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«Efforts» de rigueur pour Jean-Marc Ayrault

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C’est le Premier ministre d’une France « abîmée moralement » et « affaiblie économiquement » qui a appelé « l’ensemble de notre peuple » à la « mobilisation » générale. Pour son baptême du feu parlementaire dans ses nouvelles fonctions, Jean-Marc Ayrault a, pendant une heure et trente minutes, livré les grands axes des réformes du quinquennat, avant d’engager la responsabilité de son gouvernement – un vote de pure forme puisque le Parti socialiste et ses proches alliés constituent une majorité des 577 députés.

Le Premier ministre a passé les derniers jours à préparer ce discours, un moment essentiel après la prise de fonction de la plupart des Premiers ministres, qui doit donner le ton et le tempo du mandat à venir. A Matignon, ses collaborateurs étaient mobilisés avec pour mission de reprendre le projet présidentiel, les 60 propositions de campagne de François Hollande, tout en prenant en compte les contraintes exprimées par la Cour des comptes dans le rapport rendu public lundi 2 juillet. Le chef de l’Etat a, bien évidemment, validé la feuille de route de Jean-Marc Ayrault.

Ni « rigueur », ni « austérité »

La contrainte était de taille – sur le fond plus encore que sur la forme : « efforts », « redressement », oui, « rigueur » et « austérité », non. Pourtant, le déficit et la dette publique sont colossaux et les efforts budgétaires sont considérables. Mais, il faut le dire, sans le dire.

Dans un contexte de croissance revue à la baisse – 0,3% pour 2012 et environ 1,2% pour 2013, contre 0,4% et 1,7% attendus-, la lutte contre la dette, qui atteint « près de 1800 milliards d’euros », est érigée au rang de priorité, au même titre que l’emploi. « Une France endettée est une France dépendante, dépendante vis-à-vis des agences de notation, dépendante vis-à-vis des marchés financiers », a fait valoir Jean-Marc Ayrault, à la veille de la présentation d’un collectif budgétaire pour 2012 d’un montant de 7 à 10 milliards d’euros.

La maîtrise des dépenses ne saurait suffire

Pas d’austérité budgétaire, même si cela finira bien par y ressembler, mais un « redressement dans la justice ». Les termes pourraient paraître abscons et l’équation bien délicate à solutionner – si l’objectif fixé de longue date et réaffirmé doit être atteint, l’équilibre des comptes en 2017.

Jean-Marc Ayrault récuse l’idée développée par l’opposition selon laquelle le gouvernement aurait opéré un « tournant ».

Des choix lexicaux inédits à gauche

Et, en attendant d’être peut-être contredit, à contrecœur – par les faits, il adopte un ton volontaire et soigne son vocabulaire : «redressement», «justice», «jeunesse» et «France», sont les mots que le chef du gouvernement a prononcé le plus souvent. Il en a même appelé au «patriotisme», terme pourtant peu courant à gauche, pour fustiger l’évasion fiscale et appeler de ses vœux le redressement de l’appareil industriel français qui a perdu, selon lui, 750 000 emplois en dix ans.

Si durant la campagne présidentielle, François Hollande avait fait de la finance son «adversaire», Jean-Marc Ayrault a affirmé ne pas être «l’ennemi de l’argent». «Le redressement prendra du temps, mais nous surmonterons la crise et nous retrouverons le progrès», a-t-il promis.

«La France est un vieux pays, d’un vieux continent, mais c’est aussi un pays neuf, moderne, à la créativité intacte», a clamé Jean-Marc Ayrault, une évocation directe du discours de Dominique de Villepin devant l’ONU, lors de la crise irakienne, le 14 février 2003.

Pas de « débat sur l’héritage », un discours de la méthode

S’il s’est refusé à engager de «débat sur l’héritage», le Premier ministre a toutefois souligné que la dette s’était accrue de 600 milliards d’euros durant le dernier quinquennat et que son poids était «devenu écrasant».

Sans dévoiler de mesures nouvelles, Jean-Marc Ayrault s’est attaché à décrire sa méthode et préciser le calendrier des réformes. Il entend « installer le changement dans la durée ». « Prendre le temps d’écouter, d’évaluer, de décider, de faire partager, c’est la condition même du changement », a-t-il ajouté. Aux partenaires sociaux, il propose le au « donnant-donnant », au détriment des décisions « imposées d’en haut et dans la précipitation ».

Ecole, transition énergétique et mariage homosexuel…

Au final, le quinquennat se divisera en «deux temps», avec d’abord des «réformes de structure» qui permettront de «tirer les bénéfices de l’effort collectif». A côté des efforts économiques et sociaux, Jean-Marc Ayrault a ouvert le chantier de l’école, avec le lancement, jeudi 5 juillet, d’une consultation pour sa «refondation».

La transition énergétique, pour aboutir à une réduction de la part du nucléaire dans le bouquet énergétique français, fera l’objet d’une conférence intergouvernementale à la rentrée.

Le mariage homosexuel et le droit à l’adoption pour tous verront le jour au premier semestre 2013. Le droit de vote des étrangers aux élections locales a aussi été promis mais sur ce sujet très décrié à droite, le calendrier reste flou. Quant au non-cumul des mandats, il sera appliqué en 2014, et une part de proportionnelle sera introduite pour les prochaines législatives de 2017.

Asseoir son autorité

Les députés socialistes et apparentés détiennent une majorité absolue des sièges et le gouvernement ne risque pas d’être mis en minorité. Pourtant, pas d’état de grâce et les députés du Front de gauche n’accordent pas leur confiance et se sont abstenus. Jean-Marc Ayrault court le risque d’être bientôt pris entre deux feux : la gauche de la gauche, anti-rigueur, et le centre et la droite. Viendra alors le temps de la critique…

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