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Cour des comptes : 33 milliards d’économies pour 2013

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33 milliards pour 2013 et environ 6 à 10 milliards dès 2012, c’est ce qui serait nécessaire, selon la Cour des comptes et son premier président, l’ancien député socialiste de l’Isère, Didier Migaud. Cela correspond  aux « 7 à 10 milliards d’euros » que le gouvernement a déclaré rechercher pour respecter l’engagement pris par la France à l’égard de ses partenaires européens de ramener ses déficits publics de 5,2% du produit intérieur brut en 2011 à 4,5% à la fin de l’année.

Révision à la baisse des prévisions de croissance et collectif budgétaire

La remise officielle de ce rapport, commandé par le Premier ministre peu après sa nomination, intervient à la veille de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale et deux jours avant la présentation en Conseil des ministres d’une loi de finances rectificative pour 2012.

Ce « collectif budgétaire » vise précisément à modifier la loi de finances pour 2012 par une série de mesures fiscales et budgétaires afin de respecter les engagements pris en dépit d’une situation économique dégradée.

Le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, a annoncé, dimanche 1er juillet, que le gouvernement s’apprêtait à abaisser ses prévisions de croissance à 0,4% au mieux pour 2012 et entre 1% et 1,3% pour 2013, contre 0,5% et 1,7% attendus jusqu’à présent pour ces deux années.

Un pari tenable, un effort proche de celui fourni pour rentrer dans l’euro

Pour les « sages de la rue Cambon », le pari est tenable et ils le comparent à celui fourni de 1994 à 1996 pour permettre à la France de rentrer dans l’euro. Avant le lancement officiel de la zone euro, le 1er janvier 1999, les futurs Etats-membres devaient respecter les critères de stabilité arrêtés par le traité de Maastricht, à savoir, notamment, un déficit public inférieur à 3% et une dette publique inférieur à 60% du PIB. Or, la situation économique de la France à la sortie de la récession du début des années 90 était particulièrement compromise et les gouvernements Balladur puis Juppé avait dû imposer au pays une cure de rigueur.

Des « menaces de dépassement limitées », peu de « mauvaises » surprises

Les « gendarmes des comptes publics » – haut-fonctionnaires indépendants – estiment en revanche que les « menaces de dépassements » budgétaires pour 2012 – l’héritage de la gestion du gouvernement Fillon – sont d’une « ampleur réduite », comprise entre 1,2 et 2 milliards d’euros.

Parmi ces dérapages, le plus important pourrait provenir de la « prime de Noël » octroyée aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) pour un montant de 450 millions d’euros.

La Cour des comptes s’inquiète, toutefois, des effets de deux contentieux fiscaux qui ont valu à la France d’être condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne et qui pourraient peser à hauteur de près de 5 milliards d’euros sur l’exercice 2013 et de 1,75 milliard sur 2014.

Des hausses de TVA ou de CSG inéluctables

Pour 2013, la Cour des comptes a estimé que l’objectif d’un retour des déficits publics à 3% du PIB supposerait certainement « une hausse des impôts à assiette large et fort rendement, comme la TVA ou la CSG […] au moins à titre temporaire », alors que le gouvernement entend abroger dès cet été la « TVA sociale » votée par la précédente majorité et qui devait entrer en vigueur à l’automne.

La Cour fait valoir que « l’ampleur de la consolidation budgétaire nécessaire » rend une augmentation de la TVA ou de la CSG « difficilement évitable » en 2013 si la France compte bien « assurer la trajectoire des finances publiques ». Par leur assiette très large, ces impôts permettent de faire entrer rapidement beaucoup d’argent dans les caisses. Une pilule amère pour la gauche, qui rechigne traditionnellement à jouer sur la TVA – taxe qui pèse indistinctement sur les riches comme sur les moins fortunés.

D’inévitables coupes claires dans les dépenses de l’Etat

Selon les « sages de la rue Cambon », un autre défi attend le Président François Hollande et son équipe. L’institution juge que la réduction du déficit passera avant tout par des coupes claires dans les dépenses de l’État. Un message en contradiction avec la voie défendue par le gouvernement d’ « une rigueur de gauche » qui place l’augmentation des recettes devant la réduction des dépenses.

L’augmentation de prélèvement ne doit être que temporaire tandis que l’effort sur les dépenses, d’au moins 16,5 milliards d’euros – soit la moitié des 33 milliards d’économies préconisés pour 2013 -, doit correspondre à des réformes de fond. Le rapport sur les finances publiques dresse même un plan de route de la baisse des dépenses.

« Revoir les leviers de l’Etat-providence »

Dans le jargon bureaucratique, on parle des dépenses d’intervention. Elles représentent 34% des dépenses de l’État et sont consacrées aux allocations familiales, au financement des retraites et aux autres aides publiques. La Cour des comptes invite le gouvernement à réexaminer les 1 300 dispositifs existants afin de « mieux cibler les aides au profit des plus vulnérables ». Dès lors, les fameuses « classes moyennes » pourraient, selon le plan de la Cour des comptes, se retrouver hors les murs de certaines allocations familiales et d’autres dispositifs, comme les aides au logement. Si la Cour des comptes juge ce réexamen « crucial », il est probablement aussi le plus sensible au plan politique.

Fonction publique : le choix « perdant-perdant »

Pour la Cour des comptes, soit le gouvernement décide de geler les salaires et de mettre un « hola » à tous – ou presque – les avancements et autres promotions, soit le gouvernement décide de réduire le nombre de fonctionnaires afin « d’avoir des marges de manœuvre salariales ». Un « enjeu crucial » dans la mesure où la masse salariale de la fonction publique représente 13,6% du produit intérieur brut (PIB) du pays.

Revoir certains grands projets

Contrairement aux intentions affichées par le gouvernement, la Cour des comptes estime que l’heure n’est plus aux grands projets publics d’investissement. Certains investissements pourraient se révéler « incompatibles avec la situation financière du pays ». Des dossiers aussi emblématiques que le Grenelle de l’environnement ou le chantier du Grand Paris, cités dans l’audit, pourraient subir un coup d’arrêt ou du moins revêtir une forme moins ambitieuse.

La Cour des comptes est, par tradition, indépendante, et les termes de ce rapport illustrent parfaitement cette indépendance de l’institution. Pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer à première lecture, ce rapport pourrait se révéler un atout non négligeable dans le redoutable – et périlleux – combat politique que devront livrer le Président de la République et son gouvernement pour faire passer la thérapie de choc qu’ils s’apprêtent à imposer au pays. L’enjeu est éminemment politique, et de sa réussite dépend d’ores et déjà la réussite du quinquennat Hollande et son éventuelle réélection en 2017. On se souvient du sort qu’a connu, en 1997, la dernière majorité – de droite, celle-là – chargée de rétablir les finances du pays avant l’entrée dans l’euro.

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