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Redémarrage de deux réacteurs nucléaires au Japon

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Tokyo, Japon. Le Japon, qui avait décidé le gel de ses activités nucléaires à la suite du désastre de Fukushima en mars 2011, est revenu sur sa décision deux mois après l’arrêt des derniers réacteurs du pays.

Redémarrage de deux réacteurs de la centrale nucléaire d’Oi

Comme on pouvait s’y attendre, le Premier ministre japonais Yoshihiko Noda a approuvé, samedi 23 juin, le redémarrage immédiat de deux réacteurs de la centrale nucléaire d’Oi. La pression des entreprises, qui s’inquiètent de coupures de courant au cours de l’été et les craintes émises par les industriels ont fait mouche.

Le dernier réacteur japonais avait été arrêté début mai, une première pour le pays qui s’appuyait sur le nucléaire depuis plus de 40 ans.

La triple catastrophe de Fukushima avait, pensait-on, constitué un tournant dans la politique nucléaire japonaise. Ce redémarrage – bien que limité à deux des cinquante réacteurs – pourrait néanmoins relancer la place du nucléaire dans la production énergétique japonaise.

Limitation du nucléaire à la suite de l’incident

Le Japon a immédiatement revu ses objectifs pré-Fukushima, qui étaient d’accroître l’énergie nucléaire de 30% à 50% en 2030.

Si Naoto Kan, qui s’est récemment rallié à la cause anti-nucléaire, était resté Premier ministre, le Japon serait encore en train de débattre sur un éventuel changement de politique, qui, à court terme, rendrait nécessaire l’importation d’énergies fossiles, et finalement, l’accroissement du rôle des énergies renouvelables.

Yoshihiko Noda , pro-nucléaire

Mais Yoshihiko Noda, son successeur depuis l’automne dernier, n’a jamais caché son désir de ne pas renoncer complètement à l’énergie nucléaire, d’autant que les mois les plus chauds de l’année sont à venir.

Une population inquiète

Les électeurs sont pour leur part, majoritairement, réticents à l’idée d’une remise en marche trop rapide, même si les représentants officiels chargés de la sécurité se déclarent satisfaits de la résistance des réacteurs à l’épreuve du tremblement de terre et du raz-de-marée – qui ont causé la mort de près de 20 000 personnes dans le nord du Japon, l’année dernière, et déclenché le plus grave accident nucléaire depuis Tchernobyl.

Située dans la préfecture de Fukui, la centrale d’Oi, avec ses 14 réacteurs, a été la première à subir les tests de résistance, mis en place après la dernière catastrophe pour satisfaire aux attentes de la population en matière de sécurité.

Le ministre du Commerce et de l’Industrie, Yukio Edano, a reconnu que le gouvernement n’était pas parvenu à un consensus national sur la remise en service de la centrale d’Oi, malgré des semaines de campagne et un avertissement de la part de Yoshihiko Noda, qui remettait en doute le futur de la société japonaise si l’énergie nucléaire ne faisait pas son retour.

Un gouvernement local complaisant

Ce dernier a tout de même réussi à convaincre d’importantes personnalités à se rallier à sa cause : le maire d’Oi, ainsi que les gouverneurs de Fukui et six autres préfectures de la région.

« Avec l’accord du gouvernement local, le gouvernement national  a pris la décision de réactiver les réacteurs, a déclaré le Premier ministre. Nous continuerons nos efforts pour redonner confiance à la population dans notre politique nucléaire et les sécurité qui l’accompagnent »

Le lobby économique a réussi là où les militants anti-nucléaire ont échoué, malgré leur rassemblement au nombre de 10 000 il y a encore quelques jours devant la résidence du Premier ministre à Tokyo.

Une conscience du danger

Ce samedi, en bas de chez lui, ils l’accusaient de prendre une décision hâtive sans se préoccuper de la persistance des problèmes liés à la sécurité.

« Le Premier ministre Yoshihiko Noda a pris une décision hâtive et dangereuse, en ignorant l’avis des experts en sécurité, et le tollé de la population, sans compter les risques inutiles en matière de santé environnementale, publique et économique, » a dénoncé Junichi Sato, directeur exécutif de Greenpeace Japon.

Le Japon peut se passer du nucléaire

« Le Japon a déjà survécu au pic de l’été et aux périodes de demande énergétique hivernales, une fois avec peu de ressources nucléaires, ainsi qu’un mois entier sans aucune ressource nucléaire. Malgré le flot discontinu de déclarations alarmistes de l’industrie et du gouvernement sur le besoin de remettre en marche la centrale d’Oi, l’économie est en pleine croissance et il n’y pas eu de véritables coupures de courant, » poursuit Junichi Sato.

Des menaces de coupures

Les industriels ont prévenu de possibles perturbations dans la production alors que l’économie est sous pression à la suite des évènements de 2011, mais aussi à cause de la crise européenne et d’un yen trop élevé. Kansai Electric Power, l’exploitant de la centrale, annonce également que des coupures de courant sont inévitables.

Selon leurs rapports, toute la région desservie par la centrale pourrait manquer de 15% d’énergie en juillet et août. Les utilisateurs sont invités à être économes. La zone concernée s’étend à la ville d’Osaka, le centre industriel d’une économie régionale dont le PIB rivalise avec celui de Mexico.

L’argent plus fort que la sécurité

Finalement, l’économie a prévalu sur toutes autres considérations. Le Premier ministre s’est évertué à affirmer qu’une fermeture prolongée des réacteurs entraînerait non seulement des coupures d’électricité, mais également un accroissement de la dépendance du Japon en matière d’énergies fossiles, entraînant une hausse du prix de l’électricité et, à terme, un risque de non-respect des engagements japonais concernant l’écologie.

Mais l’impact du redémarrage d’Oi ne se fera pas ressentir immédiatement. Les deux réacteurs vont devoir passer une série de tests de sécurité avant de fonctionner pleinement, une procédure qui peut prendre environ six semaines.

La réouverture d’autres centrales semble toute tracée

La fin du rejet du nucléaire par le Japon pourrait déclencher la réouverture d’autres centrales. Les prochaines à venir concerneraient celles d’Ikata dans le sud-ouest, où les agents de contrôle ont approuvé les résultats des premières séries de tests, et de Tomari dans le nord, où la demande est forte en hiver.

En attendant, Yoshihiko Noda continuera d’essayer de convaincre une population sceptique, un an à peine après la catastrophe de Fukushima qui a dispersé dans l’atmosphère d’énormes quantités de radiations et a contraint des dizaines de milliers de citoyens à évacuer la zone.

Une population qui ne se laisse pas influencer

Un sondage du magazine Mainichi Shimbun a révélé que 71% de la population était opposée à une remise en marche hâtive de la centrale, contre seulement 25% qui soutenait la décision de leur Premier ministre.

Un risque toujours bien présent

Son principal allié dans la réouverture de la centrale, le ministre du Commerce et de l’Industrie, Yukio Edano, a lui-même reconnu que le risque zéro n’existait pas en matière de sécurité dans un pays susceptible de subir des tremblements de terre.

« C’est impossible d’être sûr de soi à 100% quand il s’agit de prévenir un désastre. Mais à la suite de l’incident de Fukushima, nous nous sommes occupés des mesures à prendre en urgence, et le niveau de sécurité est bien meilleur désormais. La sécurité est notre priorité… s’il y a un problème, nous décalerons les choses ». 

GlobalPost / Adaptation Amélie Garcia – JOL Press

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