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La communication doit être partenaire de la gouvernance

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Etre un dirigeant aujourd’hui n’exige pas seulement une expertise propre à la gouvernance, mais impose aussi une solide maîtrise des règles de communication. Certaines erreurs en la matière peuvent nuire tant à la personne qu’à l’entreprise qu’elle dirige. Ghyslaine Pierrat qui est une Spin Doctor à la française, qui en est convaincue, nous explique comment la communication est devenue le partenaire du pouvoir.

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« J’aime les pays où on a besoin d’ombre » disait Stendhal. Naturellement, j’aime la discrétion, l’ombre et partage cette métaphore. Il n’empêche que nous avons diamétralement vu se transformer les visages de la communication, qu’elle soit économique ou financière, sociale ou politique.

La communication a changé de dimension

Aujourd’hui, règne une transparence informationnelle inédite et en forte augmentation. Celle-ci s’est imposée à tous. Tandis que la mondialisation a modifié les échanges, Internet a aussi instauré de nombreux changements, une vraie immédiateté, une pression permanente et une opinion publique internationale. L’information nationale n’existe plus. La communication nationale non plus d’ailleurs. Elles sont simultanément planétaires. La cause est entendue.

Dans ce contexte renouvelé, les entreprises naviguent, sous les vents mondialisés et financiers, comme elles peuvent. Et les échos de désindustrialisation, de plans sociaux, de licenciements se multiplient. Au sein de ces turbulences économiques et financières : l’entreprise est sous les regards des analystes, des actionnaires, des salariés et sous les projecteurs des médias analogiques et numériques.

Et, au même moment où l’on s’interroge sur la nature du développement économique, où la crise perdure, où l’on peut craindre de nombreux dépôts de bilan à la rentrée, où on s’enquiert sur les modes de management, il faut que les dirigeants reprennent la parole. Il faut qu’ils engagent de nouveaux dialogues : « un langage de l’action », dans cette nouvelle société fluide et interactive où tous veulent compter, participer, peser et être entendus.

De l’importance de l’image chez les dirigeants

Certes, nos patrons sont une espèce de mosaïque de femmes et d’hommes qui ne se ressemblent pas. Pourtant, ils ont un dénominateur commun qui s’impose à eux : l’importance de l’image, celle de leur PME, comme de leur propre image. Elles sont devenues des entités connues et reconnues, commentées et décriées sur la place publique. Quelquefois d’ailleurs à tort et de façon injuste. Mais l’image des patrons n’en finit pas de faire la « Une » des médias.  Peu à peu et souvent contraints, les dirigeants ont pris conscience de l’importance de l’image. En 2007, Antoine Zacharias abandonne Vinci qu’il avait bâti, en 2009, Daniel Bouton quitte à regret, la Société Générale,  en juin 2012, Didier Lombard est mis en examen, Jean Bernard Lévy est démissionnaire de Vivendi, Jean Marie Messier est cité de nouveau  dans la presse et Philippe Varin s’explique sur sa gouvernance et en appelle aux pouvoirs publics, puis il est « invité » à s’exprimer à Bercy. Le Président de la République François Hollande s’impose dans le débat et notamment dans son allocution du 14 juillet 2012.  S’il en a été ainsi, c’est aussi parce que certains ont été fermés à la souffrance générée par leur mode de management ou choqué par l’hybris de leur style.

Les révélateurs de crises de gouvernance

En 2012, on peut légitimement penser que toutes les gouvernances contemporaines sont ou seront toutes traversées d’une ou plusieurs crises de communication. Elles seront les révélateurs d’une crise de gouvernance.  Il faut dire que les rythmes se sont accélérés et que le métier de patron s’est profondément remanié avec  la globalisation des marchés.  Les nouveaux patrons doivent plus vite définir « un cap » dans une conjoncture instable, rapide et mouvante. Son « variable voyage » a considérablement été augmenté. Les patrons mondialisés vivent désormais « hors horloge ». Les « call-conférences », les rendez-vous  n’ont plus d’horaire. On bosse 24/24h et 365 sur 365 jours par an. Les dirigeants sont devenus de nomades de la mondialisation. Et les délais pour obtenir des résultats ont presque été divisés par deux. Désormais, le décideur doit « surperformer le marché » et vite.  Cet exercice du « cap » appelle de plus en plus l’excellence, l’anticipation, la vision de l’avenir, un style de management et un réel charisme personnel du patron…

La communication n’est pas seule responsable

Je peste  souvent de voir certains de ces talents, ces forces vives exploser en vol comme une bulle de savon et de temps en temps, faute de communication, de problématiques liées à leur style de management ou à leur personnalité. Je suis attentivement de près certaines gouvernances et le parcours de quelques patrons dont j’apprécie tantôt la personnalité hors norme, tantôt le côté visionnaire, la force de travail ou le mérite réel. De temps à autre, il suffirait de si peu pour que ça marche mieux.

