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Le mariage gay est seulement autorisé à Disneyland

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Une décision hésitante

A certains égards, la décision du Disneyland de Tokyo autorisant un couple gay à tenir sa « cérémonie de mariage » au sein du parc d’attractions fait figure de progrès dans un pays qui ignore largement la question des droits des homosexuels.

Pour certains militants en revanche, le fait de laisser la tenue de cette cérémonie purement symbolique entre Koyuki Higashi et sa partenaire Hiroko Masuhara à Mickey Mouse montre bien que le Japon a encore un très long chemin à parcourir avant d’accorder les mêmes droits à la communauté LGBT qu’aux hétérosexuels.

Si le parc d’attraction a déclaré tolérer cette union homosexuelle ainsi que toutes celles à venir, il a transmis, par le biais de sa filiale, Oriental Land Company, une réponse assez floue à la demande de Madame Higashi. La cérémonie pouvait certes avoir lieu, mais uniquement si le couple acceptait de se vêtir comme « un homme et une femme ». Les responsables de Disneyland s’inquiétaient en effet que des visiteurs puissent se sentir « offensés » par la vision de deux robes de mariées ou de deux smokings.

Après une tempête de protestations sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, la direction a fait machine arrière sur cet étrange code vestimentaire. Ce dernier ne résultait, d’ailleurs, que d’un malentendu avec l’un des employés du parc d’attraction , si l’on en croit la direction. En revanche, le couple n’a pas été autorisé à prononcer ses vœux dans la chapelle , tenue au respect des « enseignements chrétiens ».

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Ces restrictions symbolisent parfaitement la condition fragile de la communauté LGBT et de ses droits au Japon, selon les milieux militants. L’homosexualité n’est pas illégale, mais les mariages entre individus du même sexe ne sont pas légalement reconnus.

Une société encore largement conservatrice

Pour Taiga Ishikawa, l’un des rares politiques ouvertement homosexuels du pays, « il doit y avoir plus de pressions pour autoriser le mariage homosexuel au Japon. […] Je pense qu’il existe beaucoup de personnes qui se trouvent dans une relation de long-terme, et qui n’attendent que la possibilité d’être reconnues par une union civile. » Premier homosexuel élu au Japon, à l’Assemblée métropolitaine de Tokyo, l’homme de 37 ans espère faire voter une ordonnance mettant en place une forme de reconnaissance conjugale, qui augmenterait sensiblement le nombre de droits et de services administratifs dédiés aux couples du même sexe. Mais, de son propre aveu, il « en est loin ».

Si Disneyland fait en quelque sorte figure de tenant du « progrès », l’une des plus célèbres personnalités du Japon est récemment montée au créneau, illustrant au passage que la question de l’homosexualité demeurait un sujet sensible dans l’Empire du Soleil levant.

Réagissant au soutien récemment exprimé par Barack Obama au mariage homosexuel, le cinéaste et acteur Takeshi Kitano , fervent défenseur des traditions, n’a pas mâché ses mots : « Obama soutient le mariage homosexuel ? J’imagine que bientôt, on nous dira du bien des mariages entre hommes et animaux. » Avant de s’interroger sur la capacité des couples homosexuels à élever des enfants.

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Si le comédien s’est depuis rétracté, invoquant une maladresse et déniant formellement avoir comparé homosexualité et zoophilie, il n’est pas le premier personnage public à avoir tenu des propos aux accents homophobes. Fin 2010, Shintaro Ishihara, gouverneur de Tokyo connu pour son franc-parler, avait déclaré que les homosexuels étaient « déficients » après avoir assisté à une parade à San Francisco. « On a même des homosexuels qui apparaissent à la télévision, comme si tout allait bien. Le Japon est devenu beaucoup trop sauvage. » a-t-il ajouté ensuite.

Yuji Kitamaru, un journaliste spécialisé sur les questions LGBT, se dit « particulièrement déçu » des propos de Takeshi Kitano, et ce d’autant plus que celui-ci avait par le passé pris parti « en faveur des minorités, y compris des transsexuels. » Il ajoute : « J’ai trouvé que c’était une grande trahison, non seulement envers nous et le public, mais aussi envers lui-même. Au Japon, les célébrités peuvent facilement s’adonner à des propos fantaisistes. Le peuple ne fait pas la différence entre la parole publique et privée. »

Les réseaux sociaux comme vecteurs d’avancées?

Pour le journaliste cependant, les réseaux sociaux détiennent un rôle-clé dans la potentielle ouverture du Japon aux préoccupations des homosexuels : il cite ainsi le rôle déterminant de Twitter dans le cas de Disneyland.

Depuis, Koyuki Higashi et sa partenaire ont visité Disneyland, afin d’annoncer eux-mêmes la bonne nouvelle à Mickey. Aucune date n’a cependant été fixée et, pour certains, la demande du couple ne visait qu’à tester les engagements du parc d’attractions en matière d’égalité.

De son côté, Taiga Ishikawa a salué la décision de l’entreprise, qui est intervenue paraît-il après l’approbation du QG du groupe aux Etats-Unis. « Il y a 10 ans, j’écrivais que j’attendais avec impatience le jour où les couples gays et lesbiennes pourraient se tenir la main en déambulant à Disneyland, je suis donc très heureux. » Mais il nuance son enthousiasme : « Nous n’en sommes pas encore au point où un homme ou une femme peut sereinement annoncer, en particulier à ses collègues, qu’il ou elle a un partenaire du même sexe. »

Global Post / Adaptation de Charles El Meliani pour JOL Press

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