Site icon La Revue Internationale

Ben Drew, étendard de la révolte londonienne?

brianbarnard6.jpgbrianbarnard6.jpg

[image:1,l]

En 1977, Sid Vicious et ses Sex Pistols avaient perturbé la célébration du Jubilé d’argent, les 25 ans de règne d’Elizabeth II, en dénonçant son « régime fasciste » depuis un bateau sur la Tamise. Où étaient les héritiers des punks en colère lors du jubilé de diamant de la reine, 35 ans plus tard ?
Le Royaume-Uni s’enfonce dans une récession inquiétante. Le chômage est élevé, et les vents de l’austérité soufflent à travers les quartiers des centres-villes.

Anarchy in the UK, again ?

Ne devrions-nous pas être ces jeunes qui militent au son des guitares ? La mort de Sid Vicious n’a t-elle permis de laisser le monopole des meilleures ventes à des chansons tièdes et molles ? C’était avant l’entrée en scène de Ben Drew, alias Plan B.
« Ill Manors », le dernier single de Plan B est une attaque virulente sur les négligences gouvernementales qui auraient contribué à déclencher les importantes émeutes d’août dernier aux quatre coins de Londres.[image:2,l]

Saluées par la critique comme « la première grande chanson de protestation depuis des années  », les paroles expriment une colère à l’encontre d’une société qui laisserait de côté les milieux urbains pauvres. Et tout cela est soutenu par un clip vidéo pour le moins explosif.

Ben Drew, une vision différente de Londres

Sûr de ses idées, éloquent et visiblement talentueux, Ben Drew est désormais désigné comme un des porte-paroles de sa génération. Tant les journaux que les hommes politiques de gauche se réjouissent des moqueries que le rappeur scande envers le premier ministre conservateur David Cameron.

Ce jeune homme de 28 ans en a également tiré un film éponyme (« Ill Manors ») sorti ce mois ci au Royaume_Uni. Le long-métrage décrit la vie des classes les plus défavorisées dans un Londres, rongé par la drogue, la prostitution l’immigration illégale et le meurtre. Un film qui a d’ailleurs été plutôt bien reçu par les commentateurs « sociaux » britanniques. Moins par les critiques de cinéma plus sérieux.[image:3,l]

Ben Drew ne porte pas de sweat à capuche et de veste en cuir pour rien, explique t-il. Alors que ses détracteurs disent qu’il est déjà vendu à un système qu’il prétend défier.

Néanmoins, le Royaume-Uni semble réellement avoir besoin d’un artiste qui dérange, et qui envoit ses chansons, remplies de colère, en réaction à l’austérité ambiante. Rien que pour cela, il mérite qu’on l’écoute.

Un parcours atypique

Issu d’une famille décomposée, Ben Drew a connu une enfance ponctuée par la violence tant à la maison qu’à l’école. A 15 ans, après avoir jeté une chaise sur un enseignant, il est envoyé à Tunmarsh, un centre pour les élèves exclus, situé dans une banlieue sordide de l’est de Londres.
Encouragé par le personnel de Tunmarsch, il commence à développer ses talents créatifs, d’abord à travers l’art, puis ensuite la musique. Il réfléchit à un moyen de marquer une génération qu’il considère en danger. A cause d’une société qui s’en moque, mais aussi car les jeunes n’ont plus le sens de la responsabilité de leurs actions.

« Dans l’école où j’étais, il y avait beaucoup d’autres jeunes qui avaient des familles plus dysfonctionnelles que la mienne » explique Ben Drew au public, lors d’une conférence du TED (Technology, Entertainment, Design), qui consiste à regrouper plusieurs personnes connues pour échanger sur des sujets très variés.
« La seule chose qu’on partageait, c’était le manque de respect vis-à-vis des autorités, professeurs ou policier. »

Au lieu de ça, lui et ses amis fauteurs de troubles étaient fascinés par les artistes de rap, dont les paroles ressemblaient « à de la poésie ». « C’était comme lire un livre. Une phrase peut changer ta vie. J’ai compris que cela était un outil puissant et j’ai voulu changer les choses : ce que je lisais dans les journaux, mais aussi les choses que je vivais et avec lesquelles je n’étais pas d’accord .»

Véritable rebelle ou simple chanteur ?

Après deux albums très bien accueillis, un contrat chez la Warner et plusieurs rôles dans des productions cinématographiques, Ben Drew se concentre désormais sur le sort des personnes défavorisées. C’est ce qu’il fait à travers les paroles emphatiques de « Ill Manors », mais aussi lorsqu’il accuse les médias d’être coupables de détourner le sens de certains mots, pour stygmatiser des gens qui vivent de l’aide sociale. C’est le cas du terme « Chav », un nom péjoratif purement britannique réservé aux jeunes de la classe ouvrière.[image:4,l]

« Les journaux ridiculisent ouvertement les pauvres et les moins fortunés » ajoute t-il. « Si vous rabaissez les enfants défavorisés, même dans les termes que vous employez, vous finissez par les plonger dans l’apathie. Au final, ils se disent juste « Ok cool, je m’en moque. Je ne veux pas faire partie de cette société de toute façon ». Et c’est là qu’une révolte nait »

Avec ce point de vue cohérent, il n’est pas étonnant que Ben Drew soit devenu la coqueluche des intellectuels de gauche. Tout le monde n’est pas convaincu pour autant.
« Si Ben Drew a été si bien accueilli par tant de commentateurs de gauche, c‘est parceq u’il est parfaitement conforme aux préjugés que l’on se fait des jeune de banlieue, sans pour autant remettre en cause leurs théories poreuses » dénonce le compositeur Josh Hall. « Il s’est enrichi en s’en tenant strictement aux restrictions du système dans lequel il se trouve. Une tactique qui lui a tout de même permis d’être financé par une des sociétés musicales les plus importantes du monde. »

Le plus accablant se situe peut-être dans les louanges inattendues que le film de Drew a recueilli à droite. En particulier lorsqu’il pousse à transgresser les lois pour assumer la responsabilité de ses propres actions.[image:5,l]

« Le film s’achève en ne nous laissant aucun doute sur la meilleure façon de traiter les personnes vivant en banlieue : En les rendant responsable de leur crimes. Comment ? Avec une police plus présente, et des peines de prison plus longues » écrit Toby Young, un chroniqueur politique pour le tabloïd The Sun. « Sans s’en rendre compte, Ben Drew a fait de son film une émission politique de deux heures à la gloire du Parti Conservateur »

Sid Vicious doit se retourner dans sa tombe.

GlobalPost – Adaptation Henri Lahera pour JOL Press

 

Quitter la version mobile