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L’élection des députés de l’étranger : un fiasco ?

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La participation aux élections législatives est une nouveauté pour les Français résidant à l’étranger. Jusqu’à présent les expatriés n’étaient représentés que par douzes sénateurs élus, comme leurs collègues, pour 6 années au suffrage universel indirect. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008 votée par l’UMP, certains radicaux de gauche et le député socialiste Jack Lang, ceux qui ont choisi de quitter temporairement ou définitivement la France ne votent plus seulement pour l’élection présidentielle et celle des conseillers de l’Assemblée des Français de l’Etranger, ils élisent aussi leurs députés. D’un cercle polaire à l’autre, de l’Italie à Israël, du Royaume-Uni à la Scandinavie : onze gigantesques circonscriptions internationales sont nées de cette réforme.

Une victoire pour la gauche

Donner une voix à ces Français, qui seraient trop exclus de la vie civique de leur pays. Noble idéal, mais qui ne semble pas exactement l’objectif réel de la réforme. Certaines estiment qu’avec cette mesure l’UMP espérait se créer des circonscriptions sur mesures. L’adage, et surtout l’experience, voulant que les expatriés votent traditionnellement à droite, certains pensaient garantir à l’UMP un petit nombre de députés supplémentaires qui pourraient, éventuellement, lui assurer une majorité. Une théorie qui, à la lumière des résultats du premier tour, ne semble pas s’être vérifiée. La droite n’est arrivée en tête que dans quatre des onze circonscriptions de l’étranger et n’est en position de remporter le scrutin que dans trois d’entre elles (6e, 10e et 11e). Contre toute attente, la gauche semble dominer l’élection.

Un taux de participation rparticulièrement faible

Le taux de participation de l’ordre de 20 % au premier tour de l’élection législative suffit-il pour parler de fiasco ? Les onze députés issus du scrutin ne beneficieront pas d’une grande légitimité. Certes, mais ce chiffre est dans la lignée de l’élection des 155 conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger (renouvelés par moitié tous les trois ans). En 2010, lors des élections partielles de l’AFE pour les circonscriptions de Washington et Mexico, on a constaté que les taux de participation étaient particulièrement faibles – respectivement de 9,79 % et de 16,66 %. Néanmoins, si l’on compare ces chiffres à ceux du second tour de l’élection présidentielle (60,92 % de participation), on constate un fossé entre les deux scrutins. Les législatives n’ont pas mobilisé.

Des problèmes logistiques et idéologiques

Derrière ces faibles taux de participation, différentes causes. Selon les témoignages de ces Français vivant à l’étranger, trois facteurs dominent : les difficultés techniques, le manque d’information et l’abstention volontaire par conviction. L’échec de ce scrutin réside pour une grande part dans des problèmes logistiques.

Un manque d’information

Lors du premier et du second tour de l’élection présidentielle, les Français de l’étranger ont voté, au plus à un jour près, en même temps que les Français de métropole. Cela n’a pas été le cas à l’occasion des élections législatives. Peu informés, nombreux sont les expatriés se plaignant de ne pas avoir été mis au courant des dates du scrutin qui leurs sont propres ou encore de la complexité du processus électoral dont les dates pour voter à l’urne, par internet et par correspondance diffèrent. Olivier B. résidant aux Etats-Unis, a ainsi confié au journal Le Monde que  « beaucoup de Français qui suivent les médias français ont mémorisé que le premier tour avait lieu le 10 juin, mais ont été insuffisamment informés qu’il aurait lieu, chez eux, le 2 juin »

Un cafouillage informatique

Second facteur justifiant pour partie l’échec de ces législatives à l’étranger : beaucoup d’électeurs ont pensé pouvoir se reposer sur le vote électronique. Nouveau système, hypothétiquement facile d’utilisation, rapide et sûr. Dans les faits, les difficultés techniques – nombreuses – et le manque d’assistance ont eu raison de la motivation de la plupart des électeurs. « Je ne suis pas experte en informatique et j’ai été découragagée, » témoigne une internaute.

S’abstenir, un choix idéologique pour certains expatriés

Mais la forte abstention lors du premier tour des élections législatives s’explique également par la façon dont les Français de l’étranger envisagent leur relation avec la métropole. « Etant immigrant et ayant pris la nationalité de mon nouveau pays de résidence, j’ai toujours été dérangé à l’idée d’influer sur des décisions qui ne me toucheront pas », explique au journal Le Monde Florian C., géomaticien à Montréal. Une volonté de ne pas intervenir dans le fonctionnement d’un pays où ils ne vivent pas que confirme Noémie G., qui réside aussi à Montréal : « J’ai décidé de ne pas voter, car je trouve étrange de participer à une élection pour un pays où je ne vis pas. Il me semble beaucoup plus normal qu’un étranger puisse voter pour des élections locales les concernant ».

Des zones trop vastes à couvrir pour les nouveaux députés

Les « déracinés » sont sceptiques. Pas uniquement dans leur rôle à jouer au sein de la démocratie française mais également dans la légitimité à les représenter de ces députés dont les circonscriptions parcourent de nombreux fuseaux horaires et enjambent les continents. Pour Dominique Durand, un Français expatrié à Sidney : « Elire un député dont la circonscription va de l’Oural aux îles du Pacifique est, à mon avis, absurde. Personne ne peut être à la fois à Paris, Moscou, Beijing, Sydney ou Suva pour défendre des intérêts autres que particuliers ». 

Au-delà des problèmes logistiques qui ont miné cette élection, ce sont des problèmes idéologiques qui se posent. Peut-on vivre à l’étranger et se sentir relié à la vie politique de son pays ? L’échec de ce scrutin n’est-il pas symptomatique d’un détachement des Français expatriés vis-à-vis de leur pays d’origine ?

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