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G20 et Rio+20 : où va la gouvernance mondiale ?

[image:1,l]Il y a des moments où la colère est la seule réponse constructive aux événements marquants de l’actualité. Ce moment, nous y sommes. Observons tous ces maux qui nous tombent dessus, et les raisons pour lesquelles nous n’arrivons pas à les surmonter.

Une accumulation de circonstances économiques, politiques et environnementales

L’Europe est face à un effondrement économique, la crise de l’euro s’aggravant, menaçant le reste des économies, de plus en plus fragiles, du monde.

Pendant ce temps, les leaders chinois ont du mal à gérer leur transition politique, les Etats-Unis sont plongés dans une de ces campagnes présidentielles amères et bipartisanes qui font leur spécialité, alors que le gouvernement de l’Inde n’a pas encore pris la mesure de sa nouvelle importance sur la scène mondiale. Et enfin, il y a la possibilité d’une guerre entre Israël et l’Iran, ainsi que les agitations politiques en Syrie, Egypte et Libye, et un peu partout dans le Moyen-Orient.

Ah, et j’allais presque oublier – omission devenue banale – que la planète se réchauffe, avec toutes les mauvaises conséquences humaines, environnementales et économiques que cela entraîne. Et toute tentative pour y faire quelque chose a été coupée court par les intérêts spécifiques et la politique nationale des Etats.

Zéro : la note attribuée aux dirigeants du G20/Rio+20

Alors que leaders du G20 se sont réunis à Los Cabos, au Mexique cette semaine, afin de parler de l’Europe et de l’économie mondiale, et se sont ensuite déplacés à Rio pour attaquer le changement climatique, il est difficile de rester optimiste. Nos confrères de Foreign Policy partagent le même sentiment.

L’article intelligemment écrit de David Rothkopf sur les échecs du multilatéralisme vient avec le sous-titre : « G-Zéro, pourquoi les leaders du monde sont-ils aussi nuls ? » 

C’est une question grinçante, mais légitime. Voilà comment l’auteur résume la situation :

« Notre problème, ce n’est pas que les plus grands pouvoirs sont incapables de prendre des mesures pour résoudre les problèmes actuels. C’est que, lorsque la promesse d’une nouvelle ère, post-Guerre froide, post-hégémonie, de collaboration entre les nations, était à son comble, la plupart des dirigeants ne voulaient pas assumer la responsabilité d’un vrai leadership global – de motiver, cajoler, inspirer, intimider, confronter ou bloquer certaines actions par d’autres pouvoirs. Ce n’est pas tant que nous sommes dans un monde G-0 mais plus que la plupart de nos leaders sont nuls. »

Le déprimant communiqué officiel du G20

L’analyse de Rothkopf résonne avec une particulière acuité pour les questions économiques.

Pour preuve, jetons un coup d’œil au communiqué officiel du G20 de Los Cabos, sur ce que ces leaders ont l’intention de faire à propos de l’Europe – là où les résultats de l’élection en Grèce n’ont rien résolu – ainsi que leurs dernières trouvailles pour régler les problèmes du reste de l’économie mondiale.

Prenez cela comme du bénévolat bureaucratique, voici mes commentaires concernant quelques-unes des promesses du G20.

« Depuis notre dernière réunion, la reconstruction économique mondiale a continué à faire face à de nombreux obstacles. Les marchés financiers sont encore très tendus. Les déficits de balances extérieure, fiscale et financière sont toujours présents, avec un impact majeur sur les perspectives de croissance et d’emploi, et sur la confiance. Clairement, l’économie globale reste vulnérable, avec un impact négatif sur la vie de tous les jours des gens partout dans le monde, affectant les emplois, le commerce, le développement et l’environnement. »

La responsabilité de l’Occident

On l’aura compris, la situation va mal. Et, ironie du sort, c’est de notre faute. Notre incapacité à réguler les institutions financières, ou à forger la coopération en Europe a largement été la cause de ces crises et les a aggravées. Je m’excuse donc au nom des pays occidentaux.

