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Francesco Schettino, l’homme le plus détesté d’Italie

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Le capitaine Francesco Schettino est apparu, pour la première fois depuis le drame du Costa Concordia, sur une télévision italienne.

« Je ne suis pas le seul responsable »

Le commandant, devenu l’ennemi numéro 1 en Italie a tenu à s’excuser pour les conséquences de ce désastre, survenu le 13 janvier dernier, qui a tué 32 personnes.

Lors de son interview, Francesco Schettino a avoué avoir une pensée constante pour les victimes du naufrage tout en affirmant ne pas devoir être tenu pour seul responsable du drame.

« Lorsqu’il y a un accident, ce n’est pas simplement le bateau ou la compagnie qui sont accusés, le capitaine l’est également et c’est donc normal que je doive m’excuser, en tant que représentant, » a déclaré le commandant sur la chaîne italienne Canal 5.

Francesco Schettino a déclaré avoir été « distrait » par un coup de téléphone et affirme ne pas avoir été sur le pont au moment de la collision.

« A ce moment, je suis allé sur le pont et ai ordonné que le pilotage automatique soit actionné et je n’avais pas les commandes, » a-t-il ajouté.

Francesco Schettino refuse les charges d’homicides multiples et de naufrage qui pèsent contre lui.

Dans une lettre, publiée récemment dans le quotidien italien La Corriere della Sera, le commandant se défend et affirme avoir sauvé de nombreuses vies en manœuvrant le bateau jusqu’à le faire échouer au plus près des côtes de l’île du Giglio.

Inculpé et placé en détention

Vendredi 13 janvier à 21h30. Le Costa Concordia heurte un rocher près de l’île du Giglio. La coque du navire est éventrée sur une longueur de 70 à 100 mètres et le bateau commence à couler. A 23h40, d’après la presse locale, le commandant Francesco Schettino est retrouvé, vivant, sur le rivage, alors que l’évacuation du navire de croisière, dont il a la responsabilité, n’est pas terminée.

Le scandale ne se fait pas attendre, l’information est relayée partout : le commandant a quitté son navire dans les premiers. Dès le lendemain, samedi 14, Francesco Schettino est inculpé pour abandon de navire et homicides multiples et placé en détention provisoire.

Tous les yeux sont rivés sur ce capitaine, désormais l’homme le plus détesté d’Italie. En quelques heures, l’honorable commandant du Costa Concordia a vu le monde entier se retourner contre lui au motif qu’il aurait fait dévier de sa trajectoire son navire, se serait approché dangereusement de l’île du Giglio et aurait volontairement enfreint les règles de base de la navigation.

Le capitaine tente de se justifier

Alors que tous les faits sont contre lui, le capitaine se défend. Il nie avoir abandonné son bateau et met en cause le matériel de navigation. Dans une interview donnée à une télévision italienne, avant son inculpation, Francesco Schettino trouve les mots pour se justifier : « Il faut aussi comprendre que dans ces moments particuliers, le rôle du capitaine consiste à trancher froidement pour prendre la meilleure décision possible. Et de fait, presque tout a été fait dans cet esprit. […] Je crois, non, je pense fermement que le rocher n’était pas signalé. […] J’ignore s’il était indiqué ou pas, mais la carte indiquait que le tirant d’eau était suffisant sous le navire jusqu’à 100 à 150 mètres des récifs. Nous sommes pourtant restés à plus de 300 mètres de la côte, environ. Nous n’aurions pas dû subir cette collision. […] J’ai bien été le dernier à abandonner le navire. »

Témoignages divergents

Et pourtant, toutes les preuves sont contre lui. L’enregistrement d’une conversation accablante entre le commandant et la capitainerie de Livourne a été rendue publique par un quotidien italien. « Ecoutez Schettino, vous vous êtes peut-être sauvé vous-même de la noyade, mais je vais vous faire beaucoup de tort. Vous allez me le payer. Bon sang, retournez à bord ! »

Les avis et témoignages divergent. Un membre de l’équipage,  Katia Keyvanian, prend la défense de son capitaine, samedi 15 janvier, en réponse à l’incroyable polémique relayée par tous les médias. Sous un article du site Il Post, la jeune femme commente : « ce n’est pas vrai que le commandant est descendu le premier, j’étais sur le canot de sauvetage, et lui était au bastingage du pont 3, pendant que le bateau s’enfonçait. »

Lors de son audience, le capitaine a changé de stratégie de défense. Il a expliqué être tombé à l’eau pendant le naufrage et justifié ainsi son absence sur le bateau au moment où l’équipage organisait  l’évacuation.

Un homme qui aime le risque

Comme pour en rajouter au portrait monstrueux de ce commandant, la personnalité de Francesco Schettino est scrupuleusement disséquée. Cet homme de 52 ans, employé par Costa Croisières depuis 11 ans connaît la mer depuis sa plus tendre enfance. Diplômé d’une école d’officiers de marine, il travaille dans les ferries et dans les pétroliers avant d’arriver dans le milieu de la croisière. Il débute en tant qu’officier de sécurité en 2002 puis il devient second et finalement, commandant en 2006. On parle de lui comme d’un homme féru de discipline, qui organisait son bateau comme un bataillon de l’armée.

On parle également d’un homme qui aime le danger et qui trouve même du plaisir à prendre des risques. Dans une interview donnée en 2010 au journal Dnes, il déclare « J’aime quand quelque chose d’imprévisible arrive, quand on peut s’écarter un peu des procédures habituelles. »

Car si la première version des faits met en cause une tradition, « l’inchino », qui veut que les navires se rapprochent au maximum de l’île qu’ils longent, toutes lumières allumées et sirènes hurlantes, pour saluer la population locale, une seconde affirme que le capitaine a volontairement frôlé l’île afin de faire plaisir au chef des serveurs du navire, originaire de l’île. Cette dernière version est appuyée par des témoignages : « Antonello, viens voir, nous sommes tout près de ton Giglio ! » aurait lancé Francesco Schettino avant le naufrage. Une prise de risque volontaire donc, et inconsciente puisque le dit Antonello aurait également fait remarquer à son capitaine le danger de la manœuvre.

Assigné à résidence

La justice a tranché, mardi 17 janvier, lors d’une audience, sur le sort du capitaine. Représenté par Me Bruno Leporatti, il nie les charges qui pèsent contre lui – homicides multiples par imprudence, naufrage et abandon de navire – et avance sa propre version des faits. Il n’a visiblement pas convaincu les juges qui ont affirmé que cet éclairage de l’accident n’allait pas changer la décision de la justice. Après trois heures d’interrogatoire, la justice italienne a décidé de le placer en liberté surveillée. Libéré de la prison de Grosseto dans la nuit de mardi à mercredi 18 janvier, il a été escorté jusqu’à son domicile, accompagné de sa femme et de son frère.

Les recherches ont dû être suspendues dans l’épave du Costa Concordia à la suite d’un mouvement du bateau. Personne ne sait quand les plongeurs pourront retourner inspecter la partie immergée du navire et, peut-être, retrouver la vingtaine de passagers qui manque toujours à l’appel. Francesco Schettino est devenu la cible n°1 de tous les Italiens, mais les rescapés du naufrage et les familles des victimes devront attendre désormais un procès qui n’aura sans doute pas lieu avant quelques années. 

Dans cette affaire, personne n’est à l’abri d’un rebondissement car d’énormes intérêts financiers sont en jeu. Et si les preuves paraissent accablantes, des témoignages contradictoires existent et devront être étudiés. Le capitaine Francesco Schettina est évidemment un coupable facile, tant pour le gouvernement italien que pour la compagnie Costa Croisières

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