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Diplomatie médicale: Cuba a tout compris

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La diplomatie médicale de Cuba

L’Afrique est un marché prolifique pour la marque cubaine la plus connue après le rhum Havana Club et les cigares Cohiba. Cette marque se dénomme Cuba Rx, autrement dite la « diplomatie médicale » de La Havane (« doctor diplomacy »).

Il y a une génération de cela, Fidel Castro avait envoyé des soldats cubains pour intervenir dans les guerres civiles en Afrique et vaincre les groupes soutenus par les États-Unis dans le cadre de la guerre froide. Désormais, les médecins de Cuba se répandent sur le continent africain, pendant que l’île accroît son rôle dans l’administration de services médicaux aux pays les plus touchés par la maladie.

Une stratégie bénéficiaire

Pour Cuba, l’engagement a un triple avantage : bonne philanthropie, bonne diplomatie et, souvent, bonnes affaires. Les missionnaires cubains font partie d’une stratégie plus globale de rapprochement avec les autres États qui a valu au gouvernement de Cuba des milliards de dollars en devises, alors que le pays était en mal de liquidités.

Après le Venezuela, l’Afrique

Le plus grand débouché pour les médecins cubains travaillant à l’étranger reste encore le Venezuela, le plus proche allié de Cuba, où les médecins exportés ont contribué à la popularité du gouvernement de Hugo Chavez en ouvrant des cliniques dans les espaces ruraux et particulièrement pauvres, où la rareté des services de santé pèse énormément.

En retour, le gouvernement vénézuélien envoie à Cuba des milliards en monnaie liquide, ainsi que des ressources nécessaires de pétrole. Mais les jours de Chavez sont comptés. Le président n’est pas assuré d’être réélu en octobre, et son état de santé reste incertain : leprésident vénézuélien se bat contre un grave cancer abdominal.

Si un changement de leader s’effectuait au Venezuela, et que cela nuisait aux bonnes relations avec Cuba, des milliers de médecins cubains pourraient se voir expulsés du pays. Beaucoup iraient certainement en Afrique, où l’expansion rapide des économies et l’augmentation des prix des produits courants ont laissé certains gouvernements avec une abondance de liquidités, mais un vrai manque en professionnels de la santé.

A Cuba et en Afrique, tout le monde semble y gagner

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Quelques 5 500 cubains travaillent déjà dans 35 des 54 pays d’Afrique, a dit le représentant du Ministère des Affaires Etrangères cubain, Marcos Rodriguez, à une conférence de presse à La Havane, la semaine dernière.

«Sur les 5 500, 3 000 sont des professionnels de la santé, et 2 000 des médecins, » a-t-il dit. « Nous avons des liens de sang avec l’Afrique, » a continué le député ministériel, qui n’a pas manqué de rappeler que quelques 1,3 millions d’esclaves africains avaient été amenés à Cuba pendant la période coloniale de l’île et que 2 289 cubains sont morts dans la guerre d’Angola entre 1975 et 1990, où 300 000 cubains servaient.

« Cuba pense sincèrement avoir une dette historique envers l’Afrique qu’elle se doit de racheter, » a-t-il affirmé.

Là encore, le remboursement de la-dite dette cubaine n’est pas simplement une affaire à sens unique…

Troc de médecins contre ressources pétrolières et liquidités

Pendant que Cuba envoie des médecins dans les pays les plus pauvres d’Afrique et distribue des bourses à ses meilleurs étudiants en médecine, l’île ouvre des négociations avec les pays les plus riches du continent – surtout ceux abondants en pétrole et pauvres en professionnels de santé.

Ces pays, comme l’Algérie et l’Angola, payent des sommes considérables pour remplir leurs hôpitaux de médecins cubains, la majorité de l’argent allant directement dans les poches du gouvernement cubain.

Des arrangements secrets qui servent les intérêts des dirigeants cubains

Par exemple, le gouvernement angolais paye environ 5 000 dollars mensuels pour chaque médecin envoyé par l’île, selon une source connaissant l’arrangement. Le médecin cubain ne reçoit quant à lui que 500 dollars sur l’ensemble du revenu, les 90% restants contribuant à l’enrichissement de Cuba.

Cela semble dérisoire, mais le montant est toujours environ dix fois plus élevé que ce que reçoit un médecin cubain travaillant chez lui. Le gouvernement de Castro récompense aussi les médecins qui accomplissent les « croisades » médicales d’une série d’autres bénéfices – comme la capacité d’acheter une voiture usée de l’État.

Un enrichissement sur fond d’assistance médicale et transfert de savoir 

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Les détails spécifiques de chaque arrangement entre Cuba et les autres pays utilisant ses médecins et autres professionnels ne sont pas rendus publics. Mais les programmes ont l’air de fonctionner autour de trois lignes principales : fournir l’assistance médicale aux pays pauvres qui ne peuvent pas la financer, facturer les pays qui le peuvent, et former des professionnels médicaux dans les universités de Cuba.

La politique de Cuba suivant ce principe lui a fait gagner de nombreux amis partout dans le monde, à tel point que des étudiants de plus de 100 pays ont été formés avec les programmes médicaux de l’île. Selon un rapport du Toronto Star de cette semaine, près de 20 000 étudiants étrangers sont en train de suivre une formation médicale à Cuba au moment présent – dont 116 boursiers américains.

Aide ou obstacle au développement du continent africain ?

Autre mesure habile : tous les étudiants étrangers étudient gratuitement à Cuba. Lorsque des représentants du Ghana ont annoncé récemment avoir abouti à un accord avec le gouvernement de Castro qui consiste à former 250 médecins en six ans, l’arrangement a été critiqué par certains hommes politiques ghanéens qui ont répliqué qu’il vaudrait mieux dépenser de l’argent pour investir dans l’éducation médicale au Ghana-même.

Un certain nombre de médecins africains qui sont formés à l’étranger choisissent alors de travailler dans des pays étrangers, où les salaires sont supérieurs, alors que la formation de Cuba les force à rentrer servir leurs communautés d’origine.

Une tradition qui remonte aux temps de la guerre froide

Après la révolution cubaine de 1959, l’Afrique était l’un des premiers endroits au monde à accepter les missionnaires de santé cubains, lorsqu’un groupe de médecins débarqua en Algérie juste après la guerre d’Indépendance contre la France. Le personnel médical cubain a suivi aussi les soldats cubains envoyés au combat auprès d’alliés révolutionnaires en Angola et Namibie, entre autres.

La guerre idéologique entre les États-Unis et Cuba se ressent encore sur le sol africain. Un programme créé par l’administration de Bush en 2006 permet aux médecins cubains envoyés à l’étranger d’obtenir un visa spécial, s’ils ne souhaitent pas revenir dans leur pays une fois la mission terminée.

Environ 800 médecins ont sollicité ce visa, pour l’instant, suscitant de sévères critiques de la part du gouvernement de Castro qui dit que le programme de visa des États-Unis empêche les pays pauvres d’obtenir des soins dont ils ont radicalement besoin.  

Global Post / Adaptation Annabelle Laferrère – JOL Press

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