De grâce, comprenons-nous.  La communication n’est pas la seule cause des maux sociaux ou de résultats en points d’interrogation dans les entreprises. La communication n’est pas un tout.

Et, s’il convient de préciser aussi  que  nous ne sommes pas des magiciens, j’ai la faiblesse de croire,  que la communication peut être très efficiente. Encordée à l’intelligence et au sens, elle est déterminante. Amarrée à la stratégie, elle est devenue un co-partenaire moderne et obligé. La communication se pense différemment. Elle s’exerce davantage en responsabilité sociale. Elle intègre mieux la cité et ses cortèges d’incidences. Les présidents de groupe ne sont pas de mythiques cartes postales figées, en bonne place à l’entrée de l’entreprise.

La communication a changé de dimension

Dès lors,  au regard de l’expérience de tous, non seulement, je crois que l’image est un capital et un patrimoine dans les gouvernances contemporaines, mais j’ai la conviction profonde qu’elle est et sera encore plus déterminante. Tandis que l’image du groupe fédère un sentiment d’appartenance fort qui doit se muter en ciment social, l’image du patron doit être présente et « incarnée ».  Bien sûr, il ne s’agit pas, ici, de développer une vision aux accents  paternalistes à la façon des icônes du culte de la personnalité. Mais simplement de mettre en évidence que les salariés ont davantage besoin de comprendre le sens de la gouvernance, d’identifier qui fait quoi,  vers quels objectifs ils doivent travailler et leur chance d’avenir dans le groupe.

Dans ce monde mondialisé qui se dilue, au sein de notre société marquée par des progrès techniques constant, une folle transparence et un consumérisme sociétal, la valse des postes est assez préjudiciable. Les femmes et les hommes, cadres et salariés de l’entreprise, veulent un patron qui instaure un lien de confiance, un dialogue et qui  leur garantit à la fois une sorte de « protectorat entrepreneurial imaginaire ». Ils désirent être entendus, qu’il y aura dialogue et qu’on évitera le point de rupture. Ce n’est pas en tirant sur la tige d’une plante qu’on la fait pousser.

Il n’y a pas de patron intouchable

Désormais, le job de grands patrons consistera à apprendre à mieux communiquer. De savoir quand et comment communiquer. Il n’y a pas de patrons « intouchables ». Chacun a et aura besoin d’une espèce de « miroir »  particulier, pour dialoguer, jauger, réfléchir, même si la décision n’appartient qu’au principal protagoniste… Je crois à une communication authentique, un vecteur de crédit, parce qu’elle cristallise ladite confiance.

Visiblement, certains ont parfois tardé à prendre conscience que l’image propre du dirigeant impacte dans l’entreprise et qu’elle est présente à tous les niveaux.  A nous, les « spin doctors à la française », dans une démarche de responsabilité sociale de notre fonction, de leur indiquer et de les aider. A nous de pointer, avec bravoure, du doigt les problématiques. L’intelligence sans le courage ne sert à rien. L’intelligence sans une vraie capacité de production d’idées opérationnelles, sans une véritable écoute et remise en question, non plus. La bonne concession est celle qui permet de s’appuyer sur ce qui résiste et donc de progresser. On ne galope pas dans un marécage ni dans les broussailles ou les épineux mais sur un sol ferme et solide.

John Maynard Keynes se plaisait à dire que « la difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes »…

Et pourtant, dans bien des situations, il n’est jamais trop tard.  Les épreuves métamorphosent toujours une femme ou un homme. On peut toujours essayer de s’engager, de réparer, d’insuffler un souffle, de dynamiser une compagnie avec volonté et courage.

Si je crois aussi que le « spin doctor » doit être un professionnel, habité de réels, je pense aussi que nous devons être, plus que jamais, des porteurs d’espoirs. Dans cet esprit, je m’attache à être une professionnelle qui essaye d’ouvrir tous les champs du possible, à la condition d’admettre la nécessaire acceptation de la composante de l’image. Pour la France, pour l’Europe, il faut arriver à vaincre cette crise, ces crises et à tirer notre pays en avant.

>D’autres informations sur Ghyslaine Pierrat en allant sur son site

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