Site icon La Revue Internationale

Incohérences de l’accord d’Addis-Abeba sur la situation en RDC : la charrue avant les bœufs

kabila-kagame.jpgkabila-kagame.jpg

Lors du 19ème sommet de l’Union africaine qui s’est tenu récemment en Éthiopie, quelques dirigeants ont suggéré la mise en place d’une force neutre en vue de neutraliser les éléments du M23 et des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) qui sévissent dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo.

[image:1,l]

Mais cette décision a révélé le manque de volonté et de crédibilité des autorités africaines dans la résolution des problèmes dont souffre le continent. En effet, à l’instar de leurs homologues de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDAO) qui peinent à trouver la solution adéquate pour rétablir l’unité du Mali, les représentants de la Conférence internationale sur la région des grands lacs (CIRGL) ont confirmé, à l’issue de la rencontre du 11 juillet à Addis-Abeba, leur incapacité à décliner des mesures d’urgence s’agissant du conflit dont les dégâts collatéraux hypothèquent l’entente cordiale à travers l’Afrique orientale.

L’arrêt immédiat des affrontements

La rencontre interministérielle de la CIRGL aurait dû prendre des décisions relatives à l’arrêt des combats dans la région du Kivu. Cela aurait prouvé l’engagement et la fermeté contre les conflits armés qui ne cessent de déstabiliser l’Est du Congo-Kinshasa, et de fragiliser l’espace englobant les pays des grands lacs. L’attitude ayant consisté à ne se soucier que des mesures à moyen et long terme, sans pour autant penser à arrêter l’hémorragie, est dénuée de toute logique. Ainsi les dirigeants des États concernés ont-ils préféré prévenir, au lieu de guérir. C’est parce que l’on a toujours mis la charrue avant les bœufs que la situation s’aggrave davantage.

Les autorités congolaises n’auraient pas dû accepter une telle décision, laquelle pourrait avoir des répercussions négatives sur l’intégrité territoriale. S’est-il agi d’un aveu d’impuissance sur le plan diplomatique ? En tout cas, le parlement de la République Démocratique du Congo devrait interpeller dans l’urgence le gouvernement de Matata Ponyo Mapom dans le but de faire des propositions allant dans le sens de la cessation immédiate des hostilités.

La composition de la force d’intervention

Le bon sens voudrait que l’armée rwandaise ne fasse pas partie de la force de pacification qui serait mise en place. En effet, les actions conjointes entre les soldats des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et de l’armée rwandaise (RDF) ont été un fiasco dans un passé proche. Au lieu d’apporter une paix durable dans la région, les opérations Umoja wetu[1] en février 2009 dans le Nord-Kivu et Kimya[2] II en mai 2009 dans le Sud-Kivu n’ont permis qu’à mieux positionner les pions rwandais dans la hiérarchie militaire et l’échiquier politique congolais. Le rôle du RDF devrait en conséquence se borner à la surveillance des frontières, afin d’empêcher toute tentative de déstabilisation de son voisin à partir du territoire rwandais. Dans la même optique, il vaudrait mieux qu’aucun contingent militaire d’un pays africain allié du Rwanda ne soit intégré dans ce dispositif – l’objectif étant la présence d’éléments impartiaux qui puissent remplir consciencieusement les tâches qui leur seraient assignées.

Le Parlement congolais devra faire des propositions sur la composition dudit contingent, celui-ci devant opérer sur le sol congolais aux côtés des FARDC et être composé des éléments armés de quelques pays membres de l’Afrique centrale. Une force militaire regroupant à cet effet des soldats locaux et des alliés du Congo-Brazzaville, de la Centrafrique, du Cameroun, du Gabon ainsi que du Tchad pourraient fort bien obtenir les résultats escomptés. Le chef d’état-major des FARDC superviserait les opérations sur le terrain, sous l’assistance des gradés de différentes armées et des techniciens de la Mission de l’organisation des Nations Unies pour la stabilisation de la République Démocratique du Congo (MONUSCO).

Les moyens d’intervention

Les missions des Nations Unies consistent, entre autres, à rétablir la paix. Sa présence en République Démocratique du Congo est jusqu’à présent très mitigée. Ainsi les militaires de la Monusco devraient-ils redorer leur blason en assistant, sur les plans technique et matériel, la force de pacification qui œuvrerait en vue de la sécurisation de la région du Kivu. Leur logistique et leur savoir-faire ne pourraient qu’être utiles, conformément à l’opération Amani leo[3], aux actions en vue de la maîtrise des rebelles du M23 et du Congrès national pour la libération du peuple (CNDP) qui sévissent en toute impunité dans la région du Kivu.

Un pays souverain

Il est très important de rappeler qu’aucune intervention militaire sur le sol congolais ne devrait être pilotée par une force neutre. En effet, en tant que pays souverain, la République Démocratique du Congo est en droit d’assurer la sécurité, ou de la superviser, dans l’ensemble de son territoire. Cela implique la présence étatique sur la totalité du pays. Une action militaire, sous le contrôle des forces étrangères, consisterait de facto à une mise sous tutelle, avec tout ce que cela comporterait comme risque en matière de balkanisation.


[1] C’est-à-dire « Notre union », en swahili. Cette mission a été négociée secrètement par John Numbi, l’ancien inspecteur général de la police nationale congolaise. Elle a consisté, officiellement, à traquer les membres des FDLR.

[2] À savoir « la paix » en lingala. Cette opération militaire a été menée contre les rebelles hutus rwandais réfugiés dans l’Est du Congo-Kinshasa.

[3] La paix aujourd’hui, en swahili. Cette opération, ayant consisté à « détruire tous les sanctuaires » des FDLR, a été mise en place en janvier 2010.

Quitter la version mobile