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La bataille du perchoir: une femme à la présidence?

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[image:1,l]La place est bonne. Un siège en hauteur face à l’Hémicycle, une résidence – l’Hôtel de Lassay – parmi les plus prestigieuses et confortables de la République et, surtout, toute une administration pour appuyer l’autorité morale et politique du quatrième personnage de l’Etat. Autant de raisons pour lesquelles la présidence de l’Assemblée nationale suscite bien des convoitises.

La présidence de l’Assemblée nationale, c’est un peu comme le ministère de la parole – que son titulaire se place en recours ou y voit un tremplin. Et la liste de ceux qui l’ont exercé, ne serait-ce que depuis les débuts de la Vème République, est des plus éminentes : Jacques Chaban-Delmas – 16 ans en trois fois -, Achille de Peretti, Edgar Faure, Louis Mermaz, Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, Philippe Séguin, Raymond Forni, Jean-Louis Debré, Bernard Accoyer… que des hommes, jamais une femme.

La solution Royal sombre entre La Rochelle et l’île de Ré

Depuis des mois, Ségolène Royal ne s’en cachait pas, elle comptait devenir « la première femme de l’histoire, présidente de l’Assemblée nationale ». Cette ambition aurait même fait l’objet d’un « deal » politique avec son ex-compagnon, François Hollande. Ne pouvant rêver de Matignon, plutôt que de rejoindre le semi-anonymat du gouvernement, l’ex-candidate socialiste à la Présidence de la République, mère des quatre enfants du nouveau locataire de l’Elysée, prendrait de la hauteur, s’installerait au Perchoir et pourrait contribuer à la réussite du quinquennat Hollande, tout en conservant une certaine liberté et une distance que le passé commun du couple impose.

Les électeurs de Charente-Maritime, le dissident socialiste, Olivier Falorni, et la « Première dame » Valérie Trierweiler en ont décidé autrement. Laminée, humiliée par une défaite 37% contre 63%, Ségolène Royal est tombée de son piédestal avant même de s’y installer. La première femme Présidente… de l’Assemblée nationale, ce ne sera pas elle. En tout cas, pas maintenant.

Il ne fait pas bon, en France, afficher trop d’ambition. Un autre « ego » surdimensionné s’imaginait avoir, au regard de son immense carrière ministérielle, le profil idéal pour le Perchoir. Mal lui en a pris. Jack Lang a, lui aussi, manqué son atterrissage dans les Vosges. Adieu, veaux, vaches, Hôtel de Lassay !

Un éléphant au perchoir : les ambitieux ne manquent pas

Depuis plusieurs semaines, un nom revient avec insistance : c’est celui de Jean Glavany. A 63 ans, l’ancien chef de cabinet de François Mitterrand et ancien ministre de l’agriculture de Lionel Jospin, parlementaire depuis 1993, aurait été tenté de fédérer autour de sa candidature un front anti-Royal. Ce combat face à celle qu’il n’a jamais pu supporter – depuis 30 ans qu’ils se côtoient -, il aurait tout à fait pu le remporter. Désormais, il n’aura plus à le mener – et il peut compter sur un solide réseau de parlementaires mitterrando-jospinistes, très « première gauche ».   

Face à lui, un autre postulant s’est déclaré, dans la matinée du lundi 18 juin. Il s’agit de Claude Bartolone. « Je suis candidat à la présidence de l’Assemblée nationale […] Je veux être un président de rassemblement, animé d’un esprit républicain » déclare Bartolone, qui ajoute qu’il ne tient pas à diriger « une chambre godillot, mais plutôt une assemblée pivot déterminée à reconquérir son rôle et utile à la réussite du gouvernement, » a déclaré le président du Conseil général de Seine-Saint-Denis. A 60 ans, il est incontestablement une figure écoutée du Parti socialiste.

Un duel cocasse, le très proche de Lionel Jospin face à l’ancien fidèle lieutenant de Laurent Fabius : un petit air de « déjà vu » très fin du XXème siècle.

Dernière minute, un autre très proche de Lionel Jospin, son ancien ministre de l’Intérieur, maire du 18ème arrondissement de Paris, Daniel Vaillant, entre en lice. Son expérience parlementaire et son autorité est indéniable. Le groupe jugera.

L’hypothèse Marylise Lebranchu refait surface

Après la nomination d’un  gouvernement paritaire, et si une Assemblée nationale féminisée – 26% de députées contre 17% en 2007 – confiait sa présidence à une femme ? Ségolène Royal n’est pas la seule femme socialiste susceptible d’occuper le Perchoir. Depuis plusieurs mois, Marylise Lebranchu, ancienne Garde des Sceaux de Lionel Jospin, députée du Finistère et très proche intime de Martine Aubry, s’était mise sur les rangs. Sa nomination au ministère de la Fonction publique avait été perçue comme un moyen de laisser la voie libre à Ségolène Royal – même si les compétences de Marylise Lebranchu font d’elle un premier choix dans les fonctions stratégiques qu’elle occupe désormais. Pourtant, mercredi 20 juin, l’hypothèse refait surface. Il faut dire que la députée bretonne est très populaire au sein du groupe parlementaire socialiste. On dit d’elle qu’elle est compétente – on le sait – mais, en plus, hautement sympathique. Marylise Lebranchu dément : « Ma position n’a pas changé, je préfère le gouvernement au Perchoir. » Elle est en tout cas amenée à se poser la question et hésite sans doute.

Il n’y a pas qu’une femme socialiste « perchoirisable »…

Une autre très proche de Martine Aubry, une autre ancienne collaboratrice de François Mitterrand, une autre ancienne Garde des Sceaux et ministre des Affaires sociales de Lionel Jospin, également députée de Seine-Saint-Denis, s’est désormais déclarée « disponible » : Elisabeth Guigou. Populaire et respectée, dans l’opinion publique comme au sein du Parti socialiste et de son groupe parlementaire, elle a tout à fait le profil du poste. Un peu comme Simone Veil de gauche, européenne convaincue, elle n’a jamais fait preuve d’une ambition dévorante. Elle a des convictions et elle se bat pour les défendre, tout en refusant d’employer les armes de certains de ses confrères et…  consœurs.

Trop populaire ? Trop proche de Martine Aubry ? Le Président de la république  et le Premier ministre pourraient ne pas voir d’un très bon œil son accession au Perchoir. Et puis l’on peut se demander pourquoi ils n’en ont pas fait une ministre ? S’il préférerait une personnalité nouvelle – un peu comme s’était fait le choix de Jean-Pierre Bel pour la Présidence du Sénat en septembre 2011 -, un autre nom circule, celui de Laurence Dumont. A 53 ans, elle est député depuis 1997. Si elle n’a jamais été ministre, elle est vice-présidente de l’Assemblée nationale depuis octobre 2011 et a donc, de fait, déjà occupé le Perchoir. Son choix serait un choix de renouvellement, symbole que pourrait privilégier la Hollandie.

L’élection est prévue le 26 juin et ne devrait nécessiter qu’un seul tour. D’ici là, chaque groupe politique se réunira pour désigner son champion… ou sa championne.

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