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Après-Rio, l’intolérable fracture énergétique

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[image:1,l]Faute de converger vers des solutions ambitieuses, le récent Sommet de Rio aura au moins confirmé que les inégalités sont là en matière d’énergie : les 20 millions d’habitants de l’État de New York consomment annuellement l’équivalent énergétique de 800 millions d’habitants de l’Afrique sub-saharienne ! Et si la tendance actuelle se poursuit, le nombre total de personnes sans électricité dans cette partie du Monde passera de 585 à 645 millions.

Un humain sur cinq n’a pas accès à l’électricité

Il y a ainsi un cercle vicieux de la pauvreté énergétique, phénomène qui s’auto-entretient. Elle va souvent de pair avec des performances énergétiques médiocres, qui rendent l’énergie plus coûteuse et moins accessible, et qui retarde tout développement. Alors qu’un système énergétique fonctionnant correctement permet d’augmenter la productivité, d’améliorer la compétitivité, la promotion économique et la croissance.

Aujourd’hui, un humain sur cinq n’a pas accès à l’électricité, soit 1,3 Md d’habitants de la planète, dont 95% situés en Asie du Sud et de l’Est ou en Afrique subsaharienne. 2,4 Mds de citoyens de la Planète dépendent du bois, du charbon ou de la biomasse pour la cuisine et le chauffage.

Un accès universel à l’électricité, un pari tenable

Les experts de l’AIE – Agence internationale de l’énergie – estiment pourtant qu’il suffirait de multiplier par 5,3 les programmes afférents et de consacrer, d’ici 2030, 48 Milliards $/an à la pauvreté énergétique pour garantir à cet horizon un accès universel à l’énergie de tous les habitants de la planète – contre 9 milliards de dollars dépensés aujourd’hui. Soit un effort annuel mondial équivalent à l’achat de 128 Airbus A380 !

Face à ce changement de paradigmes du « modèle énergétique mondial », l’Europe paraît déstabilisée, car elle doit elle-même, en son sein, faire face à la précarité énergétique dans ses économies pourtant développées. N’oublions pas les 60 millions d’européens qui ont eu des difficultés à passer l’hiver 2011-2012.   

Financement et gouvernance, un double enjeu

Mais au-delà, les questions posées relèvent principalement de deux sujets : le financement et la gouvernance.

Sur le premier point, les investissements nécessaires dans les infrastructures énergétiques dans le monde, pour la période 2011-2035, se chiffrent à 38 000 milliards de $, dont près des deux tiers à prévoir dans des pays hors OCDE. Il faut les penser, les structurer et les piloter de manière imaginative, souple et en même temps coordonnée. Les financements publics doivent être à la hauteur des enjeux, avec comme acteur central la Banque mondiale ; mais les capitaux privés doivent aussi se mobiliser pour la transition énergétique, ce qui suppose des procédures attractives et une mutualisation du risque bien gérée.

Concernant la gouvernance, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2012, année internationale de l’énergie durable pour tous. C’est l’occasion de souligner l’importance du transfert des technologies et de leur diffusion planétaire, notamment dans le cadre de la mise en place d’un réseau mondial des professionnels de l’accès à l’énergie et de comités de coordinations nationaux.

Quel leadership politique ?

 Mais, si l’on veut atteindre les objectifs « énergie durable pour tous » à l’horizon 2030 – accès universel à des services énergétiques modernes, réduction de 40 % de l’intensité énergétique mondiale, augmentation de 30 % de l’utilisation des énergies renouvelables dans le monde –, il faudra affirmer un vrai leadership politique mondial en la matière, qui fait défaut à ce jour.

L’Europe ? Pourquoi pas ? Le Président de la Commission a indiqué vouloir « contribuer à offrir d’ici 2030 un accès à l’énergie à 500 millions de personnes supplémentaires dans les pays en voie de développement ». C’est bien. Mais, concrètement, les instances européennes ont débloqué seulement 50 millions d’euros sur deux ans pour « aider les pays qui le souhaitent à bénéficier d’expertise sur le terrain » …

Au terme du grand « raout » brésilien, le doute s’installe donc. Quel leader se lèvera, quelque part dans le Monde, pour rassembler et porter haut et fort ce combat pour avoir, à l’horizon de quelques décennies, une Planète où l’accès à l’énergie soit garanti pour tous ?

[image:2,s]Michel Derdevet, lauréat de la faculté de droit de Montpellier et diplômé d’HEC, est maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris, où il est responsable du cours « Europe et entreprises ». Il est co-auteur de « L’avenir énergétique : cartes sur table » avec Jean-Marie Chevalier et Patrice Geoffron.

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