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Faut-il abolir la prostitution?

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La position abolitionniste

Najat Vallaud-Belkacem veut mettre fin à la prostitution, une déclaration qui se place dans la continuité de la politique française sur le sujet. La « position abolitionniste » de la France avait été réaffirmée par l’Assemblée nationale en décembre 2011, et la nouvelle ministre des Droits des femmes entend « tirer toutes les conséquences » de la résolution qui avait été votée à ce moment-là.

Une législation bancale en France

Pourtant, en France, seuls le proxénétisme et la traite des êtres humains sont interdits. La prostitution est autorisée, même si, depuis 2003, une loi punit le racolage actif comme passif. En d’autres termes, le démarchage des prostituées ne doit plus être visible, mais elles peuvent continuer à pratiquer leur activité à l’abri des regards. François Hollande avait regretté qu’une une telle mesure ait été votée. Une mesure qui, selon lui, ne conduit qu’à « repousser la prostitution dans des zones peu accessibles pour les associations ».

La pénalisation des clients

L’idée principale de cette démarche « abolitionniste » serait la pénalisation des clients. Najat Vallaud-Belkacem rappelle, en effet, que les prostituées sont quant à elles « d’abord des victimes de violences de la part des réseaux, de proxénètes ». Ce projet voit le jour en partie car les lois existantes ne sont pas suffisantes. Par exemple, du fait d’une mondialisation de l’activité, près de 80% des prostituées sont étrangères et n’osent dénoncer leurs proxénètes de peur d’être expulsées.

Contre cette décision

Les lois en vigueur n’ont pas mis fin à la prostitution, ce qui est pourtant l’objectif du gouvernement français, malgré de nombreuses voix qui s’élèvent contre cette décision. Les indépendantes du Bois de Boulogne défendent «le droit à disposer de leur corps». Le Syndicat des travailleurs du sexe (Strass) estime, quant à lui, que pénaliser les clients ne ferait que précariser davantage les prostituées. D’autres s’inquiètent d’une recrudescence des crimes sexuels. Quelle est la situation dans les pays où la prostitution est entièrement légale et dans celle où elle est interdite ?

La situation en Suède

En Suède, les clients sont pénalisables depuis 1999. Pourtant, les crimes sexuels n’ont pas connu de hausse depuis cette date. De plus, tous s’accordent à dire que la prostitution de rue a fortement diminué. Solution idéale ? Peut-être pas. La prostitution aurait envahi le net, faute de pouvoir fleurir dans les rues. Les salons de massage et les appartements seraient également devenus des moyens de contourner la législation, en rendant la prostitution invisible.

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Une réduction du trafic d’êtres humains

Un échec total ? Pas tout à fait. La Suède est aujourd’hui l’un des marchés les moins porteurs en ce qui concerne le trafic d’êtres humains. Une victoire qui pourrait sous-entendre qu’en Suède la prostitution restante est majoritairement volontaire… Certains pays ont pourtant fait le choix d’une décision diamétralement opposée : légaliser la prostitution.

En Allemagne, tout est permis

En Allemagne, la prostitution est parfaitement licite. Proxénétisme, racolage, maisons closes, tout est permis. Pourquoi ? Pour mieux protéger les prostituées. Pour qu’elles bénéficient ainsi de meilleures conditions de travail, d’une assurance maladie, d’une cotisation retraite, et qu’elles sortent ainsi de la clandestinité.

Des femmes qui refusent la protection sociale

Mais est-ce un vrai succès ? Alors que la loi ProstG visait surtout à améliorer les conditions sociales des prostituées, le ministère fédéral de la famille et des femmes affirme que « les femmes préfèrent rester des journalières », en partie car « beaucoup de femmes considèrent leur passage dans le secteur du sexe comme une activité transitoire ». Presque toutes renoncent même à l’assurance retraite, et certaines avaient une assurance-maladie avant le passage de la loi.

Lutter contre le crime

La baisse du taux de criminalité était également l’un des objectifs phares de l’Allemagne. Pourtant, face à cette légalisation, comment lutter contre le trafic humain et l’exploitation sexuelle ?

Une situation difficile à vivre en Suisse

En Suisse, où la prostitution est également autorisée, à condition qu’elle soit exercée volontairement et sans contrainte, d’autres problèmes se posent. A Zurich, où des périmètres et des horaires ont été accordés à l’exercice des pratiques des prostituées, les riverains se plaignent de leur présence : embouteillages tous les soirs, préservatifs et ordures sur le trottoir chaque matin…

La création de « parkings à prostituées »

La situation est devenue tellement invivable qu’une vraie polémique a été créée dans la capitale économique suisse, à tel point qu’un référendum a été soumis aux citoyens : pour ou contre la création de « parkings » à prostituées à l’entrée de la ville. Le « OUI » l’a emporté à 52,6%. Des box seront donc installés d’ici 2013 pour éviter les nuisances dans les zones habitées.

Une vraie solution ?

Est-ce une solution à laquelle pourraient aspirer les citoyens français ? Andrea Gisler, présidente de l’association féministe Zürcher Frauenzentrale, s’exprime sur les conséquences de tels « parkings à prostituées », déjà présents en Allemagne, à Bonn, Cologne et Dortmund : « Le problème n’est pas réglé, mais juste déplacé ». En effet, à Dortmund, ces parkings ont été démantelés car ils attiraient la criminalité.

Le chantier français

Quelle est alors la solution ? Aucune n’apparaît  idéale, pourtant la France semble avoir choisi la sienne : faire disparaître la prostitution, même si Najat Vallaud-Belkacem reconnaît que ce projet « sera un chantier de long terme ».

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