant plus si la situation économique se dégrade d’ici là.

L’enjeu est de taille pour les partis de gouvernement : que la majorité de gauche échoue et l’alternance sera inévitable. Mais, quelle alternance ? Ces élections législatives ont montré une fracture au sein des militants UMP, mais aussi – à mots couverts – ses dirigeants. Alors, que feront-ils du Front National, quelle attitude adopteront-ils pour contrer une progression qui n’est jamais apparue aussi probable. A la différence de son père, Jean-Marie Le Pen, qui, probablement, au fond de lui-même, ne souhaitait pas accéder au pouvoir, Marine Le Pen en affiche clairement l’objectif. Le pouvoir, elle le veut.

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