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L’Afrique du Sud lance sa «révolution entrepreneuriale»

[image:1,l] Comparé aux autres émissions de télé-réalité, le programme sud-africain Big Break Legacy poursuit un noble but. Dans cette émission, une douzaine d’entrepreneurs sont mis en compétition pour remporter un prix de 5 millions de rands (500 000 euros). D’après ses créateurs, le jeu télévisé, en enseignant aux téléspectateurs à développer leur propre entreprise, contribue à stimuler la croissance sud-africaine.

40% de chômage

Si l’émission rencontre un tel succès, c’est essentiellement parce qu’elle aborde l’un des plus grands problèmes sud-africain actuels : la crise de l’emploi. Dans ce pays, où le chômage touche 40% de la population, les citoyens, désespérés, attendent de pied ferme la concrétisation des promesses électorales. Le gouvernement du président Jacob Zuma  avait en effet annoncé la création de 5 millions de nouveaux emplois d’ici 2020. Un défi de taille pour un président sous pression et enjeux pour une Afrique du Sud en souffrance.  

Soutenir le secteur privé

[image:2,l] Au cours d’une allocution publique, Jacob Zuma a insisté, cette année, sur la création d’emplois au sein des entreprises étatiques, sans évoquer la nécessité de relancer l’activité des petites entreprises. Une « omission » qui a conduit certains chefs d’entreprises sud-africains à se demander si le président souhaitait réellement soutenir le secteur privé.

Les entrepreneurs sont « absolument vitaux » pour l’économie sud-africaine, étant donné le déclin des emplois dans les entreprises bien établies, affirme Mike Herrington, directeur du Centre pour l’Innovation et l’entreprenariat de l’Université du Cap.

Fournir un environnement favorable aux entreprises

Presque la moitié des emplois en Afrique du Sud se situe dans des petites entreprises. « De nombreux Sud-africains pensent que le gouvernement est là pour leur trouver du travail » explique Mike Herrington« C’est faux ! Le gouvernement est là pour fournir un environnement favorable à la croissance des petites et moyennes entreprises. »

Le rêve de devenir riche

En plus de mettre l’accent sur la croissance économique, Big Break Legacy touche une autre corde sensible de l’Afrique du Sud : le rêve de devenir riche. Une motivation inébranlable dans un pays où jusqu’à très récemment la richesse était liée à la « race » et où les businessmen et politiciens de haut vol affichent leur réussite avec ostentation : voitures de sport, montres clinquantes, etc. Des signes de richesses qui attisent la colère de nombreux Sud-africains conscients de la collusion existante dans les hautes sphères. Les « tendrepreneurs », les individus ayant des relations privilégiées avec les politiciens et remportant ainsi facilement les appels d’offres (tender, en anglais), sont les symboles de cette injustice sociale qui frustre et agace la population. Ce phénomène porte atteinte à la signification même de l’entrepreneuriat, puisqu’il implique de se servir de ses relations pour obtenir un contrat gouvernemental, construire une route, ou même créer un business juteux.

Le paradoxe Sud-africain

Alors que l’Afrique du Sud est la plus grande économie du continent, avec un PIB de 300 milliards d’euros, le développement entrepreneurial est au plus bas niveau, plus faible encore que dans tous les autres pays émergeants. « Notre culture entrepreneuriale a été détruite par l’apartheid », explique Dumisani Mpafa, fondateur de SMEE Business Solutions et membre du conseil d’administration du forum du management noir. « En tant que Noir, vous n’étiez pas encouragés à faire des affaires ».

Instaurer à nouveau la culture de l’entrepreneuriat

La culture de l’entrepreneuriat doit être réinstaurée. Cela implique que les enfants soient mieux instruits et qu’il y ait une meilleure coopération entre le gouvernement et le monde des affaires. Il faut que l’Afrique du Sud se concentre sur l’innovation et les technologies, développe le high tech, pour pouvoir marcher dans les pas des « tigres d’Asie », qui, à l’instar de la Corée du Sud, ont réalisé un incroyable bond économique, dans les années 60, passant de pays en voie de développement à puissance économique.

Même depuis la fin de l’apartheidl’Afrique du Sud a échoué à encourager les « petits business », affirme Mike Herrington, de l’université du Cap. Cela prend, par exemple, 19 jours en moyenne pour enregistrer une nouvelle entreprise, contre 6 jours seulement sur l’île Maurice, modèle de réussite économique en Afrique.

Il est également extrêmement difficile pour les start-up d’obtenir un financement. Les banques rechignent à prendre des risques en prêtant de l’argent à des entrepreneurs inexpérimentés.

Un autre point sensible concerne les lacunes en termes d’instruction et d’enseignements publics de bonne qualité. L’Afrique du Sud est le 133e pays sur 142 pour la qualité de son système éducatif.

Le rôle des Sud-africains dans l’économie

Près de 2 décennies après la fin de l’apartheid, les Sud-africains Noirs continuent à occuper un rôle mineur dans l’économie. Frustrés par le manque de changements, plusieurs chefs d’entreprise Noirs se sont constitués en association, le Black Business Council, fondé en 2010, dont l’objectif principal est de favoriser la participation des Noirs dans l’économie. Cette association est présidée par Patrice Motsepe, l’un des Sud-africains noirs les plus fortunés. Le groupe préconise la création d’un fonds de capital « Noir » qui permettrait aux entrepreneurs de se former et de financer leurs projets. L’Afrique du Sud a besoin d’une « révolution entrepreneuriale à toutes les échelles » estime Martin Feinstein, chef d’entreprise et ancien directeur de « Proudly South African », un groupe qui promeut les produits sud-africains. « Et par révolution j’entends une vraie révolution. Pas du bricolage avec les institutions qui proposeraient un pâle support aux petites entreprises. Nous avons besoin d’une stratégie de développement compréhensive ».

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Global Post / Adaptation Anaïs Leleux – JOL Press

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