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La fin du monde, une attraction touristique?

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[image:1,l] Dans le film catastrophe 2012, un écrivain de Science -fiction et sa famille s’échappent de Los Angeles, alors que la ville est en train d’être submergée par l’Océan Pacifique. Ce film hollywoodien, comme beaucoup d’autres, a été en partie inspiré des théories inspirées du calendrier maya qui prévoit un changement radical à l’échelle mondiale pour le 21 décembre 2012: la fin du monde.

Bien que des scientifiques mayas aient démystifiés ce sinistre scénario, le film a récolté près de 800 millions dollars au box office et a largement contribué à la diffusion de l’idée d’une possibilité de fin du monde en décembre 2012. Une enquête récente a en effet montré qu’une personne sur dix croyait que les prévisions du calendrier Maya mèneraient à une apocalypse.

La prophétie apocalyptique fait vendre

Il y a au moins quelque chose de concret dans tout ce catastrophisme autour de l’apocalypse: le tourisme. Un afflux de visiteurs est attendu au Guatemala et sur la péninsule du Yucatan, au sud du Mexique, au cœur du monde maya. Les autorités des deux pays – durement touchés par la violence liée aux cartels de la drogue – prévoient une nette augmentation du tourisme pour les prochains mois.

« Je sais que beaucoup de personnes viennent au Guatemala parce qu’ils pensent que quelque chose va arriver », déclare Shay Addams, auteur d’un livre et d’un blog sur le calendrier maya. « J’ai utilisé le discours apocalyptique comme un objet de marketing», reconnaît George Sansoucy, un homme d’affaires américain, maintenant reconverti en directeur d’agence de voyage dans la ville coloniale d’Antigua.

Une valorisation du patrimoine culturel maya

A l’image de ce que le pays a vécu lorsque la militante d’origine maya Rigoberta Menchu​​ avait reçu le Prix Nobel de la Paix en 1992, la spéculation autour de la fin du monde 2012 a conduit à un regain d’intérêt pour la culture maya, selon Elizabeth Bell, qui travaille pour un tour-opérateur au Guatemala. Elle affirme que cet intérêt est particulièrement important étant donné les antécédents racistes envers les Indiens maya, qui représentent environ la moitié de la population. Le Guatemala  est le pays qui possède la plus forte proportion indigène du continent américain.  « Les Mayas sentent ainsi une appréciation et une valorisation de leur culture, qui est extrêmement importante » explique Elizabeth Bell.

Un calendrier maya…

L’ancienne civilisation maya, comptait d’excellents astronomes et mathématiciens. Ils ont d’ailleurs inventé le concept du point zéro. En étudiant le mouvement de la lune et les étoiles, ils ont élaboré une série de calendriers, dont certains se révèlent plus précis que le calendrier grégorien utilisé dans la majeure partie du monde aujourd’hui. Ces anciens calendriers ont permis de guider les Mayas dans des décisions-clés : le moment idéal pour planter leurs cultures par exemple ou encore les dates de cérémonies.

…controversé

La controverse actuelle autour du calendrier porte sur ce compte long ou décompte qui s’étale sur une période de 5125 ans. Il a commencé en 3114 et prendra fin le 21 décembre 2012, ce qui correspond au solstice d’hiver. Pourtant, dans la prédiction maya, aucun élément ne prouve une fin du monde certaine.

Un glyphe au Mexique

Seule référence à cette date spécifique: une pierre gravée découverte à Tortuguero, au sud-est du Mexique, qui indique que c’est en 2012 que doit s’achever l’ère actuelle du calendrier maya. De nombreux historiens mexicains estiment que cette date représente simplement la fin d’un cycle et le début d’une 14e période.

Une interprétation erronée du calendrier maya

Les théories apocalyptiques qui remontent aux années 1960 ainsi que les livres et les sites Web ésotériques, ont combiné cette information avec les prévisions des éruptions solaires et magnétiques et les changements polaires, pour montrer que la fin est proche.

Un commentateur décrit le phénomène sur un des nombreux sites dédiés à l’apocalypse:

« Le soleil va enflammer le renversement des pôles et le mouvement de la croûte terrestre pendant une période d’environ deux heures. Il y aura des tremblements de terre, des raz de marée. Etes-vous prêt ? ».

Les experts de la civilisation maya rejettent de tels propos. Plutôt que de parler de fin du monde,  ils préfèrent assimiler le 21 décembre 2012, à la fin d’un millénaire et le début d’un autre.

La fin du calendrier : début d’un grand renouveau ?

Mary-Lou Ridinger, archéologue et membre du conseil de Conservation  Maya, une organisation qui veille à protéger les anciens sites mayas, souligne que, contrairement à nos sociétés modernes, les anciens Mayas ne sont pas des penseurs linéaires. Ils pensent que le passé, le présent et l’avenir sont intimement liés, comme les spirales de l’ADN. Dans le Popol Vuh, un recueil de textes contenant le mythe de la création de la civilisation maya, il n’y a aucune mention de la mort.

« Tout ce que vous voyez dans le Popol Vuh relève de la transformation, la résurrection et la renaissance», explique Mary-Lou Ridinger.

 La fin du monde 2012 comme attraction touristique

Cet intérêt soudain pour le calendrier maya va accroître le tourisme dans certains pays d’Amérique latine. La grande majorité des visiteurs est attendue à Chichen Itza, joyau de la civilisation Maya, Tulum et d’autres sites mayas, au Mexique, qui a investi sur la promotion du phénomène et beaucoup plus dépensé que le Guatemala, remarque Derek Steele, un Guatémaltèque qui dirige une société de services marketing.

En 2011, 22,6 millions touristes étrangers ont visité le Mexique, ce qui correspond à une hausse de 2 % par rapport à l’année précédente. Au Guatemala en revanche, le nombre de visiteurs a diminué de 2,8 %, selon INGUAT, l’agence de tourisme du gouvernement.

L’apocalypse, une opération marketing

Bien que l’office du tourisme du Guatemala ait formé un comité spécial 2012, Derek Steele estime que le pays perd une grande opportunité de relancer le tourisme et l’économie nationale, à un moment où les cartels de la drogue ont alimenté la violence, et fait fuir les touristes. Derek Steele a décidé de mener une action spéciale afin de mieux promouvoir le tourisme dans le pays, sous un nouveau nom: Guate-Maya.

Des millions de visiteurs sont attendus au Mexique et au Guatemala en décembre pour la fin du monde; même si vivre l’apocalypse au sommet des pyramides mayas de Tikal, El Mirador n’est pas au goût de tout le monde. A l’instar d’ Addams, auteur et blogueur, qui restera tranquillement chez lui le jour J : « Je ne veux pas être à proximité d’un site majeur maya » explique-t-il, « ce sera comparable à Disneyland ».

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