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Les socialistes majoritaires, Hollande a les mains libres

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[image:1,l]Le parallélisme entre François Hollande et François Mitterrand n’est plus seulement une question de mimétisme physique, il prend, après le second tour des élections législatives, dimanche 17 juin, une nouvelle dimension politique. Comme son seul prédécesseur socialiste sous la Vème République en 1981, le nouveau Président de la République pourra compter sur une majorité absolue de députés issus des rangs de son parti dans l’Assemblée nationale qui l’accompagnera tout au long de son quinquennat.

Une majorité absolue socialiste, une première depuis 1981

314 sièges, c’est, d’après les chiffres officiels du Ministère de l’Intérieur, le nombre de parlementaires élus sous l’étiquette « socialistes, radicaux et citoyens ». Une dizaine de radicaux, une poignée de citoyens et quelques divers gauche. Pour la première fois, depuis 31 ans, le Parti socialiste a remporté, à lui tout seul, plus des 289 sièges nécessaires pour contrôler la chambre basse.

Pas besoin de combinazione avec les Verts et le Front de gauche

Ce résultat dispensera, pendant cinq ans, le Parti socialiste de négocier avec ses autres partenaires de gauche – ce qui ne signifie pas, pour autant, que François Hollande gouvernera tout seul.

Les écologistes d’Europe Ecologie-les Verts avaient fait le choix d’un accord électoral avec les socialistes. Grâce aux circonscriptions qui leur ont été réservées, les écologistes réalisent une percée en sièges. Avec 17 députés, ils disposeront, pour la première fois dans l’histoire de la République, d’un groupe parlementaire. Si les moyens que cela va leur conférer leur permettra de faire entendre leur voix dans l’Hémicycle, ils ne seront pas dans la position charnière à laquelle ils rêvaient sans doute. Pas de marchandage en vue, ni de surenchère environnementaliste.

Pas de marchandages non plus avec le Front de gauche – ce qui aurait profondément affecté la ligne politique du gouvernement et compliqué la tâche du nouveau pouvoir. En l’absence d’accords électoraux, le Front de gauche des mélenchonistes et communistes est laminé puisqu’avec seulement 10 élus seulement, il ne sera pas, sauf ralliements – que l’on imagine en cours de négociation – ou un changements de règles- dont il est quetsion-, en mesure de former un groupe parlementaire. Pour le Parti communiste français, qui, malgré sa perte d’influence électorale, résistait bien dans ses bastions législatifs, c’est un plus bas historique. Voilà qui pourrait amener certains à remettre en cause la stratégie d’alliance avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et à considérer avec bienveillance une éventuelle main tendue de François Hollande et Jean-Marc Ayrault – avec un ou deux maroquins à la clé.

2007 à l’envers

Avec près de 55% des députés – contre 56% en 1981 – il est légitime de parler de « vague rose ». Une vague, oui, mais, en aucun cas, une déferlante. L’analyse des résultats, circonscription par circonscription, montre que les sortants de l’UMP ont dans leur ensemble, malgré des exceptions notables – comme Nadine Morano en Meurthe-et-Moselle -, plutôt bien résisté. Et, souvent, les écarts de voix sont faibles.

L’UMP et ses alliés ont obtenu 229 sièges. Ce n’est pas une bérézina. Et, en réalité, c’est un résultat symétrique à celui des élections législatives de juin 2007 qui avaient conféré une majorité absolue aux partisans du Président nouvellement élu, Nicolas Sarkozy. A l’époque, l’UMP avait 320 députés et le PS, 204. C’est l’effet du quinquennat dans le cadre duquel un scrutin législatif, quelques semaines après la présidentielle, n’est en fait qu’une élection de confirmation – lors de laquelle la perspective d’une cohabitation n’est agitée que pour mobiliser leurs troupes par les différents camps.

Le retour du Front National à l’Assemblée nationale

Marine Le Pen conteste le résultat de la circonscription d’Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais. Elle y a été battue de 114 voix par le candidat socialiste, Philippe Kemel, malgré les 55% obtenus dans la ville-centre. La leader du FN a demandé un « recomptage des suffrages », mais s’est félicité des résultats nationaux de son mouvement.

