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Wall Street à la recherche d’un pays d’accueil?

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[image:1,l]Un language à décoder

Comme beaucoup de sociétés fermées, l’industrie financière a développé son propre vocabulaire complexe, véritable jargon pour les non-initiés. En 2009, les TBTF  – pour « too big to fail », les banques trop grosses pour s’écrouler – sont devenues un acronyme connu des ménages américains. Surtout parce que ces derniers ont dû payer la facture de sauvetage.

Depuis la perte massive de 2 milliards de dollars par la banque JP Morgan, basée à Londres, une nouvelle expression financière entre en scène : l’arbitrage règlementaire.
Cela paraît extrêmement compliqué, mais restez concentré. C’est plus simple que l’on croit.

Imaginez, par exemple, que vous êtes un retraité de 66 ans, vivant dans le New Jersey, et que vous allez prendre votre retraite et toucher votre pension l’année prochaine. Vous découvrez que le New jersey, malgré ce que dit son gouverneur Doug Christie, va classer votre pension comme un impôt et le taxer fortement. Tout à coup, les 1500 dollars que vous pensiez avoir mis de côté ne représentent plus que 1100 dollars. Fini le rêve de Cadillac.

Que faites-vous ? Comme beaucoup de gens font, depuis vingt ans dans le New Jersey, vous utilisez l’arbitrage reglementaire. Vous déménager en Pennsylvanie, où les pensions ne subissent pas la taxe. Ce n’est pas illégal. A vrai dire, cela peut devenir une nécessite pour les cas comme celui-ci.

Maintenant imaginez que vous êtes une grande banque d’investissement. Basé à New York, vous jouez régulièrement avec des milliards, en grande partie sur des produits dérivatifs – dit Over The Counter – et choisissez quel marché est plus intéressant pour vendre et acheter les actions d’une même entreprise – parfois en même temps – au meilleurs prix.

Un système vicié

Pendant des décennies, les transactions OTC étaient traitées par téléphone, puis par mail. Chaque courtier notait les montants utilisés et livrait un rapport à son supérieur hiérarchique en fin de journée. Les banques appréciaient et encourageaient ce système. Etant donné l’opacité des prix, ces dernières ont réussi à faire fortune sur des produits dérivatifs sans en informer leur clientèle. Cela permettait également « d’alléger » les formalités administratives.

Mais, ce système comportait un vice, qui pouvait générer des pertes massives. Les traders pouvaient cacher une énorme perte  – pendant un certains temps -, qui impliquait généralement des paris dangereux. Alors qu’il était le seul à connaître le montant de sa perte, le courtier tentait souvent de récupérer sa mise en jouant sur d’autres produits à risque. C’est une de ces tentatives de « recouvrement express » qui a fait couler Barings, une des plus vieille banque d’investissement sur le marché, en 1995.

Ces opérations cachées signifiaient également que les régulateurs externes et même les gestionnaires de risques, employées par ces banques, n’avaient aucun moyen sûr de connaître l’étendue des sommes jouées et perdues. Ils pouvaient alors se créer des trous financiers énormes. En 2008, lors de la chute de Lehmann Brother, il était impossible de savoir qui était impliqué dans les pertes tant ces opérations étaient communes.

L’accord du G20, véritables changements en perspective ?

Ce fut le dernier signal d’alarme. Alors que le principae de dérégulation économique avait régné depuis 1997 sur la finance mondiale, les pays membres du G20 ont prit une décision censée changer les choses. Durant leur sommet de 2009, ils ont décidé de rendre « transparents » les échanges de produits dérivés, afin de s’assurer de pouvoir prévoir l’écroulement des banques comme celle de Lehmann Brother.

Cela semblait être, en principe, une bonne décision. Mais dans les faits, les régulateurs américains ne peuvent toujours pas obtenir une réponse claire du Congrès, pour forcer les banques basées à l’étranger, comme JP Morgan ou Citicorp, à adopter ces réformes.

Pourquoi devrions-nous nous en soucier ? Prenons comme exemple JP Morgan. Tout comme environ sept autres banques américaines, et une vingtaine dans le monde, JP Morgan est un établissement tellement grand et puissant que son effondrement mettrait en péril les Etats-Unis et toute l’économie mondiale. Plusieurs années après le pire moment de la crise, le contribuable américain est officiellement en « service de sauvetage » auprès de ces banques, peu importe l’endroit où ces dernières font leur paris.

Singapour, à l’affut de nouveaux clients

Frank Dodd, le célèbre businessman américain, pense que les paris fait aux Etats-Unis doivent être effectués sur les échanges. La version britannique de la Security Exchange Commission (SEC), connue sous le nom de la Financial Services Authority (FSA), semble être de cet avis. Mais aucun régulateur n’arrive à se mettre d’accord pour désigner qui devrait surveiller les succursales de banques étrangères.[image:2,l]

Dans un récent témoignage devant le Congrès, Jamie Dimon, le chef de la direction de JP Morgan, a déclaré que sa banque n’avait pas essayé d’esquiver les règles en déplaçant le siège de ses investissements – qui gère des centaines de milliards de dollars à Londres. Les règles strictes appliquées par la capitale britannique suggèrent que c’est probablement vrai. Mais la banque est tout de même au courant des limbes dans lesquelles nagent les banques étrangères.

Malgré tout, Jamie Dimon entrevoit le futur d’une manière pragmatique, et sait que Londres et New York concluront cet accord : « Nous perdrons beaucoup d’entreprise. Au lieu de déménager sur le marché britannique, ils iront à Singapour, dans d’autres endroits dans le monde. »

Singapour s’est d’ailleurs fait entendre un peu plus tôt le mois dernier. Alors que les nations du G20, qui regroupe, entre autres, l’Australie, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, le Japon, l’Inde et la Chine, ont décidé de se conformer aux règles, Singapour et Hong Kong ont refusé. Un journaliste du Financial Times a expliqué le sens d’un tel refus : « Pour beaucoup, ce refus voulait dire « Allez les gars, vous n’avez pas à miser tous ces produit dérivatifs à Londres ou New York, venez à Singapour. »

Dans ce dernier cas, le déplacement en Pennsylvanie ne sera plus nécessaire…

Global Post / Adaptation Henri Lahera pour JOL Press

 

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