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Face à la BCE, un président «musclé» de l’Eurogroupe?

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Comme son nom l’indique, la Banque centrale européenne est une banque centrale. Cette formule a sans doute des allures de la palissade mais c’est indéniablement ce que symbolise, au-delà de ces incidences techniques, la décision annoncée, jeudi 5 juillet, d’abaisser son principal taux directeur en-deçà de 1%, à 0,75%. Une banque centrale est une banque centrale indépendante dont la responsabilité n’est pas de conduire la politique économique, financière et monétaire de la zone euro. Cette dernière est de la responsabilité des politiques et relève, à ce jour, de chacun des Etats-membres et pour partie de l’Eurogroupe.

L’Eurogroupe au cœur du dispositif anti-crise

Rassemblement des ministre des Finances des 17 Etats-membres de la zone euro, l’Eurogroupe a été placé au cœur du dispositif d’urgence chargé de répondre à la crise de la dette publique et aux débâcles successives de l’Irlande, de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne et de Chypre. Son rôle porte aussi sur la surveillance budgétaire et macro-économique des Etats-membres – et devrait être renforcé par le pacte de stabilité financière. Berlin et Paris souhaitent maintenant donner une dimension plus politique à cette instance technique.

Paris et Berlin à la manœuvre

Un président de l’Eurogroupe qui serait l’égal du président de la BCE, Mario Draghi, ou de la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, et qui participerait à ce titre aux réunions internationales comme les sommets du G20. Un président de l’Eurogroupe qui renoncerait à ses responsabilités nationales et incarnerait exclusivement l’euro – et sa dimension politique – pendant cinq ans. Un président de l’Eurogroupe, sorte de ministre des Finances de la zone euro, dont la nomination – pour cinq ans -constituerait une étape supplémentaire dans la voie de la fédéralisation de la zone euro. C’est l’idée avancée par Berlin et Paris dont Angela Merkel et François Hollande devraient s’entretenir, dimanche 8 juillet, à Reims à l’occasion du cinquantenaire de la rencontre historique entre Konrad Adenauer et le général de Gaulle.   

Six mois de sursis pour Jean-Claude Juncker

Il paraissait indéboulonnable et, pourtant, il s’apprête sans doute à céder la place : Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg depuis 1995 et président de l’Eurogroupe depuis 2005, devrait être reconduit dans ses fonctions européennes pour six mois seulement. D’ici là, au sommet européen des 13 et 14 décembre, celui-ci aura, avec le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, celui de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et de la BCE, Mario Draghi, présenté un rapport sur « une authentique Union économique et monétaire ». Le renforcement de la présidence de la zone euro participerait de ce tournant.

Un poste qui suscite des convoitises

C’est le manque de stature internationale de Jean-Claude Juncker et ses responsabilités étatiques – fussent-elles à la tête d’un aussi petit pays que le Luxembourg – qui empêcherait sa reconduction. Le prochain président de l’Eurogroupe devra être plus musclé.

Question de musculature, tous les regards se tournent vers les deux pays instigateurs de cette innovation. Ni l’Allemagne, ni la France ne sont représentés à la tête d’aucune des instances européennes. Selon les rumeurs, Berlin envisagerait de pousser la candidature de son actuel ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, à moins d’un an de législatives plus qu’incertaines, Angela Merkel ne verrait pas d’un mauvais œil de placer à un poste aussi stratégique son fidèle allié. Paris s’estime tout autant en droit revendiquer un « siège à responsabilité » après son échec, en mai, à la présidence de la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD). La présence de Christine Lagarde à la direction générale du FMI pourrait contrecarrer ces ambitions et puis un autre poste devrait être à pourvoir, fin 2014, à la présidence de la Commission. Pierre Moscovici, le nouveau ministre français des Finances, dont le nom avait été évoqué, ne serait pas intéressé. Et puis François Hollande tient peut-être à garder près de lui ses meilleurs talents.

France et Allemagne pourraient donc s’opposer sur le nom du pressenti. Contexte qui pourrait faire l’affaire d’un troisième homme ou d’une troisième femme. Mais, ils ne sont pas si nombreux à pouvoir se targuer d’avoir à la fois la stature internationale et l’expertise économique et financière indispensables.

Un « Ministre des Finances » de la zone euro pour une fédéralisation rampante

Comme Catherine Ashton, Haut Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, qui fait office de « Ministre des Affaires étrangères » de l’Union européenne, le nouveau président de l’Eurogroupe devrait être, de facto, le « ministre des Finances » de la zone euro. De manière désormais à peine voilée, la zone euro – et les pays qui le souhaiteront au sein de l’Union européenne – avance à grand pas dans le sens d’une fédéralisation.

Pour l’instant, les responsables européens hésitent à prononcer le terme en souvenir, sans doute, de l’épisode rocambolesque de la Constitution européenne de 2004 et de crainte de froisser des opinions publiques frileuses. Pourtant, il conviendra bien, un jour, de mettre de l’ordre dans une architecture européenne toujours plus complexe.

Un « ministre », cela fait partie d’un gouvernement. Ces postes de « ministres » européens sont institués en doublon de poste de commissaires chargés des mêmes questions au sein de la Commission européenne. Et c’est bien la question du rôle de la Commission qui devra être posée. Dans une « Europe fédérale », le Parlement européen resterait la Chambre basse, directement élue et aux pouvoirs renforcés. Conseil européen et Commission européenne pourraient l’un comme l’autre tenir les rôles de gouvernement et de chambre haute.

Mais, surtout, il ne faut pas parler d’« Etats-Unis d’Europe »

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