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« Tintin en Amérique » vendu à plus de 1,3 million d’euros

[image:1,f]Plus généralement, on estime que 85 % de l’œuvre de Hergé appartient à sa veuve. On peut admirer une partie de ces chefs-d’œuvre au musée Hergé, inauguré en mai 2009 par le « mari de la veuve », avec la conscience médiatique qu’on lui connaît… Mais ce trésor [je parle de l’œuvre de Hergé] ne risque pas d’encombrer le marché de l’art de sitôt. Les grandes maisons de vente, Tajan, Artcurial, Piasa, et bientôt Sotheby’s, l’ont bien compris, et gèrent la pénurie à grands coups de ventes aux (sur)enchères. Hergé devient donc objet d’investissement et de spéculation. 

Quand la rareté n’explique pas tout 

Mais les effets mécaniques de la rareté n’expliquent pas tout. Il y a, d’abord, la qualité unique de l’œuvre. S’appuyant sur quelques précurseurs de génie (Rube Goldberg, Geo McManus ou Alain Saint-Ogan, pour la BD ainsi que Chaplin, Lloyd ou Laurel et Hardy pour le cinéma), Hergé a développé un style narratif limpide et vif. Ses récits, véritables thrillers et autres « page turner » avant l’heure, tiennent en haleine les lecteurs de tous âges… justifiant le fameux slogan « de 7 à 77 ans ». Hergé possédait un sens inné de la mise en scène. Le suspense commence dès la couverture. 

Hergé, maître du suspens

Celle qui vient d’être vendue est un modèle du genre : les héros, dans des costumes et un décor immédiatement identifiables, sont inconscients du danger qui arrive dans leur dos. Le « tableau » précède l’action de quelques secondes. Le lecteur-spectateur impuissant ne peut qu’imaginer la suite. Hergé invente le « teaser ». Toutes les couvertures des albums de Tintin sont conçues sur ce principe. Le Lotus bleu, Les 7 boules de cristal ou L’Affaire Tournesol valent tous les synopsis et sont des modèles de suspense et d’accroche.

Tintin, témoin fidèle de son temps

L’art a toujours été le reflet d’époques, de société, de mentalités. Hergé, au même titre que Zola, Picasso ou Albert Londres, a été le témoin de son tempsTintin est né en Belgique en 1929. Le journal Libération titrait « La dernière aventure de Tintin », le 5 mars 1983 au décès de Hergé, qui laissait derrière lui une œuvre inachevée quasi prémonitoire : « Tintin et l’Alph-Art ». Que de chemin parcouru entre le récit du petit colon belge traitant les « nègres » de fainéants au Congo et celui de Coke en stock, qui prend la défense des Noirs contre l’esclavagisme moderne en 1958 !

Un hommage tout en finesse et subtilité à l’art

Au-delà de la fresque sociale et du témoignage qu’il livre, Hergé a également été un grand amateur d’art. Ses bandes dessinées sont bourrées de reproductions de tableaux de maîtres, de Sisley à Miro en passant par Picasso. Il a surtout été un des inspirateurs du pop-art. Il suffit pour s’en convaincre de rapprocher certaines cases de Coke en Stock des tableaux de Roy Lichtenchtein tels que « Whaam ! » et « Torpedo los! » (1963). « La Sortie » (1990) semble tiré de L’Oreille cassée, et le tableau que Lichtenchtein a réalisé pour la couverture de l’ouvrage « Tintin in the new world » de Frederic Tuten (1993) rend directement hommage à Tintin.
Hergé bientôt au musée, entre Monnet et Vasarely ? Le centre Beaubourg n’est pas rancunier, après avoir été quelque peu brocardé dans « L’Alph-Art », il a montré la voie en exposant une planche originale de L’Affaire Tournesol. « Il faut trouver la voie » disait Didi dans Le Lotus Bleu. Hergé a trouvé la sienne…

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