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Ségolène Royal, l’énergie du combat

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Des combats, en trente ans ou presque de carrière politique, elle en a menés, mais, dans celui difficile qu’elle livre, à l’occasion de ces élections législatives dans la 1ère circonscription de Charente-Maritime, elle devait s’attendre à tout sauf à un «tweet» de Valérie Trierweiler, celle qui a pris sa place au côté de son ex-compagnon, François Hollande. Un «tweet» de soutien à son adversaire du second tour, le dissident socialiste, Olivier Falorni. Mais qu’est-ce qu’un simple petit « tweet » pour celle qui, depuis toujours, cultive une force, une ambition et une volonté de fer qui l’ont conduit aux sommets de la vie publique et, espère-t-elle, dans l’histoire de la République ? Ségolène Royal voit tellement plus loin que rien ne semble pouvoir l’arrêter… Une fois son ex-compagnon élu à l’Elysée, Ségolène Royal aurait pu choisir de s’éloigner de la vie publique parisienne. Elle aurait pu se contenter de son confortable fauteuil de Présidente du Conseil régional de Poitou-Charentes et attendre que le temps passe, que le mandat de François Hollande s’écoule, pour espérer briguer une autre ambition.<!–jolstore–>

La présidence de l’Assemblée Nationale, pas plus, pas moins

Mais Ségolène Royal est une ambitieuse. Et si la vie politique lui a appris une chose, c’est que le temps passe vite, que les situations se retournent, que les destins politiques peuvent être tragiques, cruels, désordonnés et injustes, mais que dans chaque défaite l’animal puise la force aveugle et sourde de combats renouvelés.

Ses ambitions sont aujourd’hui à la hauteur de ce qu’elle estime avoir donné aux socialistes tout au long de sa carrière. Ministre ? Déjà fait. Mais une place au perchoir, la quatrième place dans l’ordre protocolaire de la République et une position d’autorité, de figure morale, voilà qui lui sied bien.

La Présidence de l’Assemblée Nationale, Ségolène Royal en rêve et s’y était déjà vue en juin 1997 après la victoire de la gauche plurielle de Lionel Jospin. Alors, ce n’est pas ce dissident PS d’Olivier Falorni qui va l’en priver. Arrivée en tête dans la 1ère circonscription de Charente-Maritime, avec 32,03% des suffrages, au premier tour des élections législatives le dimanche 10 juin, la candidate officielle du PS se trouve dans une position délicate. Elle devra affronter, au deuxième tour, le candidat socialiste dissident, premier secrétaire départemental du PS qui a obtenu 28,91% des voix sans avoir l’investiture PS.

« Un véritable scandale démocratique », « le parachutage de la honte ». Les mots d’Olivier Falorni ont été durs à l’encontre de la Présidente de sa région, lorsque celui-ci avait appris que son parti lui avait préféré Ségolène Royal pour briguer la circonscription laissée vacante par le maire de La Rochelle, Maxime Bono.

De l’ENA aux Deux Sèvres

Mais les parachutages, Ségolène Royal connaît bien. Son implantation en Poitou-Charentes n’est d’ailleurs que son second.

En mai 1988, alors qu’elle est devenue proche conseillère de François Mitterrand et après une tentative d’implantation ratée dans le Calvados, la jeune Ségolène Royal demande au Président, dans une scène désormais célèbre  au cours de la cérémonie d’investiture à l’Elysée, de lui trouver une circonscription pour les législatives du mois suivant. Le choix se porte alors sur la 2ème circonscription des Deux-Sèvres, une circonscription réputée ingagnable par la gauche dans une région traditionnellement ancrée à droite. Sa campagne énergique et ses promesses finissent par payer. Un mois plus tard, elle est élue avec 50,57% des voix. Son aventure poitevine commence…

Son ambition la pousse à vouloir s’installer à la mairie de Niort mais, malgré l’investiture de son Parti, elle ne parvient pas à gagner le cœur des Niortais qui lui préfèrent le maire sortant et dissident PS, Bernard Bellec. Une aventure dont elle doit se souvenir à l’heure où un autre dissident PS se met sur son chemin.