Fort de son score historique à la présidentielle (17,9%) et de ses 13,6% au premier tour des législatives, le parti d’Extrême-droite parvient, pour la première fois depuis 1998, à faire élire deux candidats au scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Marion Maréchal-Le Pen, nièce de Marine Le Pen, petite-fille de Jean-Marie, l’a emporté à Carpentras et, à 22 ans, elle devient la benjamine de la nouvelle Assemblée. A ses côtés, siégera l’avocat Gilbert Collard, élu dans le Gard. Jacques Bompard, le maire d’Orange, ancien membre du FN, a lui été élu sous l’étiquette de la « Ligue du Sud ».

L’analyse approfondie des résultats pourrait faire de cette élection un tournant dans l’histoire des relations entre la droite modérée et la droite extrême. Il semblerait qu’en dépit des consignes données par les leaders nationaux, dans certaines circonscriptions, les électeurs UMP n’aient pas hésité à soutenir le candidat frontiste dans des proportions bien supérieures à celles observées dans le passé. Ce facteur pourrait peser lourd dans la recomposition de la droite après ce scrutin et la préparation des prochaines échéances électorales jusqu’en 2017.

L’adieu au centre… et à quelques figures politiques éminentes

Grand perdant de cette élection, le Modem – ou Centre pour la France – qui ne remporte que deux sièges. Son chef, François Bayrou, est lui-même battu dans la circonscription de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, qu’il représentait au Palais-Bourbon depuis 1986. Traversée du désert ou fin de parcours pour l’ancien « troisième homme » de la présidentielle de 2007 ? S’il a promis de continuer à se battre, on voit difficilement avec quels moyens.

François Bayrou n’a pas été la seule victime de ce scrutin. Deux figures de la gauche française n’ont pas réussi leurs paris de retrouver les bancs de l’Assemblée nationale. Jack Lang a manqué son atterrissage dans les Vosges. Dans la 1ère circonscription de Charente-Maritime, dans une lutte fratricide, hyper-médiatisée – après notamment l’affaire du « tweet » de Valérie TrierweilerSégolène Royal a été largement battue – 37% contre 63% – par le dissident socialiste, Olivier Falorni. Une défaite douloureuse et intime pour l’ancienne candidate socialiste à la présidentielle. Elle tombe de son piédestal et n’accédera pas au perchoir. Une complication politique pour François Hollande, qui avait, semble-t-il, pris des engagements auprès son ex-compagne, et un premier faux-pas « vie privée » à l’ouverture de son quinquennat.

26% de députées, les partisans de la parité dépités

Avec 155 femmes députées, jamais l’Assemblée nationale n’aura été aussi féminisée. Il y aura, à l’ouverture de la mandature, au moins 48 femmes de plus qu’en 2007 – et sans doute une poignée supplémentaire une fois que les suppléants des ministres élus auront pris leurs sièges.

Si on est loin de la parité, les lois en la matière – et notamment la menace de sanctions financières – commence à porter ses fruits. Lentement, mais sûrement. Comme commencent aussi à porter leurs fruits, les appels à une meilleure représentation parlementaire des minorités visibles, notamment ethniques. Un certain nombre de représentants  font leur entrée au Palais-Bourbon : on pense à la jeune Seybah Dagoma à Paris ou encore à l’ancien président de SOS Racisme, Malek Boutih, dans l’Essonne. Là encore, la route vers une juste représentation est longue… Et puis, avec une benjamine de 22 ans, la moyenne d’âge des députés français va également considérablement diminuer.

Un nouveau record d’abstention

Pour la «der des ders »- le quatrième tour de scrutin en 8 semaines -, les Français n’ont pas fait preuve d’un sursaut civique et, selon les premières estimations, la participation a été en baisse, atteignant un nouveau plus haut historique lors d’élections législatives : 43,71%

Dimanche 10 juin, le chiffre définitif de l’abstention s’était élevé à 42,77%, un record sous la Vème République. Comme en 2002 et 2007, les électeurs français ne se sont pas mobilisés davantage et, selon les premières estimations, seuls 56% d’entre eux se seraient déplacés pour déposer un bulletin dans les urnes.

44% d’abstention, c’est près de quatre points de plus que les 40,02% observés en 2007.

Nul doute que ce résultat nourrira les réflexions sur les nécessaires changements du calendrier et du mode de scrutin électoral. La réforme indispensable devra tenir pleinement compte du nouveau contexte introduit par l’instauration du quinquennat. 

En attendant, la longue parenthèse électorale s’achève. Enfin, la classe politique française, majorité comme opposition, va pouvoir se consacrer à l’essentiel : tenter d’apporter des solutions efficaces à la crise historique, financière, économique, sociale et morale, que traverse le pays.

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