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Carlos Lopez: «Nous nous battons pour une société de solidarité»

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Jeudi 19 juillet: Dans le nord-est de Madrid. Un imposant bloc de béton armé au 25 avenue des Amériques. Le siège de l’UGT – Union générale des travailleurs -, un des principaux syndicats espagnols, un des plus radicaux aussi. El Señor Carlos Lopez est en retard. Secrétaire général de la FETE-UGT, la branche éducation de la Centrale, il est retenu au sous-sol du « bunker » par une réunion d’urgence intersyndicale. Une heure plus tard, il débarque enfin. Tout sourire, il me tend un tract : « Quieren arruinar el pais… » « Ils veulent ruiner le pays… Tous dans la rue, jeudi 19 juillet, de Neptune à Sol à 20h30… ». Carlos Lopez a accepté d’accorder un entretien à JOL Press. L’occasion de recueillir le sentiment d’un des principaux acteurs du mouvement social espagnol – et de constater qu’au-delà comme en-deçà des Pyrénées, la rhétorique syndicale se ressemble.

JOL Press : Vous étiez retenu par une réunion importante. Qu’en est-il sorti ?

Carlos Lopez : C’était une réunion de tous les syndicats afin d’envisager les modalités futures de notre action contre la politique conduite par le gouvernement de Mariano Rajoy. Nous sommes tombés d’accord sur le principe d’une grève. Nous n’avons pas encore de dates, mais nous allons appeler à une grève générale.

JOL Press : Pas de dates, mais quelle échéance ?

Carlos Lopez : Probablement pas dans les semaines à venir, ce sont les vacances pour beaucoup. Mais, très certainement, en septembre.

JOL Press : Au-delà de la situation économique, que reprochez-vous au gouvernement dirigé par Mariano Rajoy et le Parti Populaire ?

Carlos Lopez : Pour nous, le gouvernement en place démantèle pierre par pierre l’édifice social, tout l’équilibre pour lequel les Espagnols se sont battus depuis la transition démocratique des années 1970. Les mesures prises visent la classe moyenne et privent les travailleurs de tous moyens d’action et de toutes perspectives.

La situation des Espagnols s’aggrave, car ce sont les classes moyennes, ceux qui travaillent et consomment, qui sont le plus touchés. Il faut, de notre point de vue, faire payer les plus riches.   

JOL Press : Quelles sont, selon vous, les motivations du gouvernement ?

Carlos Lopez : Le gouvernement utilise la crise comme un prétexte pour alléger l’Etat et développer l’initiative privée, mais aussi, pour introduire – et imposer – une idéologie néo-libérale.

JOL Press : Quel est le rôle des syndicats dans ce mouvement ? 

Carlos Lopez : Les syndicats sont aux côtés du peuple, des gens. Si la population souhaite que les syndicats agissent, nous avons les moyens de le faire. Les syndicats canalisent le mécontentement social. Ils peuvent aussi servir de catalyseur. Nous avons les moyens d’agir. Prenez mon organisation, nous avons 65 000 membres et, déjà, de nombreuses grèves ont eu lieu dans le secteur de l’éducation, comme dans le reste de la fonction publique ou dans l’industrie minière.

JOL Press : Le mouvement social est assez informel. Il n’y a pas d’autres leaders en dehors des syndicats ?

Carlos Lopez : Non. Ce mouvement existe depuis plus d’un an et l’action des Indignados est un mouvement informel. Comme un exercice de micro-démocratie directe. Au-delà des groupes locaux, informels, d’autres associations sont aux côtés des syndicats – comme les associations de parents d’élèves – mais seuls les syndicats ont les moyens organisationnels et la représentativité pour coordonner le mécontentement.

La société  dans son ensemble est en réaction contre un gouvernement qu’elle juge réactionnaire.

JOL Press : Souvent, à travers l’histoire, le rôle et les objectifs des syndicats ont été mis en cause lors de grands mouvements sociaux. Soit qu’ils aient été trop timides, ou trop pressants. Que cherchez-vous ?

Carlos Lopez : Les syndicats espagnols n’ont pas, à ce jour, de stratégie indépendante. Ils entendent avancer parallèlement au mouvement social.

Nos objectifs sont la défense de la société de solidarité, la défense des services publics, le maintien d’une égalité des chances dans ce pays, la préservation et la création d’emploi.

Il n’y a plus d’autre opposition dans ce pays. Le PSOE, défait lors des élections de novembre, a sa part de responsabilité dans la situation du pays. José Luis Zapatero a passé huit ans au pouvoir avant d’ouvrir la voie à Mariano Rajoy.

Seuls les syndicats ont la base sociale pour faire descendre la population dans la rue et protester.

JOL Press : Quelle serait la traduction politique de votre action ?

Carlos Lopez : Nous sommes des syndicalistes. Au peuple de décider. 

Pour notre part, je me répète, nos objectifs sont la défense de la société de solidarité, la défense des services publics, le maintien d’une égalité des chances dans ce pays, la préservation et la création d’emplois.

JOL Press : Les syndicats espagnols sont unis ?

Carlos Lopez : On observe – et la rencontre de ce matin l’a montré – une unité d’action totale. Nos idéologies sont différentes, mais nous sommes unis et agissons, de fait, comme si l’Espagne était dotée d’un syndicat unique.

Tous, nous défendons l’idée que la crise est une opportunité pour relancer notre pays et renforcer son système social. 

Propos recueillis par Franck Guillory  pour JOL Press à Madrid

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