Des Deux Sèvres au gouvernement

Commencée à l’Elysée, la carrière de Ségolène Royal ne peut être que nationale. Repérée quelques mois après sa sortie de l’ENA, en 1980, par Jacques Attali, elle se fraie une place dans les hautes sphères du pouvoir et devient proche de François Mitterrand qui la charge, à partir de 1984, des affaires sociales au sein de son cabinet présidentiel.

Conseiller, c’est bien. Ministre, c’est mieux… Elle quittera volontiers, temporairement, son siège à l’Assemblée pour rejoindre le gouvernement de Pierre Bérégovoy, puis celui de Lionel Jospin,  d’abord Ministre de l’Environnement en 1992/1993, Ministre de l’Enseignement scolaire de 1997 à 2000, Ministre déléguée à la Famille et à l’Enfance en 2000/2001, puis Ministre déléguée à la Famille, à l’Enfance et aux Personnes handicapées en 2001/2002. Six ans, Ministre.

L’aventure présidentielle

Quatre ans plus tard, Ségolène Royal juge que son heure est venue. La victorieuse heure de l’Elysée. Déclarée tôt, sa candidature génère un phénomène sans précédent et les primaires organisées par le Parti socialiste, à l’automne 2006, ne sont qu’une formalité. En compétition contre Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, elle est élue dès le premier tour avec 60,65% des voix.

La mère des batailles peut alors commencer. Mais, le soufflet tombe et l’ambitieuse Ségolène Royal est vite dépassée par les évènements. Sa campagne ne convainc pas – ou plutôt plus. Ses gaffes, ses « 100 mesures pour une France plus juste et plus forte », son style, sa « démocratie participative », plus rien ne passe. La candidate peine à réunir autour d’elle. En face, un François Bayrou parvient même, un temps, à lui ravir la deuxième place dans les sondages. Mais surtout, la bête de scène Sarkozy ne laisse pas de répit à la socialiste.

Qualifiée au deuxième tour tout de même, elle est balayée par le rouleau-compresseur Nicolas Sarkozy. Sa colère, lors d’un débat télévisé, n’y aura rien changé.

La défaite est amère. Amère aussi est l’année suivante, en 2008, le Congrès de Reims du Parti socialiste lors duquel elle estime se faire voler la tête du mouvement par une autre femme, Martine Aubry. Pourtant, à l’approche de la présidentielle de 2012, elle cherche à renouveler l’expérience d’une candidature présidentielle, en se présentant de nouveau à la primaire citoyenne de 2011. Mais la socialiste n’attire plus les foules. Opposée notamment à son ancien compagnon François Hollande et Martine Aubry, elle est éliminée dès le premier tour après n’avoir recueilli, piteusement, que 6,95% des voix.

Rien n’arrêtera Ségolène Royal

Si de nombreuses femmes, a fortiori mères, comme elle, de quatre enfants, auraient sans doute renoncé, Ségolène Royal a la volonté de ses ambitions.

Issue d’une famille traditionnelle et bourgeoise, elle a appris à nourrir une force qui l’a poussée à quitter son milieu pour suivre de brillantes études à Paris – ENA promotion Voltaire 1980 – et se hisser dans les plus hautes sphères de la vie politique, envers et contre tout et tous.

Les épreuves de la vie publique semblent glisser sur elle. En 2007, alors qu’elle vient de perdre l’élection présidentielle, le couple qu’elle formait avec François Hollande depuis plus de vingt ans se sépare. Lorsque celui-ci entame sa réelle ascension politique, jusqu’à la présidence, elle le soutient, animée par une combativité au service de son Parti, sans doute également au service de cette ambition qui ne cesse de l’habiter.

Elle persiste, lorsque tous regardent avec curiosité cette Première Dame, Valérie Trierweiler, qui fait ses premiers pas à l’Elysée, au lendemain de la victoire de François Hollande, dans le rôle qui aurait pu être le sien, mais dont, elle, n’aurait jamais voulu se contenter.

Elle persiste également lorsque cette Première Dame signe un « tweet » disgracieux en soutien au candidat dissident Olivier Falorni, dans la circonscription à partir de laquelle Ségolène Royal compte bien s’emparer de l’Assemblée.

Une éraflure, rien de plus. Ségolène Royal a désormais de l’expérience, rien ne l’arrêtera. Reste à savoir si les électeurs sauront la mener là où ses « désirs d’avenir » souhaitent la mener…

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