« Nous travaillerons collectivement pour renforcer la demande et restaurer la confiance avec un plan pour soutenir la croissance et permettre la stabilité financière, afin de créer des emplois de haute qualité et des opportunités pour tous. Nous nous sommes mis d’accord aujourd’hui, à Los Cabos, afin de coordonner un Plan d’Action pour la Croissance et l’Emploi, en vue d’atteindre ces objectifs. »

Le retour aux sources germaniques

« Les membres de la zone euro du G20 vont prendre toutes les mesures nécessaires afin de conserver l’intégrité et la stabilité de cette zone, améliorer le fonctionnement des marchés financiers et briser le cercle vicieux entre les souverains et les banques. Nous avons hâte de voir le partenariat de la zone euro travailler avec le gouvernement grec afin d’assurer qu’il reste sur la voie de la réforme et du développement durable dans la zone euro. »

En d’autres termes, nous allons obéir à Angela Merkel.

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L’environnement, le sujet essentiel que tout le monde évite

Le sommet du G20 de Los Cabos enfin terminé, ces leaders – du moins certains – se sont dirigés vers un Rio de Janeiro pluvieux pour parler du changement climatique et de ce qu’on peut y faire.

Les activistes environnementaux, et plein d’autres, sont déjà en train de déplorer les agitations diplomatiques inutiles de la réunion internationale :  

« Ce sommet pourrait être fini avant même d’avoir commencé. Les dirigeants mondiaux qui arrivent ce soir doivent démarrer de zéro. Rio+20 devrait être un point tournant, » dit le porte-parole d’Oxfam, Stephen Hale, cité par Reuters. « Il n’y aucun signe de cela. Un milliard de gens affamés mériteraient que l’on s’occupe mieux d’eux. »

Le symptôme : des dirigeants et institutions faibles

En effet, ce milliard de gens mériterait mieux. Ainsi que les six autres milliards qui habitent la planète terre. Donc, quel est le problème ? Des dirigeants faibles, essayant de diriger des institutions faibles. Là encore, Rothkopf du magazine FP, le pointe du doigt :

« Le climat général d’impuissance des institutions multilatérales qui nous rabâchent que nous devons sérieusement gérer notre climat ou réguler nos marchés financiers ou prendre au sérieux les menaces de prolifération d’armes de destruction massive, se fait de plus en plus ressentir. La crise de l’Europe l’a nourri. Les espoirs perdus du Printemps Arabe l’ont nourri. L’hypocrisie américaine qui s’accroche à un système inapproprié de sélection des nouveaux dirigeants du FMI ou de la Banque Mondiale l’a nourri. Et l’inefficacité des négociations en cours avec les Iraniens sur le nucléaire l’a nourri. »

La création et l’évolution des institutions d’après-guerre

Mais voici le problème : lorsqu’il est question de gérer les problèmes de la Terre, les institutions ont été les seuls terrains de jeux, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International avaient pour but d’aider à reconstruire et renforcer les économies dans le monde.

Les Nations Unies devaient rassembler les pays dans un Forum qui éviterait qu’une guerre ou d’autres conflits ne se propagent.

L’Union Européenne, et les nombreuses institutions qui ont émergé autour d’elle, devait souder les économies de l’Allemagne et de la France, entre autres, avec les anciens ennemis de l’Europe de l’Ouest, dans une tentative de diffuser la paix par le partage de la prospérité.

Le G20 – ainsi que Rio+20 et les autres mécanismes multilatéraux de lutte contre le changement climatique – est l’évolution naturelle de ces institutions globales.

Et, pendant un certain temps, ces institutions globales ont plus ou moins fonctionné, surtout car elles étaient configurées pour exister au-delà des gens qui les dirigeaient.

Comme la Maison Blanche, le Congrès, et la Cour Suprême des Etats-Unis, ces institutions étaient structurées afin de durer longtemps, et idéalement, en tant que mécanismes permanents de gouvernance mondiale.  

La nécessité de les ré-envisager afin de maximiser leur efficacité

Dans un monde de plus en plus globalisé, nous avons besoin que ces institutions fonctionnent.

Nous avons besoin de règles du jeu claires, et de trouver une manière de rendre la coopération et le compromis possibles.

Mais l’énormité des tâches à entreprendre – des problèmes économiques actuels partout dans le monde, aux divisions politiques réelles en Europe, au séisme politique et changements culturels dans le Moyen-Orient, à la santé, l’infrastructure et les autres challenges auxquels l’Afrique et les nombreux pays en développement font face, sans parler de la dégradation environnementale de grande échelle qui plane, menaçante, au-dessus de tout – a rendu ces institutions globales et leurs dirigeants inertes.

Donc, non, ce n’est pas une bonne nouvelle. Que faire à partir de cela ? Toutes les idées sont les bienvenues, mais, par pitié, ne les mettez pas dans un communiqué.

Global Post / Adaptation Annabelle Laferrère – JOL Press

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