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Marie Chéron:« Il faut une alternative au modèle économique actuel»

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20 ans après, quel regard portez-vous sur le Sommet de la terre de 1992 ?

Marie Chéron : Pour nous, le bilan est mitigé. Le sommet de 1992 constitue une étape importante. On ne peut pas nier que la Conférence de Rio a joué un rôle fondateur. Elle a permis une prise de conscience internationale, le lancement de tout une série de recherches. Différentes politiques ont également été mises en œuvre. Les résultats n’ont toutefois pas été à la hauteur des enjeux. Il y a un décalage évident entre l’urgence de la situation et la réalité des actions. Bien sûr, le processus est long à l’image des enjeux considérables qu’il comporte… On parle de ressources limitées, d’économie… Cela ne pouvait pas se faire du jour au lendemain. Ni même en un an, ni même en cinq ans, ni même en 10 ans. C’est un long et lent cheminement.

Quelle nécessité y avait-il, pour la société civile, à se réunir en un sommet des peuples en marge de Rio +20 ?

Marie Chéron : Cela fait partie du processus démocratique. Cette réunion doit permettre d’alimenter les négociations. [Le sommet de] 92 a donné naissance à des groupes majeurs : les femmes, les jeunes, les autochtones, les syndicats… Aujourd’hui, ce statut d’observateur pose un certain nombre de questions. Nous aimerions pouvoir jouer un rôle plus important. Les décisions ne peuvent pas être uniquement prises par les chefs d’Etat et les gouvernements. Nous sommes tous concernés par ces questions-là. C’est pour cela que nous sommes présents au Sommet des peuples de Rio. Pour confronter nos opinions, élaborer des propositions, rencontrer d’autres populations.

Vous incitez les Français à signer l’appel européen pour « redonner l’ambition politique au changement que nous voulons dès Rio +20 ». Vous trouvez donc que les dirigeants manquent d’ambition ?

Marie Chéron : Terriblement.  Il y a une incapacité des politiques à se projeter dans l’avenir. Il faudrait qu’ils osent, qu’ils apprennent à prendre des risques. C’est une question de courage. Dommage qu’il n’y ait plus de grands hommes.

Quels sont les changements que vous souhaitez voir après Rio +20 ?

Marie Chéron : Il y a en fait deux gros types de changements :

Nous souhaiterions une gouvernance internationale de référence. Qu’il puisse y avoir une organisation supérieure aux Etats. Une organisation mondiale de l’environnement en quelque sorte. Même si, à ce sujet, nous n’approuvons toutefois pas la position de la France. Nous voulons une réforme interne, au sein des Nations-Unies. Quelque chose qui permette à l’ONU d’avoir un pouvoir de sanction, à l’image de celui dont dispose l’OMC. Sauf que l’OMC n’a toujours pas intégré les enjeux environnementaux. Plus que jamais, nous appelons à un rééquilibrage.

L’autre point concerne l’économie verte. Il faut une régulation de l’économie internationale et de la finance. Que l’économie soit au service de l’Homme.

Ne craignez-vous pas que l’économie verte ne desserve les pays en voie de développement, qu’elle ne freine leur croissance ?

Marie Chéron : Il y a différentes conceptions de l’économie verte.  D’une part, celle de l’OCDE, qui comprend l’économie verte comme une économie de l’environnement. Ici, l’environnement est un facteur de production économique, permettant de promouvoir des secteurs verts comme les énergies renouvelables, les constructions à haute qualité environnementale mais aussi l’appropriation de plus de terres, de forêts, d’espèces, de gènes… dans une logique d’extension de l’économie marchande au vivant. L’idée est d’en faire un nouveau moteur de croissance.

Et, d’autre part, il y a l’économie écologique, qui se pose en alternative au modèle économique actuel. Cette économie-là s’affirme comme une économie au service d’une société soutenable et durable sur tous les plans : écologique, social, financier, économique, mais aussi démocratique.  

Le fait qu’il y ait plusieurs définitions pose problème. Il faut clarifier le concept. Ce que l’on remarque toutefois, c’est que, malgré des conceptions diverses de l’économie verte un point est clair : les relations Internationales sont de plus en plus déterminées par une géopolitique des matières premières avec l’augmentation des prix et une croissance forte de la demande. Et cette situation ne va faire que s’aggraver. Il importe donc de s’engager dans une voie qui respecterait à la fois les principes d’équité et la pluralité des modes de développement. C’est à cela que la Conférence de Rio doit conduire.

Propos recueillis par Anaïs Leleux pour JOL Press

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