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Entre désir démocratique et mesures de façade

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[image:1,l]Convaincre la communauté internationale et les investisseurs étrangers qu’une véritable transition démocratique avait eu lieu, a pris du temps, mais le régime Birman est arrivé à ses fins. Les journaux économiques font déjà l’éloge du nouveau « tigre de l’économie asiatique » et les gouvernements ont abandonné toute sanction. Seulement, ce n’est pas le monde des affaires que le régime devrait tenter de convaincre, mais son propre peuple, car la population le sait : la mutation du pays n’est qu’un changement de façade.

Une mutation localisée

Les réformes que le gouvernement a menées se sont concentrées sur les villes et régions centrales du pays : celles sur lesquelles les puissances et compagnies étrangères se basent pour juger de la situation globale du pays. Or une grande part de la population ne bénéficie pas encore de l’évolution démocratique qu’aurait menée le régime. Cette partie de la population, ces minorités qui représentent près d’un tiers des birmans, sont toujours ignorés lors des visites des diplomates et journalistes.

L’État de Kachin est un excellent exemple de cette situation. Une guerre y fait rage depuis des années, l’armée birmane y abuse de la population quotidiennement et aucun observateur ou journaliste ne met un pied dans cette partie du pays. Récemment un rapport local a fait état du viol d’une femme de 48 ans et de la torture de son voisin de 59 ans par l’armée, des faits récurrents. En septembre dernier, j’ai pu prendre conscience de cette situation. J’ai interviewé des civils Kachin. Forcés de travailler dans les mines, menacés quotidiennement, ils sont réduit en esclavage par les militaires. Mais ce n’est pas là l’unique région touchée par ces abus. Le travail forcé, les exécutions, la persécution religieuse et les pillages sont encore aujourd’hui monnaie courante dans les États de Karen, Shan et Chin qui sont pourtant sous cessez-le-feu.

Le business avant les droits de l’Homme

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les organisations politiques, représentant ces ethnies, appellent au maintien des sanctions à l’encontre du gouvernement birman. Appels qui sont bien entendu ignorés par la communauté internationale, formulant ainsi sa tacite approbation aux abus de l’armée. Suspendre les sanctions et promouvoir le développement du commerce international n’aura aucun effet positif sur le respect des droits de l’Homme dans le pays. De fait, les compagnies s’implantant dans le pays l’ont montrées par le passé : elles n’hésitent pas à faire affaire avec les militaires voire vont jusqu’à profiter de la situation d’impunité totale pour pratiquer l’esclavage, les expropriations forcées ou même le vol de terres.

Des expropriations sauvages à la chaîne

Le Kachin Development Networking Group a récemment mis en lumière les effets de ce développement forcé et révélé le nom de sept entreprises prenant part à des violations des droits de l’Homme. Ce rapport a révélé des abus du même ordre aux quatre coins du pays : dans les États d’Arkan et de Chin dans un projet de route, dans l’Est-Birmanie avec la mise en place de barrage hydroéléctrique, dans la périphérie de Rangoun avec le développement urbain, dans la construction de pipelines ou encore la construction d’un port dans la région de Tenasserim… Les exemples ne manquent pas. Lorsque j’ai discuté avec des habitants de la région de Tenasserim, ils m’ont affirmé avoir été forcé de céder leurs propriétés pour permettre la construction du port, mais qu’ils n’ont pas été autorisés à conserver une copie des documents ni de contester le prix ridiculement bas auquel ils ont dû céder leurs terres, pour ceux qui ont reçu une quelconque compensation.

La complicité du bloc occidental

Ce n’est pas un développement responsable et étant donné l’histoire de la Birmanie, les compagnies étrangères auront bien du mal à trouver des partenaires commerciaux respectueux des droits de l’Homme. Aujourd’hui, la suspension des sanctions à l’encontre du gouvernement birman ne pourra avoir qu’une conséquence : l’augmentation du nombre d’abus. Si des mesures ne sont pas rapidement prises pour lutter contre ces pratiques, les pays occidentaux deviendront complices de ses violations des droits de l’Homme.

Le support de la communauté internationale est indispensable

Pour rétablir la confiance de ses citoyens et réellement changer la situation du pays dans son ensemble, le gouvernement birman doit mettre fin à ces 50 ans d’impunité total que connaît encore aujourd’hui le pays. Une reconnaissance des abus passés et réparer ce qui peut l’être est une nécessité pour aller de l’avant. De même que la mise en place d’institutions indépendantes qui pourront maintenir l’ordre et la justice en Birmanie.

Seulement, les Birmans ne pourront pas le faire eux-mêmes. Les sanctions qui étaient menées à l’encontre du gouvernement, étaient appliquées pour une bonne raison : exercer une pression extérieure pour permettre un arrêt total des violations des droits de l’Homme perpétrées dans le pays. C’est pourquoi les suspendre est une décision prématurée. La communauté internationale doit continuer à jouer son rôle dans la transition démocratique du pays. 

Global Post / Adaptation Stéphane Harreaudeau – JOL Press

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